Birmanie, le pays forteresse
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Birmanie, le pays forteresse
Notre correspondant en Chine a pu se rendre dans ce pays en général fermé à la presse et qu'il a sillonné pendant dix jours
A Masoeyein (Mandalay), ce soir de février, 3 000 bonzes chantent. Malgré leur mer de robes carmin (le plus grand monastère du pays), ils ne sont qu'un grain de sable parmi le demi-million de moines du pays. Curieusement, l'armée birmane compte presque le même nombre de soldats (488 000). Ainsi, ce sont deux armées qui tiennent la Birmanie (aujourd'hui appelée Myanmar), une en rouge et une en vert, pouvoir moral et pouvoir des mitraillettes. Parfois elles s'affrontent, comme en 2007 où les militaires du général Tan Shwe tirèrent dans Rangoon (Yangon) sur les bonzes qui protestaient contre le riz cher.
La dictature ne saute pas aux yeux en ce pays de nature souriante et nonchalante. Mais la peur y est palpable : la nuit venue, les dissidents osent parler de leurs 2 100 frères en prison, de la presse muselée, de la corruption galopante, de la drogue du triangle d'or (héroïne et exstasy) aux mains de certains des militaires de la junte, de l'épidémie de sida.
À Rangoon, dans une villa au bord d'un lac, Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix, est enfermée par intermittence depuis 1990, quand la junte a cassé les premières élections du pays que son parti démocratique venait de remporter. Depuis lors, elle est vénérée dans les campagnes comme symbole de la résistance, mais ses proches se distancient d'elle, lui reprochant un sectarisme et une absence de programme.
Pour autant, le bilan de vingt-deux ans de junte est-il à 100 % catastrophique ? Les choses ne sont pas si simples. « 70 % des Birmans n'ont aucune conscience de la dictature, dit ce commandant de navire fluvial, arriérés mais hors de la misère, vivant d'agriculture et de toute sorte d'artisanat antique : laque, tissage, sculpture sur teck ou poterie. » La foi bouddhiste est très présente, à travers les moines qui mendient leur riz, ou ces grandes jarres offertes dans les rues pour étancher la soif de tous. L'arriération et la foi donnent à ce pays, plus grand que la France, un aspect magique et hors du temps, avec ses millions de carrioles aux roues de bois.
Le contraste est frappant entre la Birmanie et la Thaïlande voisine. Ici, nulle pollution (puisque nulle industrie, sauf autour des grandes villes), et le totalitarisme n'est pas toujours synonyme de mise en perce des richesses : les généraux viennent d'interdire l'export du teck, après des années de surexploitation par la Chine et l'Europe. Ils refusent aussi obstinément d'ouvrir aux Thaïlandais d'immenses territoires vierges au sud du pays, qu'ils préservent comme sanctuaires naturels. Enfin, contrairement au voisin thaï, la Birmanie ne connaît ni mafia, ni criminalité.
À en croire les milieux expatriés de Rangoon, le régime s'achemine lentement vers un partage du pouvoir : en novembre auront lieu des élections que l'on sait déjà truquées, mais qui renforceront le statut légal de l'opposition. Il promet de libérer Aung San Suu Kyi. Entre octobre et 2011, selon les paris. Il rend au privé des secteurs clés de l'économie, comme l'électricité ou l'automobile. À ce changement concourent les sanctions étrangères, qui commencent à faire mal : l'absence de liens bancaires (pas de cartes de crédit), et la bouderie de la plupart des touristes, refusant cette destination « incorrecte ». Mais joue peut-être, surtout, le retour des jeunes enfuis en 1988 vers l'Amérique ou l'Europe. Aujourd'hui enrichis de capitaux et de techniques de pointe, ils piaffent pour permettre à leur pays de rattraper son retard et sont le meilleur levier pour contraindre les militaires à lâcher du lest démocratique !
source http://www.sudouest.com/accueil/actualite/international/article/901506/mil/5843660.html
A Masoeyein (Mandalay), ce soir de février, 3 000 bonzes chantent. Malgré leur mer de robes carmin (le plus grand monastère du pays), ils ne sont qu'un grain de sable parmi le demi-million de moines du pays. Curieusement, l'armée birmane compte presque le même nombre de soldats (488 000). Ainsi, ce sont deux armées qui tiennent la Birmanie (aujourd'hui appelée Myanmar), une en rouge et une en vert, pouvoir moral et pouvoir des mitraillettes. Parfois elles s'affrontent, comme en 2007 où les militaires du général Tan Shwe tirèrent dans Rangoon (Yangon) sur les bonzes qui protestaient contre le riz cher.
La dictature ne saute pas aux yeux en ce pays de nature souriante et nonchalante. Mais la peur y est palpable : la nuit venue, les dissidents osent parler de leurs 2 100 frères en prison, de la presse muselée, de la corruption galopante, de la drogue du triangle d'or (héroïne et exstasy) aux mains de certains des militaires de la junte, de l'épidémie de sida.
À Rangoon, dans une villa au bord d'un lac, Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix, est enfermée par intermittence depuis 1990, quand la junte a cassé les premières élections du pays que son parti démocratique venait de remporter. Depuis lors, elle est vénérée dans les campagnes comme symbole de la résistance, mais ses proches se distancient d'elle, lui reprochant un sectarisme et une absence de programme.
Pour autant, le bilan de vingt-deux ans de junte est-il à 100 % catastrophique ? Les choses ne sont pas si simples. « 70 % des Birmans n'ont aucune conscience de la dictature, dit ce commandant de navire fluvial, arriérés mais hors de la misère, vivant d'agriculture et de toute sorte d'artisanat antique : laque, tissage, sculpture sur teck ou poterie. » La foi bouddhiste est très présente, à travers les moines qui mendient leur riz, ou ces grandes jarres offertes dans les rues pour étancher la soif de tous. L'arriération et la foi donnent à ce pays, plus grand que la France, un aspect magique et hors du temps, avec ses millions de carrioles aux roues de bois.
Le contraste est frappant entre la Birmanie et la Thaïlande voisine. Ici, nulle pollution (puisque nulle industrie, sauf autour des grandes villes), et le totalitarisme n'est pas toujours synonyme de mise en perce des richesses : les généraux viennent d'interdire l'export du teck, après des années de surexploitation par la Chine et l'Europe. Ils refusent aussi obstinément d'ouvrir aux Thaïlandais d'immenses territoires vierges au sud du pays, qu'ils préservent comme sanctuaires naturels. Enfin, contrairement au voisin thaï, la Birmanie ne connaît ni mafia, ni criminalité.
À en croire les milieux expatriés de Rangoon, le régime s'achemine lentement vers un partage du pouvoir : en novembre auront lieu des élections que l'on sait déjà truquées, mais qui renforceront le statut légal de l'opposition. Il promet de libérer Aung San Suu Kyi. Entre octobre et 2011, selon les paris. Il rend au privé des secteurs clés de l'économie, comme l'électricité ou l'automobile. À ce changement concourent les sanctions étrangères, qui commencent à faire mal : l'absence de liens bancaires (pas de cartes de crédit), et la bouderie de la plupart des touristes, refusant cette destination « incorrecte ». Mais joue peut-être, surtout, le retour des jeunes enfuis en 1988 vers l'Amérique ou l'Europe. Aujourd'hui enrichis de capitaux et de techniques de pointe, ils piaffent pour permettre à leur pays de rattraper son retard et sont le meilleur levier pour contraindre les militaires à lâcher du lest démocratique !
source http://www.sudouest.com/accueil/actualite/international/article/901506/mil/5843660.html
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