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Carnet de rencontres à Bali

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Message  Admin Jeu 15 Avr 2010 - 6:04

photos & récits http://u.nu/3ebd8

Photographies: Jean-Marc Dugas, Coloriées par: I Nyoman Ngertu, I Made Sudeja, Ida Bagus Putra Wiradnyana

Bali,
quand la photographie devient cérémonie. Pour Jean-Marc Dugas, l’enchantement commence par un de ces souvenirs de pacotille que des amis ont rapporté de Bali : une miniature dessinée en noir et blanc puis coloriée par quelque artisan local anonyme. Vient alors à Jean-Marc l’idée de partir travailler avec ces artisans balinais sur des tirages noirs et blancs qu’il réalisera sur cette île du paradis autant convoitée aujourd’hui par les touristes que par les dieux. Il emporte avec lui sa chambre Hobo dont il ne se sépare pas depuis 1994. Les hobos en Amérique étaient ces travailleurs saisonniers qui grimpaient dans les trains clandestinement, proletaires bohèmes qui ont donné leur nom à ce procédé photographique ancien, alternatif à la grande industrie, qui utile un négatif géant de la même taille que le tirage final. L’appareil est donc immense, très encombrant, impossible de passer inaperçu avec un tel attirail, ni de faire une photo volée. Il oblige à une grande présence du photographe rapidement avalé par sa chambre hobo qui accueille le monde dans ses ténèbres pour le révéler sous une nouvelle lumière. La photographie s’éloigne ainsi du rapt et redevient une cérémonie. Jean-Marc s’installe à Ubud, le village des artistes au centre de Bali. Il visite des galeries vendant des miniatures pour touristes, et fait courir le bruit qu’il a du travail à proposer à des peintres, non pas de grands peintres modernes, mais des artisans. Pendant que la rumeur suit son cours, Jean-Marc se laisse gagner par la bonhomie joyeuse et paillarde des Balinais et la densité de l’invisible qui ordonne chacun de leurs gestes. Il sent la mort partout, vivante, non pas comme une masse sombre, mais comme un souffle transparent pareil au vent qui anime chaque chose. La perte de ses deux jeunes frères qui le hante douloureusement depuis des années devient une geste fulgurante de cet immense théâtre d’ombres. Les balinais le surnomment bientôt “ Happy Man ”. Il s’enferme alors dans la salle de bain de sa chambre d’hôtel qu’il a aveuglée à l’usage d’un labo photo et entreprend le développement de ses premiers négatifs. Sachant que la photographie est une activité hautement polluante, il utilise le révélateur nouveau-né Kodak X tol dont le principe actif est à la vitamine C, et pour les tirages un procédé au platine à noircissement direct, sans révélateur ni fixateur. Il fabrique lui-même l’émulsion appliquée au pinceau sur du papier pour aquarelle qu’il laisse sécher hors des ultra-violets. Puis il applique le négatif contre le papier dans un châssis et expose le tout au soleil entre six à huit minutes à l’heure de midi, et jusqu'à une heure trente en fin d’après-midi. Parfois un nuage passe et fausse le temps d’exposition. En fait, les deux premières semaines, tous ses tirages sont ratés, les artisans ne parviennent pas à les peindre, la température de la salle de bain est trop élevée, il y fait plus de trente degrés, comme à l’extérieur. Un soir, ne sachant plus à quel saint se vouer, il offre une poignée de riz, une cigarette au clou de girofle et un bâton d’encens à Saraswati, la déesse des sciences et du savoir à laquelle les écolières balinaises sacrifient chaque jour une fleur. Le lendemain matin, un artisan lui apporte le premier tirage peint à merveille. Les rizières y sont bleues. Jean-Marc s’étonne. Il lui avait pourtant donné une instruction très claire : “ Faites la réalité ”. Lentement, il comprend qu’à Bali, les rizières inondées sont bleues car elles s’offrent en miroir au ciel. Et quand les pousses grandissent et verdissent, la rizière demeure bleue dans le regard des Balinais, de même qu’un adulte reste toujours un enfant dans les yeux de sa mère. Un jour, Jean-Marc rencontre Oka, un Brahmane, sculpteur de masques. A la vue de sa chambre Hobo, Oka lui dit : “ Il faudrait faire des sculptures sur le cadre ”. Jean-Marc revient le lendemain avec une pièce de teck et passe commande d’une copie « à la balinaise » de sa chambre Hobo. Lorsque le sculpteur la lui rend, savamment ouvragée, il lui dit : “ Finalement, ton appareil, c’est comme un masque : juste une boîte vide. Il écarquille les yeux mais ses yeux sont aveugles. Ce sont les yeux que tu mets dans la boîte qui éclairent son regard. ” (texte : Elisabeth D.Inandiak)
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