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Sur la route de la Birmanie - Octobre 2009

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Sur la route de la Birmanie - Octobre 2009 Empty Sur la route de la Birmanie - Octobre 2009

Message  Admin Lun 7 Juin 2010 - 6:18

Le Myanmar, ex-Birmanie, est un pays caché et complexe. Fermé au monde extérieur depuis plus de 40 ans par un régime militaire autoritaire, accusant des retards de développement critiques, et n’attirant les regards extérieurs que lors de violentes protestations politiques ou après le tragique passage d’un cyclone, c’est pourtant un lieu riche en découvertes et en espoirs.

Je m’y rends comme touriste sac à dos, intriguée par les récits de voyageurs qui décrivent la beauté des paysages et la gentillesse des habitants. Ce n’est pas un mythe : dans chaque bus, à chaque lieu un peu touristique, une ou plusieurs personnes engagent spontanément la conversation dans un anglais souvent étonnamment bon, s’enquérant de la réputation du pays et de ce que les visiteurs pensent des différents sites visités. Gentils et prévenants, ils n’hésitent pas à donner des renseignements et des petits cadeaux, du vendeur de bijoux qui nous invite à sa table pour le dîner, au jeune homme nous faisant visiter des temples cachés dans la montagne, en passant par la famille de pêcheurs qui m’offre à manger sur leur radeau de bambous.

Sensation d’être dans un autre temps, sans pression ni contraintes, où le temps s’écoule lentement. Ce tableau idyllique est d’autant plus surprenant que les conditions actuelles de la Birmanie sont particulièrement difficiles.

Partout, les Birmans engagent spontanément la conversation, cherchant à en apprendre plus sur l’Europe, la France, la vie que nous menons, mais aussi et surtout sur ce que nous pensons de leurs pays. Bien qu’ils soient souvent d’origines ethniques différentes, ils ne cachent pas une certaine fierté de leur pays, et un profond réalisme quant à la situation actuelle, tant économique que politique. Tandis qu’un tailleur d’origine népalaise mais immigré en Thaïlande cherche à nous faire dire que la Birmanie est avant tout un pays sale et pauvre, que Ko Yé portier dans un hôtel chic de Yangon rêve de réussir un jour à quitter le pays pour la Thailande, les guides de Kalaw captent chez eux la Voice of Democratic Bamar, radio libre diffusée à partir de la Norvège par une poignée d’exilés birmans. Celle-ci diffusent des programmes d’actualités en anglais, calqués sur ceux de la BBC, et leur permettent de se tenir au courant des évènements internationaux. L’un d’entre eux nous apprend ainsi que le gouvernement français a publié une note visant à décourager les touristes de se rendre en Birmanie une semaine avant notre départ, afin de limiter les aides à la junte militaire.

C’est au cours de ces discussions en pleine nature que nous en apprenons plus sur le pays, son histoire et sur les remous actuels. Les récits dont nous sommes témoins, comme ces récits impromptus signalent l’impasse tant politique qu’économique dans laquelle se trouve le pays.

Le niveau de développement est critique dans de nombreuses régions et en particulier celles où vivent les minorités ethniques : absence de voies de communication, la plupart des villages n’étant accessibles que via des petits sentiers de montagne ; absence d’eau courante et d’électricité ; écoles éloignées et centres médicaux inexistants. Les différentes régions entre elles sont également mal reliées, les routes principales étant totalement détruites par les intempéries et impraticables au delà d’une certaine vitesse. Ainsi tandis que nous quittons Kalaw à l’Est pour rejoindre l’axe central du pays dans un minibus brinquebalant, nous croisons un autre bus renversé au milieu de la rivière, ses passagers nageant désespérément autour de lui, victime d’un glissement du bord de la route.

Si dans les villes d’importance la situation semble un peu meilleure, le cyclone Nargis de 2008 a laissé de graves séquelles. Ainsi Yangon s’est remis plutôt rapidement de la tempête, malgré plusieurs semaines sans eau ni électricité, ce n’est pas le cas du sud du pays et du delta de l’Ayeyarwady, grande région agricole. Durement touchés par le cyclone, les bords de mer sont aujourd’hui dévastés, et selon les locaux, au million de victimes qui a péri pendant la tempête, il faut ajouter aujourd’hui près de deux millions de personnes toujours privées d’accès à de l’eau potable et de la nourriture en quantités suffisantes. Seuls quelques birmans aisés et des représentants de l’ONU s’aventurent encore dans ces régions, l’accès étant évidemment interdit aux touristes. La plupart des ONG apportant de l’aide aux victimes du cyclone avaient déjà été bloquées aux frontières, et il est encore très difficile aujourd’hui de savoir ce qui se passe exactement dans la région. Exacte volonté du gouvernement militaire qui souhaite s’affranchir de toute possibilité d’ingérence internationale, empêchant par la même toute action humanitaire de grande ampleur au sein du pays. Très peu d’ONG ont gagné le droit de s’engager et le pays reçoit une aide internationale ridicule comparée à celle que reçoivent ses voisins comme le Laos ou le Cambodge (2,88$ par personne contre respectivement 58$ et 68$). Bien que soupçonné de corruption, le bureau des Nations Unies à Yangon est le seul menant des actions aux résultats visibles. Dans plusieurs villages, on nous signale ainsi que telle pompe à eau a été installée il y a 5 ans par l’ONU, ou que telle femme a reçu une formation de sage-femme lui permettant de sauver de nombreuses vies dans les villages alentours. Ce bureau dispense aussi des formations à l’hygiène et aux méthodes de contraception, et le pays se trouve presque déjà à la fin de sa transition démographique. D’autres actions plus isolées sont menées par quelques riches occidentaux ou birmans, mais l’ampleur de la tâche est telle qu’il est impossible de voir des changements de grande ampleur arriver sans modification de l’ordre politique.

Car c’est évidemment la junte militaire, au pouvoir depuis 1962, qu’il est possible de tenir en partie pour responsable. Volonté délibérée de freiner le développement du pays pour empêcher toute contestation du régime, car celui-ci est en réalité plutôt riche. Le pays dispose en effet de ressources naturelles importantes (notamment pétrolifères et gazéifères), en majorité vendues et exportées à d’autres pays asiatiques, et possède de nombreuses terres agricoles lui permettant de vivre en quasi-autarcie. Le gouvernement reçoit de plus une aide financière de la part de la Chine traduisant les intérêts de son grand voisin : une coûteuse autoroute a ainsi été construite entre Mandalay et la frontière chinoise, les régions frontalières utilisent le yuan comme monnaie, et l’immigration chinoise est la seule autorisée par le régime. Politiquement, le régime ne reçoit le soutien que de la Chine et de la Corée du Nord (qui commence à l’aider à développer un programme nucléaire d’armement), la communauté internationale boycottant unanimement les faits et actes de la junte., via des sanctions économiques (réduction des investissements étrangers principalement) et politiques (interdiction du tourisme). Plusieurs gouvernements ont également appelés à un boycott touristique plutôt inefficace. Total et Enron ont ainsi été mis au pilori pour avoir développé des exploitations pétrolières dans le golf birman, accusés d’avoir fait gagner plus de 5 milliards de dollars au gouvernement.

Est-il possible d’espérer un quelconque changement ? Certains Birmans y croient. Les protestations de 2007, déclenchés par plusieurs moines après une augmentation démesurée du prix du pétrole, avaient fait miroiter l’espoir d’infimes changements et d’une intervention internationale. Pourtant, la révolte fut écrasée dans le sang (700 moines furent tués – 11 selon le gouvernement -, agrandissant le ressentiment de la population envers le régime), et rien n’a changé. Seule la prochaine échéance électorale de mai 2010 pourrait être porteuse de changements. Première élection autorisée par le régime depuis le début des années 1990, elle apparaît pour les Birmans comme une occasion inespérée. Le régime a cependant pris ses précautions : Aung Saan Kyi (pourtant inéligible car mariée à un étranger) a été condamnée à 18 mois de résidence surveillée supplémentaires afin d’être écartée des élections, son aura politique étant trop menaçante pour la junte. Nos guides affirment que le peuple fera tout pour qu’elle soit libérée avant les élections, geste qui serait sans doute fatal au régime en place. Les élections devront être précédées d’un nouveau recensement censé faire le point sur les minorités ethniques pour l’instant inconnues; mais les Birmans craignent que le prétexte du recensement ne permettent que de faire gagner des voix au gouvernement, faisant signer des illettrés. La grande peur est celle d’une manipulation des élections pour un semblant de démocratie, comme celles de 2008, deux semaines à peine après le cyclone du passage Nargis. Mais notre guide est formel : la situation ne peut plus durer, les moines n’hésiteront pas à intervenir à nouveau pour défendre le bien-être des citoyens. L’esprit démocratique et révolutionnaire n’est pas loin; une grande partie de la population vénère Aung Saan, le père de l’actuelle opposante, qui fut au pouvoir de 1948 à 1962, après avoir négocié l’indépendance du pays et instauré la première démocratie. On retrouve son portrait partout, dans les huttes de village les plus reculés ou sur des vieux billets de banque que certains gardent précieusement. Représentant d’un idéal perdu, son souvenir reste pourtant bien présent et incite la population à soutenir sa fille depuis sa première candidature.

En réalité, beaucoup de choses vont dépendre de l’intervention internationale. Peu de Birmans ont la chance de pouvoir sortir du pays librement (il faut payer un passeport à 250 USD puis demander des autorisations spéciales, et enfin avoir suffisamment d’argent pour payer un billet d’avion) et il est difficile de se faire une idée de ce qui s’y passe réellement. On peut néanmoins imaginer que l’ONU prenne des résolutions plus dures à l’égard du régime, et qu’une observation internationale soit acceptée. Mais toute négociation diplomatique semble particulièrement difficile et les instances internationales avancent à petits pas sur ce dossier.

Que faire alors ? Impossible de regarder ce pays s’embraser sans rien faire. Pourtant peu de marges de manœuvre existent. Mais des petites actions sont possibles. Donner de l’argent aux quelques ONG présentes dans le pays. Diffuser de l’information sur le pays et la situation. Et y aller. En touriste, en sac à dos, voir ce qui s’y passe. Recueillir des témoignages, apporter des objets à échanger, des vêtements, des livres et des magazines en anglais, dépenser de l’argent dans les petits villages et les petites guest houses. Les lieux touristiques souffrent énormément de la chute du nombre de touristes depuis les évènements de 2007, et se plaignent d’avoir de longs mois d’attentes sans aucune source de revenu. Écouter les habitants raconter leur quotidien, prendre des photos, des petites choses qui ont des impacts locaux bien plus importants que l’on ne l’imagine.Les Birmans attendent les touristes avec impatience.

source http://missmonde.wordpress.com/2009/10/01/sur-la-route-de-la-birmanie/
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