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Thailande - Point le roi n'insulteras ou t'en cuira

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Thailande - Point le roi n'insulteras ou t'en cuira  Empty Thailande - Point le roi n'insulteras ou t'en cuira

Message  Admin Mar 18 Oct 2011 - 5:59

Thailande - Point le roi n'insulteras ou t'en cuira  Thailande_Roi

Au royaume thaïlandais, le crime de lèse-majesté est l'un des plus sévèrement punis au monde. Pour veiller au grain, des cyberpoliciers traquent sans relâche les propos jugés offensants. Pour la première fois, un journaliste pénètre dans les services.


Au sein d'un imposant complexe gouvernemental, dans une pièce sans fenêtres au bout du dédale d'un couloir éclairé au néon, des informaticiens scrutent Internet pour y débusquer photos, articles de presse ou publications sur Facebook – tout ce qui pourrait être jugé injurieux pour le roi Bhumibol Adulyadej et sa famille. Ces techniciens travaillent pour ce qu'on appelle officiellement le Bureau de prévention et de répression de la criminalité informatique. Mais, pour le gouvernement arrivé au pouvoir en juillet, c'est la war room, le centre de commandement d'une campagne vigoureuse, en plein essor, contre les crimes de lèse-majesté sur Internet.

Cette lutte que les autorités ont promis d'intensifier est menée par une équipe de 10 informaticiens que dirige le cyberinspecteur Surachai Nilsang. "Ce qui nous motive dans notre travail, c'est l'amour et la vénération que nous éprouvons pour la monarchie", annonce-t-il. C'est la première fois qu'un journaliste pénètre dans ces services – mais sans photographe, nous n'en avons pas eu l'autorisation. La visite donne un aperçu de l'envergure de cette bataille menée par le gouvernement contre ceux qui mettent en doute le dogme monarchique. Mais elle montre aussi combien il est ardu de définir exactement ce qui constitue une insulte – c'est d'ailleurs l'un des arguments de ceux qui, en Thaïlande, estiment que la campagne anti-lèse-majesté est une atteinte aux libertés civiles.

De nombreux Etats, notamment la Chine et Singapour, ont essayé au fil du temps de maîtriser les flots d'information qui circulent sur Internet. Mais cette lutte n'a sans doute jamais été aussi explicite ni aussi farouche qu'en Thaïlande. Les techniciens de la war room ont bloqué 70 000 pages web au cours des quatre dernières années, dont une immense majorité (60 000) a été frappée d'interdiction pour injure à la monarchie, explique Surachai Nilsang. La monarchie est un tel tabou en Thaïlande, un sujet qu'on aborde généralement par le sous-entendu, que les motivations de ceux qui s'en prennent à la famille royale restent pour l'essentiel assez obscures. En soixante ans de pouvoir, le roi n'a jamais été la cible d'une seule manifestation d'opposition. Même les opposants les plus véhéments à l'establishment refusent le qualificatif de "républicains". Cependant, Internet est le lieu où le traditionnel respect envers la famille royale vient se heurter à l'irrévérence et à la familiarité de la génération Facebook. Si les Thaïlandais ne se risquent pas à contester en public les comportements communément admis, certains déversent allègrement leurs critiques sur la Toile, souvent anonymement.

Les étrangers ont souvent de la Thaïlande l'image d'un pays décontracté et insouciant, où l'application de la loi peut parfois se faire souple comme un roseau dans le vent. Pourtant, "l'institution", comme on appelle ici la monarchie, constitue une exception de taille dans la morale locale du tout-est-permis. Lorsqu'il s'agit de défendre le roi, certains Thaïlandais perdent parfois leur sens de l'humour. D'autant que l'état de santé du roi Bhumibol, qui fêtera ses 84 ans en décembre, préoccupe de plus en plus : hospitalisé depuis deux ans, ses apparitions en public sont devenues très rares. En Thaïlande, quiconque "se rend coupable de diffamation, d'injure ou de menace à l'encontre du roi, de la reine et de leurs héritiers ou régents" s'expose à une peine de prison pouvant atteindre quinze ans. De plus, la loi sur la criminalité informatique, adoptée en 2007 par un gouvernement installé par l'armée, prévoit des peines d'emprisonnement pouvant atteindre cinq ans en cas de diffusion numérique d'informations représentant une menace pour la sécurité du pays ou pour "la paix, la concorde ou la bonne moralité de la population". Le gouvernement a augmenté le budget alloué à la war room, et les effectifs seront prochainement renforcés pour lui permettre de fonctionner vingt-quatre heures sur vingt-quatre. De fait, nombre des commentaires pouvant constituer un crime de lèse-majesté sont publiés après minuit ou au petit matin, quelques heures avant l'aube, précisent les informaticiens.

Cette lutte contre les injures royales, que certains comparent à une chasse aux sorcières, ne va pas sans inquiéter de nombreux Thaïlandais, notamment des groupes d'écrivains, d'universitaires et d'artistes qui estiment que la loi contre le crime de lèse-majesté permet une multitude d'abus. En août, un collectif de 112 professeurs, thaïlandais et étrangers, ont ainsi envoyé une lettre ouverte à la Première ministre, Yingluck Shinawatra, pour dénoncer cette répression qui "menace l'avenir de la démocratie en Thaïlande". Un cas, en particulier, a retenu l'attention des détracteurs de la campagne. Chiranuch Premchaiporn, ancienne administratrice de Prachathai, un site d'information très consulté, est actuellement poursuivie pour des commentaires publiés sur le site et jugés injurieux pour la monarchie. La prévenue a déclaré au tribunal qu'elle parcourait régulièrement les milliers de publications ajoutées chaque jour sur le forum et qu'elle prenait soin d'effacer systématiquement celles qui pouvaient être jugées insultantes. Mais la justice estime qu'elle a manqué de zèle.

Retour à la war room. A l'entrée, Surachai Nilsang a installé la statue en bois d'un guerrier chinois qui brandit d'un air menaçant une arme au croisement entre le couperet et l'épée. Elle représente Guan Yu, un des héros de L'Histoire des trois royaumes, une épopée chinoise – et, visiblement, elle résume aussi l'esprit qui doit animer cette mission de défense de la monarchie confiée à Surachai Nilsang. Lui y voit une allégorie de la loyauté et de l'honnêteté. Ou encore un soldat pris sous les feux croisés d'une société pleine de contradictions, pourrait-on dire. "Beaucoup refusent ce travail, reconnaît-il. Nous sommes systématiquement la cible des reproches, quel que soit le camp d'où ils émanent."


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