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Thailande - Les tee-shirts qui font Führer

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Thailande - Les tee-shirts qui font Führer Empty Thailande - Les tee-shirts qui font Führer

Message  Admin Jeu 24 Mai 2012 - 5:33

Les slogans imprimés sur les vêtements prisés par certains Thaïlandais peuvent déconcerter les Occidentaux, à l'image de "Heil Hitler" ou de "Fuck you you fuckin' fuck". Mais leurs propriétaires en ignorent généralement le sens et ne tiennent comptent que de leur graphie. Un peu comme les Occidentaux avec leurs tatouages asiatiques...

La vieille dame monte dans la rame du BTS, le métro aérien de Bangkok, à [la station] Chong Nongsi. Vêtue d'une sage jupe bleu marine et portant des chaussures à talons plats, les cheveux gris tirés en chignon, elle ressemble à n'importe quelle autre sexagénaire dans le train de nuit qui rentre chez elle. Un jeune homme en complet veston, armé d'un iPod, se lève pour lui laisser la place. Les épaules légèrement voûtées, elle le remercie d'un hochement de tête, se fendant d'un bref sourire poli à l'intention de l'homme à l'iPod. Les mains posées sur les genoux, elle affiche cette expression vide propre aux voyageurs du BTS et, n'ayant pas de quoi lire, elle fixe du regard les nombreux visages devant elle. De fait, je ne lui aurais pas prêté attention sans son tee-shirt de couleur marron clair, proclamant en grandes lettres noires, en anglais : "I HAVE THE PUSSY, I MAKE THE RULES !" [C'est moi qui ai la chatte, c'est moi qui commande !"].

Voilà la rencontre qui pourrait conclure ma quête personnelle du tee-shirt à l'expression anglaise la plus délirante portée par une personne sur laquelle on s'attendrait le moins à le voir. Je me souviens encore du premier. C'était en 1990, quand l'un de mes étudiants était venu en cours avec un tee-shirt vert pomme sur lequel était inscrit "I WANNA SPIT ON MARGARET THATCHER THEN PISS ON HER UNTIL SHE'S A STINKING BAG OF F***KIN BONES" [Je veux cracher sur Margaret Thatcher, puis pisser sur elle jusqu'à ce qu'elle devienne un putain de sac d'os puants]. C'était présenté à la manière de la jaquette d'un album des Sex Pistols. Je me suis arrêté net dans ce que j'étais en train de faire pour noter cela, de manière à l'utiliser plus tard dans la dernière page de mon journal intime de l'année 1990, dans la liste "La Thaïlande bizarre". "Saisissez-vous vraiment le message ?" ai-je demandé à mon étudiant, qui s'est contenté de rire et de secouer la tête. Il n'avait même pas pris le temps de le lire. "La couleur m'a plu, c'est tout, a-t-il expliqué. En plus, je l'ai eu pour seulement 50 bahts [aujourd'hui un peu plus d'un euro] à Chatuchak [grand marché dominical de Bangkok]." On était en 1990, la dernière année de Mme Thatcher au pouvoir, lorsqu'elle était au plus fort de son impopularité.

La dizaine d'hommes et de femmes que j'ai arrêtés pour leur demander : "Savez-vous ce qui est écrit sur votre tee-shirt ?" ont tous un point commun et ce n'est pas le fait qu'on ait affaire à des imbéciles. Ils disent tous quelque chose comme "les lettres sont jolies", ou qu'ils aiment le contraste entre leur couleur et celle du tissu. Le sens des mots est le cadet de leurs soucis. Il y a quelques années, après une conférence à Chiang Rai, l'un des organisateurs m'a conduit sur un marché qui se tenait sur le tarmac de l'ancien aéroport local. On y trouvait les habituels étals de sandales en plastique et de lingerie féminine. En passant devant un marchand de vêtements, j'ai eu le souffle coupé. Là, un tee-shirt m'a sauté à la figure tel un diable sorti de sa boîte. Le choc a été tel que je me suis senti dans l‘obligation de l'acheter sur-le-champ. On y lisait : "FUCK YOU YOU FUCKIN' FUCK" [Va te faire foutre, grosse merde"]. Qui dirait une telle chose ? Pourquoi l'imprimer sur un tee-shirt ?

Aux innocents les mains pleines. Si j'ignorais le sens des mots en anglais, j'aurais probablement aimé les lettres en blanc se détachant sur le gris sombre, aussi branché que flatteur. Mais une telle ignorance va au-delà de l'alphabet latin. Un jour, dans un pub de Sutthisan, j'aperçois à la table voisine un jeune homme vêtu d'un tee-shirt intrigant, orné d'un tonitruant "HEIL HITLER". Pour faire bonne mesure, le salut est accompagné d'un grand svastika vert foncé sur le devant. Il me faut prendre mon courage à deux mains pour lui demander pourquoi il porte ce tee-shirt. Le garçon a en effet toutes les apparences d'un hooligan thaïlandais prêt à en découdre. Il fume, il affiche un tatouage, il arbore des boucles d'oreilles bon marché pour compenser l'absence de dents de devant, et il tambourine des doigts sur la table, au rythme des chansons des Carpenters jouées dans la salle. Mais il se révèle fort aimable et non, il ne sait absolument pas ce que signifie le dessin et les mots imprimés sur son tee-shirt. Il n‘a jamais entendu parler de Hitler non plus. "J'aime bien la forme du symbole, c'est tout, me confie-t-il. Et puis, les lettres en anglais, ça fait tendance." On le lui pardonnerait volontiers : le svastika existait depuis des milliers d'années avant que Hitler ne s'en empare. Mais un Occidental tomberait sans nul doute de bien haut face à l'ignorance de ce Thaïlandais.

Mais faut-il vraiment s'en offusquer ? Nous débarquons en Thaïlande en touristes et nous nous drapons dans des images du Bouddha, dont nous caressons la tête et avec lequel nous posons en bikini. Nous nous faisons tatouer des messages religieux d'une grande signification en thaï, une langue que nous ne comprenons pas, sur des endroits du corps considérés comme extrêmement insultants pour les gens du pays comme les pieds, les cuisses, la poitrine et les fesses. Pourquoi ? Parce que la forme des symboles nous plaît. Et parce que les lettres en thaï sont à la mode. N'est-ce pas, Angelina [Jolie] ? Son tatouage en thaï protégerait, paraît-il, son fils d'origine cambodgienne, Maddox, du mauvais sort. N'aurait-il pas mieux valu que ce soit en langue khmère si c'était vraiment son intention ? Ou ignore-t-elle qu'il s'agit de deux langues distinctes ? Allez, il faut l'avouer. On le fait parce que c'est tendance !

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