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Thaïlande : la «sale» guerre de religion de Pattani

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Message  Admin Mer 6 Juin 2012 - 7:05


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Des forces de sécurité thaïes inspectent le théâtre d'un attentat à la bombe, attribué à des militants séparatistes, sur une route de Pattani le 28 mai dernier. Crédits photo : Tuwaedaniya MERINGING/AFP

INFOGRAPHIE - Dans cette région frontalière de la Malaisie, des milices bouddhistes affrontent les insurgés islamistes qui veulent les chasser.

De notre envoyée spéciale à Pattani,
Narathiwat (extrême sud de la Thaïlande)

Aphiyut Wattanapinyo sent la poudre et la sueur. Avec son cou de taureau et ses idées simples sur la loi et l'ordre, il ne laissera personne détruire son pays, dit-il. Dans l'extrême sud de la Thaïlande, il ne se passe pas un jour sans un attentat à la bombe, le meurtre d'un fonctionnaire, l'incendie d'un bâtiment public ou d'une pagode. Tous les symboles de l'État sont la cible de mystérieux insurgés isla­mistes qui ne revendiquent jamais leurs actes mais paraissent déterminés à chasser les bouddhistes.

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format pdf ----> http://www.lefigaro.fr/assets/infographie/INTER-201220-thailande.pdf

Pour lutter contre les meurtres en série qui ponctuent le quotidien des habitants de cette région frontalière de la Malaisie, Bangkok accroît les effectifs militaires et finance des milices villageoises d'autodéfense. Aphiyut est l'un des 70.000 volontaires bouddhistes armés jusqu'aux dents qui passent à l'action sans aucun contrôle. Depuis qu'il s'est inventé «chasseur de terroristes islamistes», cet ancien bistrotier ne se déplace plus qu'avec un gros Colt 45 à la ceinture, un fusil d'assaut à bout de bras et une touffe de poils de tigre comme talisman. Avec son fils, à qui il a «expliqué l'amour de la patrie», il roule à tombeau ouvert sur les routes de forêts de Ra-ngae, un district particulièrement éprouvé par les violences, slalome entre les carcasses brûlées de voitures et les chicanes, inspecte les postes de contrôle contre les insurgés où les douilles de différents calibres jonchent le sol et évoque sa «comptabilité secrète», celle des ennemis abattus.

5.000 morts en huit ans
L'insurrection dans les provinces de Pattani, Yala et Narathiwat, jadis réunies au sein d'un sultanat rattaché de force au royaume de Siam en 1909, s'enracine dans un déséquilibre ethnique: la population malaise musulmane y est majoritaire à 80 %. Mais elle ne représente que 2,2 % des 68 millions de Thaïlandais. Les patrouilles d'Aphiyut dessinent la carte confessionnelle du district. Il exulte «en territoire thaï» - traduire, quand il traverse un village bouddhiste - et lance des regards haineux aux «Libyens», comme il surnomme désormais ses voisins malais, qu'il soupçonne d'avoir été formés au terrorisme à Tripoli. Après avoir énuméré les atrocités du mois, il conclut qu'«il n'est plus question pour les deux communautés de coexister, c'est maintenant une lutte à mort». Dans cette ambiance de terreur, l'exode des bouddhistes est massif. «Des villages entiers sont à vendre», peste Aphiyut qui, pour inverser la tendance distribue des armes et cite en exemple Somsri Anuket, une solide saigneuse d'hévéa, qui n'a pas hésité à tirer sur son attaquant à barbiche.

Dans ce Sud lointain et sauvage, où tous les panneaux d'affichage sont maculés de peinture rouge, 5.000 personnes ont été tuées en huit ans. «Entre la répression d'État, les tortures perpétrées par l'armée et la radicalisation du mouvement séparatiste, l'atmosphère générale se détériore, note Sunai Phasuk, de l'organisation Human Rights Watch. La nouvelle génération d'insurgés veut prouver que la violence est le seul moyen d'obtenir la séparation d'avec la Thaïlande. Leurs actions sont aujourd'hui plus audacieuses, mieux planifiées, plus sophistiquées et plus meurtrières.»

Une nébuleuse peu structurée
La série d'attentats à la voiture piégée dans deux grandes villes du sud, Hat Yai et Yala, qui a fait 14 morts et plus de 200 blessés en mars dernier «annonce un avenir sanglant», affirme un pemimpin qui, sous couvert d'anonymat, accepte de se confier au Figaro. Les révélations de ce chef opérationnel qui a 400 combattants sous ses ordres sont aussi rares que précieuses pour déchiffrer l'organisation d'une guérilla obnubilée par le secret. Avec l'air tendu des hommes traqués, il décrit une nébuleuse peu structurée, mais prête à basculer dans l'action violente et capable de planifier, coordonner et exécuter des opérations complexes. «Le Front national révolutionnaire malais-Coordination (BRN-C) est une coalition informelle d'individus», cimentée par «notre haine pour les ­Siamois qui nous tuent comme des poulets», mais «dépourvue d'une hiérarchie très établie». «Nous avons fait le serment de sacrifier notre vie pour libérer notre terre ancestrale de l'occupation des infidèles. Nous avons toute latitude pour choisir nos cibles, nous sommes capables de lancer une action simultanée dans cinq districts». La piétaille de cette insurrection - estimée à 3.000 hommes -, ce sont les juwae, des gamins qui n'ont pas 20 ans. «Ils ont été repérés à la crèche, recrutés dans les écoles coraniques et mènent une guérilla urbaine de plus en plus sophistiquée. Le réseau est aussi étendu que mobile: les cellules clandestines couvrent tout le territoire».

Le chef guérillero, qui a fait ses armes dans la jungle dans les années 1980 alors que la rébellion était de faible intensité, reconnaît que «le degré de brutalité» de la nouvelle génération «est parfois une source d'embarras». La forme la plus cruelle de ce conflit armé touche les moines bouddhistes, qui sont décapités ou brûlés vifs. Les «informateurs» de la police sont battus à mort, les chefs de village et les instituteurs, que les militants considèrent comme des complices de la politique d'oppression et d'assimilation, agressés à coups de machettes. Surtout le pemimpin regrette la criminalisation de ses troupes. «30 % des combattants vendent leurs services à la mafia et aux trafiquants de drogue», dont la région n'a jamais manqué.

L'hymne du pays rêvé
«Même si les séparatistes en empruntent volontiers le vocabulaire, ce n'est pas de djihad dont il s'agit», estime Don ­Pathan, spécialiste des questions de sécurité. L'organisation islamiste radicale Jemaah Islamiyah, active en Asie du Sud-Est n'a jamais réussi à prendre pied dans le Sud thaïlandais. Un autre personnage de l'ombre le confirme: Pak Abu, chef des affaires internes du Pulo, l'organisation unie de libération de ­Patani, un mouvement autonomiste musulman que l'on croyait défunt dans les années 1990. Professeur d'une école coranique le jour, il dirige la nuit des «attaques contre les forces d'occupation». Comme «les rues sont munies d'yeux et d'oreilles», il doit redoubler de prudence depuis la recrudescence des attentats et préfère donner rendez-vous dans le Kelantan, État musulman conservateur du nord de la Malaisie voisine.

Si Pak Abu s'enflamme pour «la libération du Patani Darussalam - la terre islamique de Patani - notre pays bien aimé, de l'occupation des infidèles», et brode sur les exploits de Haji Sulong Tohmeena, un religieux disparu mystérieusement en 1952 après avoir tenu tête aux Siamois, il estime que «le problème est plus iden­titaire que religieux». «Nous sommes Malais de sang et de cœur, nous devons résister à l'intégration culturelle de la Thaïlande».

De retour dans son école, il déclamera des poèmes à la gloire passée, quand au milieu du XVe siècle le sultanat de Pattani était une importante plaque tournante pour le commerce entre monde arabe et monde chinois et l'un des berceaux de l'islam en Asie du Sud-Est. Et malgré la lourde surveillance policière et militaire, il chante le Bumi Patani, l'hymne du pays rêvé, pour «per­pétuer l'esprit de résistance».

«Le halal pour la paix»
«Le halal pour la paix». La belle plaquette des conseillers en relations publiques du premier ministre thaïlandais Yingluck Shinawatra décrit avec emphase le programme de développement économique censé répondre à l'insurrection séparatiste. «Compétitive dans l'industrie agroalimentaire, la Thaïlande veut faire du Sud un centre international pour la nourriture halal et se positionner sur le marché qui pèse 100 milliards de dollars», lit-on. Les investisseurs sont encouragés à coups d'avantages fiscaux à implanter leurs usines dans le centre halal de Panare, district côtier à l'est de Pattani. Mais voilà: selon la cartographie de l'armée, le coin est en pleine zone rouge, c'est-à-dire contrôlé par les insurgés islamistes et quadrillé par les militaires qui y ont posé des bunkers tous les 100 mètres. Pitak Ardmareh, du Centre scientifique du halal, gardé par huit miliciens, veut rêver de ce grand port qui desservira le monde entier. Les pieds dans le sable, il faut tout de même fournir un effort d'imagination.

Florence Compain

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