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Vietnam - Hanoi se refait une beauté

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Vietnam - Hanoi se refait une beauté Empty Vietnam - Hanoi se refait une beauté

Message  Admin Mer 10 Mar 2010 - 20:55

Soucieuses de réhabiliter le cœur de la capitale, les autorités chassent une partie de la population vers la périphérie. Une opération qui suscite la grogne des 30 000 personnes concernées.

DE HANOI
Depuis deux mois, elle tourne en rond dans un appartement meublé d’un petit bureau et de matelas. Nguyen Thi Yen a quitté la rue Hang Bac, dans le cœur du vieux quartier de la capitale vietnamienne, pour le dixième étage d’un immeuble de la périphérie, sur l’autre rive du fleuve Rouge. Ce déménagement, elle ne le souhaitait pas. “Les autorités nous ont coupé l’eau et l’électricité”, accuse cette femme de 67 ans. “Nous vivions là depuis trois générations.” Avec les huit membres de sa famille, elle occupait 13 m2 dans un ancien temple bouddhiste, aujourd’hui en cours de restauration. Le comité populaire de l’arrondissement [équivalent de la mairie] lui a racheté cette surface pour 50 millions de dongs [2 000 euros]. Mais il lui réclame dix fois plus pour les deux nouveaux appartements d’environ 40 m2 qui lui ont été attribués contre son gré. “Comment vais-je payer ? Depuis l’expulsion, j’ai perdu mon unique source de revenus. Je ne peux plus vendre comme avant des vêtements dans la rue : ici, l’activité est trop faible. Et me rendre en moto-taxi au centre-ville – à 8 kilomètres ! – me reviendrait à 80 000 dongs [3 euros] par jour. Je n’en ai pas les moyens”, se lamente-t-elle.

La famille de Nguyen Thi Yen compte parmi les toutes premières relogées du vieux quartier. Dans ce centre historique, enchevêtrement de pagodes, de boutiques et d’hôtels pour routards, se concentrent 84 000 habitants sur 1 kilomètre carré. Une densité que l’arrondissement de Hoan Kiem, dont dépend la zone, a décidé de réduire très fortement : 30 000 âmes dehors. “La surpopulation affecte en premier lieu la qualité de vie des résidents”, expliquait dans la presse locale Lê Quynh Anh, responsable du programme de relogement. Dans le centre-ville, jusqu’à 80 personnes cohabitent dans une seule maison. Après l’indépendance (1954), le nouveau gouvernement communiste a logé les paysans qui avaient participé à la lutte dans ces grandes demeures bourgeoises, surnommées “maisons-tubes” parce qu’elles s’étirent sur 60 à 80 mètres. A chacune de ces adresses sont domiciliées cinq, sept ou vingt familles, qui parfois se partagent points d’eau ou sanitaires. Au fil des décennies, certains ont construit un étage de plus ou aménagé une cuisine sur un balcon. Là, une terrasse a été murée pour agrandir la bâtisse d’une chambre. “C’était une erreur de laisser le quartier se peupler autant. Aujourd’hui, il s’écroule physiquement”, observe Romain Orfeuvre, architecte français qui œuvre à sa préservation. “Avec le relogement, les autorités reviennent, sans le dire clairement, sur une décision passée, prise en temps de guerre.”

Moins d’un habitant sur dix se dit prêt à bouger

Sur les lèvres depuis des années, le déplacement semble cette fois-ci bien enclenché. “Au Vietnam, les projets avancent à l’événement”, analyse un observateur étranger. “En 2010, deux occasions se rejoignent : le millénaire de Hanoi et la préparation du XXIe Con grès du Parti communiste vietnamien, qui se tiendra en 2011. Les dirigeants du Comité populaire de la ville veulent montrer que les choses bougent.” Avant décembre prochain, 1 900 foyers seront déménagés dans une tour en construction à Viet Hung, un quartier résidentiel situé à 8 kilomètres du centre-ville. “Les citadins s’adaptent assez facilement au changement, mais la vie à la verticale, dans un immeuble d’une douzaine d’étages, leur conviendra-t-elle ?” s’interroge Romain Orfeuvre. Lui préconise un relogement sur place après rénovation. Une solution déjà appliquée pour trois “maisons-tubes”, mais trop laborieuse à l’échelle de 30 000 personnes. Dans les ruelles encombrées de cyclopousses, de motos et de vendeuses ambulantes, difficile de trouver des volontaires pour le départ. Selon une étude du Bureau de gestion du vieux quartier, seuls 6,7 % des habitants souhaitent changer de logement. Le Comité populaire leur propose deux à trois fois plus d’espace ? L’offre ne compensera pas la perte d’un emplacement idéal pour les affaires, au contact des touristes étrangers.

Retour rue Hang Bac. Au fond d’un étroit couloir, Mme Cai et son mari Thuy habitent une pièce d’environ 15 m2. La seule ouverture donne sur une cage d’escalier. En guise de mobilier, ils disposent d’une armoire, d’un lit, de deux chaises et de l’incontournable autel des ancêtres. “C’est ici que nous perpétuons le culte, jamais nous ne partirons”, veut croire Mme Cai, installée depuis 1957 dans la maison historique de la famille de son époux. Les Vietnamiens honorent leurs morts par des offrandes ou en brûlant de l’encens. Car, selon la tradition, les esprits des disparus continuent d’occuper leur ancienne demeure. Les morts seraient-ils en core plus récalcitrants au déménagement que les vivants ? Pour leur faire traverser le fleuve Rouge, Nguyen Thi Yen a pris soin d’organiser une cérémonie avant de trimbaler ses urnes, débordantes d’années de baguettes d’encens brûlées, sur le nouvel autel de son appartement. Tous se demandent ce que deviendront les espaces récupérés par les autorités. Les rumeurs circulent, comme celle de l’édification d’une tour en plein centre-ville. Pas question de lancer des projets de construction, a assuré Nguyen Thê Thao, le président du Comité populaire de Hanoi, le déplacement de la population améliorera les conditions de vie de ceux qui restent. Selon nos informations, la ville réfléchirait tout de même à revendre les surfaces libérées. Un moyen de financer le programme de relogement, dont la première phase coûtera 222 millions de dollars [160 millions d’euros]. Et de réaliser, peut-être, une opération immobilière lucrative, en spéculant sur le prix toujours plus élevé du mètre carré dans le vieux quartier.

Ce qui est en jeu, c’est ni plus ni moins que la typologie de la population. “Hanoi n’échappe pas à un phénomène commun à toutes les villes du monde. Les classes aisées partent d’abord s’installer en périphérie. Les centres-villes se paupérisent, leurs occupants n’ayant pas les moyens de préserver le patrimoine. Jusqu’à ce qu’un programme de réhabilitation ou de sauvegarde fasse grimper en flèche le coût de l’habitat. C’est alors que les riches reviennent”, analyse Romain Orfeuvre. Entre-temps, les plus pauvres auront été relégués en banlieue.

source www.courrierinternational.com
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