l'esprit voyageur en asie du sud-est
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« Snapshots »…instantanés

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Message  Admin Mar 20 Avr 2010 - 17:03

Notre perception d’un pays dépend souvent de milliers de « petites choses », apparemment sans importance, attrapées ça et là, comme des « instantanés », qui, plus tard, s’imprimeront dans notre mémoire comme autant de saveurs subtiles qui enrichiront nos souvenirs. Pour nous, occidentaux, habitués à évoluer dans des univers ultra individualistes, nous en avons trop souvent oublié la grâce. En dépit de la violence des événements de Bangkok, et en dépit de la priorité qui est la mienne en ce moment, de les suivre au plus près, je reste attentive à ces gestes anodins, ces « instantanés » de la vie de tous les jours qui font dire à beaucoup de visiteurs de ce pays : « j’aime la Thaïlande ».

La plupart des grands hôtels du quartier sinistré de Rajaprasong sont fermés, et ceux qui ont gardé une partie de leur personnel pour continuer de s’occuper de leurs clients, ne sont occupés qu’à dix pour cent de leur capacité habituelle. Par chance, mon hôtel, situé dans ce même quartier, mais légèrement en retrait dans un minuscule soï, a gardé ses portes ouvertes en dépit de la désertion des touristes. Hier soir, alors que tous les restaurants alentour etaient fermés, le réceptionniste m'a proposee de me commander un repas typiquement Issan : poulet grillé et salade de papaye verte, la nourriture la plus simple, la plus basique, la plus populaire en Thaïlande. Si les restaurants sont fermés, les petits marchands ambulants, eux, sont toujours là. Pourtant manger dans la poussière, le bruit et la chaleur de la rue, n’est pas forcément plaisant en ce moment, surtout après de longues heures de marche dans la foule ou après quelque virée acrobatique en moto. « Pas de problème, me dit le réceptionniste, je commande votre repas, et je vous l’amène dans la chambre ». Dix minutes plus tard, la nourriture, achetée sur le trottoir, et emballée dans des sachets plastique, arrivait dans ma chambre non plus dans son plastique, mais sur un plateau, avec serviette de lin amidonné et couverts en argent. Plus une petite fleur dans un vase… Un repas de reine, a domicile et pour 60 baths (un euro, vingt centimes).

Hier, j’achetais une veste dans un magasin, sans prendre le temps de l’essayer, pour m’apercevoir un peu plus tard, qu’il faudrait lui ajouter une ou deux pressions pour qu’elle m’aille parfaitement. Supposons que cette veste soit achetée au Printemps, et que quelques heures plus tard, pour ne pas devoir retourner dan ce magasin, je rentre aux Galeries Lafayette, plus près de chez moi, en leur demandant de me faire ce petit travail de couture. Même pas la peine d’y penser. Ici, pas de problème. Dans un magasin où je n’achetais rien, la vendeuse me faisait le travail de couture, comme ça, gratuitement, avec son plus gracieux sourire, parce qu’elle n’avait rien d’autre à faire, parce qu’elle avait envie de faire plaisir. Peut-être aussi parce que j’étais « farang », étrangère.


Près du « Grand Palais » il y a deux jours, à court d’argent, je repérais un distributeur automatique ATM. J’attendais mon tour, derrière un « chemise rouge » qui avait dû passer beaucoup de nuits sur le trottoir étant donné l’état de ses vêtements. Sur son tee-shirt, je lisais « phrai » (« sous-classe » est la meilleure traduction de ce mot thaï), un mot que les « rouges » n’utilisent plus avec honte aujourd’hui pour parler d’eux-mêmes, mais avec une fierté nouvelle. Le temps est long lorsque vous attendez sous le soleil, et mon « phrai » venu de sa cambrousse lointaine avait du mal à se servir du distributeur de billets. Sa concentration avait quelque chose de pathétique. et de bizarre a la fois. Je m’approchais. Il n’avait pas de carte. Il essayait - têtu comme un buffle de sa province - des dizaines de combinaisons, en rêvant sans doute que l’argent allait finir par tomber. C’est ça la différence entre « phrai » et « ammart » Une différence de culture, d’éducation. Et c’est aussi à cela que je pensais hier soir, lorsque je voyais ce vagabond écouter de toutes ses oreilles les discours des leaders des rouges.


Ce soir, l’émotion infime qui restera gravée dans ma mémoire, c’est lorsqu’après de longues diatribes hurlées et répercutées à des kilomètres à la ronde au moyen de hauts parleur géants, le leader « rouge », s’est mis à jouer du khaen pour tous les Issan présents dans une foule qui ne cesse d’augmenter avec les jours. Un frisson dérisoire a parcouru cette foule harassée, qui vit sur le trottoir et dans les immondices, depuis des semaines. Est-ce que le chant des grenouilles tigrées leur a manqué ? Et qui va planter les paddies cette année alors que la saison des pluies vient de commencer ? Lorsque je les ai quittés, enjambant les corps à moitié allongés, vieillards, enfants et marchands de toutes sortes - le commerce de luxe ne fonctionne plus, mais le petit commerce fleurit un peu partout – des dizaines de manifestants m’ont pris la main au passage et l’ont serrée longuement avant de me laisser partir....

photos sur le blog de Michèle Jullian http://u.nu/9rki8
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