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En Thaïlande, les élites se taisent

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En Thaïlande, les élites se taisent Empty En Thaïlande, les élites se taisent

Message  Admin Mar 25 Mai 2010 - 8:03

Où sont-ils ? Où sont les capitaines d’industrie, les banquiers, les hauts fonctionnaires et les universitaires dont la Thaïlande émergente s’enorgueillit en temps normal ? La réponse, après la reddition des protestataires mercredi à Bangkok et le départ de plusieurs incendies au cœur de la capitale, est malheureusement peu reluisante.

A quelques rares exceptions près, les acteurs clés de cette nouvelle élite thaïlandaise mondialisée, majoritairement résidents de Bangkok, ont préféré se taire et attendre.

Beaucoup plaidaient même, en privé, pour que l’ordre revienne à tout prix dans la capitale thaïlandaise. Sous entendu : seuls les militaires sont capables de ramener la stabilité. Le Premier ministre Abhisit, diplômé d’Oxford et incarnation de cette élite, a fait le même pari, au prix de plus de 70 morts et de milliers de blessés. Comme si le kaki des uniformes était, entre le «rouge» des partisans de l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra et le «jaune» de ses adversaires les plus résolus, la couleur du moindre mal. De la part d’une bourgeoisie urbaine d’ordinaire si pressée de se gausser des blocages sociaux en Europe ou des archaïsmes de nos systèmes démocratiques, cette posture ne surprend pas. Plus que les inégalités sociales certes criantes, c’est cette défiance envers l’Etat et ses représentants élus qui a semé, depuis des années, les graines de l’affrontement actuel.

Grands gagnants de la reprise économique depuis la fameuse crise asiatique de 1997-1998, les fils de l’élite thaïlandaise, devenus banquiers, courtiers, publicitaires, réalisateurs de films, consultants ou fonctionnaires internationaux, n’ont cessé de snober la politique nationale et le processus électoral. Plutôt que de s’engouffrer dans la brèche ouverte par la démocratisation des années 90, la plupart ont préféré jouir de ses avantages et profiter de leurs libertés individuelles renforcées plutôt que d’assumer leurs responsabilités civiques. Ils ont ainsi laissé le champ libre, en façade, aux partis-clans discrédités et au populisme cynique du prodigue milliardaire Thaksin. Tandis que les différentes factions de l’armée et de la police, en coulisses, se livraient bataille pour les autres leviers du pouvoir. La Thaïlande n’est pas un pays sans failles sociales. Loin s’en faut. Mais elle n’est pas non plus l’Angleterre du XIXe siècle broyée par la révolution industrielle, ou la France du XVIIIe écrasée par les privilèges de l’aristocratie. Pays aujourd’hui moderne, pourvu des deux solides mannes financières que sont le tourisme et l’exportation de riz, l’ancien royaume de Siam ne ploie pas sous le joug d’une fracture insupportable entre villes et campagnes, ou entre classe ouvrière et cols blancs. La révolution ne gronde pas dans les ateliers, les fermes, les rizières ou les universités.

Le mal relève plus de la frustration : cantonnés au rôle d’électeurs dont les voix sont achetées par les «caïds» locaux, les Thaïlandais défavorisés, mais aussi les petits entrepreneurs des villes, du vendeur de tee-shirts au droguiste, se sentent bernés. Ce qu’ils ont vu, en lieu et place d’une généralisation des droits pour tous, est l’installation peu ou prou d’un égoïsme diffus, d’une avidité accrue et d’un isolement croissant des éléments les plus progressistes de la société.

La famille royale thaïlandaise a tristement complété le tableau. La maladie et l’âge avancé du respecté souverain Bhumibol, dont l’image d’Epinal reste celle d’un monarque soucieux du peuple, en proue sur les questions de développement rural, ont peu à peu dissipé les illusions. Le peuple, loin de Bangkok et de ses hôtels de luxe, s’est aperçu qu’au sein de sa descendance, beaucoup abusent de leurs titres. L’image écornée du prince héritier, objet de nombreuses rumeurs, est le symbole de cet affaissement moral. Le pays, progressivement, a perdu ses repères traditionnels. Et la démocratie, qui aurait dû lui en substituer d’autres, s’est arrêtée à l’organisation d’élections. La justice, appelée à la rescousse pour décider la saisie des avoirs de Thaksin, coupable de fraude fiscale et de corruption, est devenue, elle, un outil au service des uns ou des autres. La faillite des institutions s’en est suivie.

La démocratie est aujourd’hui malade de n’être vue que comme un beau réservoir d’avantages personnels, qu’il n’est pas nécessaire d’entretenir. Tout le monde veut pouvoir s’enrichir. Chacun réclame plus de libertés. Sans comprendre que de tels changements doivent, pour être consolidés, passer par des compromis forgés in fine au Parlement. Gagner oui, mais ne jamais perdre. S’enrichir oui, mais à titre personnel ou familial. La plus grande faillite du système thaïlandais aujourd’hui est celle d’une notion simple, au cœur de toute entreprise démocratique, en Asie comme ailleurs : l’intérêt général.

http://www.liberation.fr/monde/0101637235-en-thailande-les-elites-se-taisent
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