Thaksin Shinawatra veut rentrer au pays

Après avoir maté la rébellion des "chemises rouges", la Thaïlande a émis fin mai un mandat d'arrêt à l'encontre de leur leader, l'ancien Premier ministre, Thaksin Shinawatra. Prévu au programme d'une conférence organisée à Paris fin mai, ce dernier s'est finalement décommandé, Paris lui ayant demandé "de s'abstenir de toute déclaration publique". Pour leJDD.fr, son avocat international, Robert Amsterdam, revient sur ces événements.

Regrettez-vous l'attitude de la France, qui a demandé à Thaksin Shinawatra de ne pas s'exprimer sur la situation en Thaïlande?
Je dois justement rencontrer les autorités françaises pour évoquer ce sujet. Je m'abstiendrais donc de tout commentaire. Et ce d'autant plus que je ne suis pas certain que les choses se soient passées comme ça. Je ne sais pas s'il n'a pas été autorisé à parler. Sa participation a été annulée pour des raisons de sécurité.

Que pensez-vous du mandat d'arrêt émis par la justice thaïlandaise à son encontre?
Il a été accusé faussement de terrorisme. La manœuvre est clairement politique. La France doit, avec les autres pays, demander une enquête internationale et indépendante sur les faits qui se sont produits en Thaïlande. Les autorités thaïlandaises ne poussent pas en ce sens. Mais des centaines d'opposants politiques ont été arrêtés sur la base de fausses charges, à un moment où les autorités agissaient sur la base d'une législation extra-légale, permise par le couvre-feu. Cela défie toute logique.

Où se trouve Thaksin Shinawatra à l'heure qu'il est? Est-il au Monténégro, pays dont il possède la nationalité?
La seule chose que je puisse dire est qu'il voyage.

Compte-t-il demander un statut de réfugié politique?
Non. Cette accusation semble très dramatique puisque c'est de terrorisme qu'il s'agit. Mais les autorités thaïlandaises n'ont aucune preuve. Devant la cour, elles se sont contentées de lire des extraits de discours qu'il avait prononcés. Des discours dans lesquels il appelait ses partisans à manifester pacifiquement! Légalement, Thaksin Shinawatra ne craint rien. La peur est du côté des autorités thaïlandaises.

Pourquoi?
Elles craignent une élection. Elles craignent d'avoir à rendre des comptes sur les meurtres de 90 Thaïlandais durant les manifestations. Elles craignent d'être accusées d'arrestations arbitraires et de crimes contre l'Humanité. Elles ont plein de raisons d'avoir peur!

Le pouvoir thaïlandais accuse Thaksin Shinawatra d'avoir financé le mouvement des "chemises rouges". Qu'en est-il?
Il est clair que la majorité des "chemises rouges" soutiennent Thaksin Shinawatra. Il est clair que lui les soutient. Je ne sais pas s'il s'agit ou non d'un soutien financier. Mais cette accusation n'est pas du tout pertinente! Personne ne peut payer des gens pour qu'ils meurent dans les rues, pour qu'ils vivent sous les étoiles et dorment sur l'asphalte pendant des semaines! C'est surréaliste. Il s'agit juste d'une énième tentative de leur part pour cacher leurs propres responsabilités.

Quand il était Premier ministre, Thaksin Shinawatra a été chassé du pouvoir. Il était notamment accusé de corruption. Qu'avez-vous à dire sur ce point?
J'ai étudié ces accusations. Ils n'ont même pas réussi à constituer un vrai dossier. Mais décrire un homme comme un criminel ou comme quelqu'un de corrompu, c'est pratique quand on veut faire en sorte qu'il se taise. Si en Thaïlande, les gens le soutiennent aussi passionnément, c'est parce qu'il a mis en place le système de santé. Il a sorti les gens de la pauvreté. Sa politique a eu un grand impact sur le pays. A l'inverse, les autorités actuelles ne font rien. Alors pour contrebalancer, elles lancent cette campagne pour le discréditer. Mais si la moitié de leurs accusations étaient vraies, ils auraient au moins quelques preuves. Ce n'est pas le cas et c'est pathétique.

Quel est son message aujourd'hui?
Le message qu'il veut faire entendre au reste du monde c'est: "Il faut aider le peuple thaïlandais." Des centaines de personnes sont encore détenues illégalement et 90 personnes ont été tuées. Pendant ce temps, à part l'ONU ou les ONG, le monde est resté silencieux. Les autres pays sont restés silencieux pendant qu'un crime contre l'Humanité était en cours! Ce silence doit cesser. L'enjeu est bien au-delà de la simple personne de Shinawatra. En Thaïlande, on a assisté à une campagne préméditée pour détruire les gens en raison de leur appartenance politique. Au 21e siècle, cela ne devrait pas exister.

Thaksin Shinawatra souhaite-t-il être à nouveau candidat dans son pays?
Je n'ai pas parlé avec lui d'une éventuelle candidature. Mais une chose est sûre: il souhaite vraiment rentrer en Thaïlande.

Craint-il que le mandat d'arrêt à son encontre devienne un mandat d'arrêt international?
Il estime que l'accuser de terrorisme, c'est mépriser la Thaïlande. C'est mépriser tous ces pays qui sont engagés dans cette véritable bataille. Dans l'histoire, aucun Premier ministre n'a jamais été accusé de terrorisme. Seul Robert Mugabe [président du Zimbabwe, ndlr] a accusé l'un de ses opposants politiques de terrorisme [le Premier ministre Morgan Tsvangiraï, ndlr]. C'est complètement ridicule!

Qu'attendez-vous de la France?
La France doit s'exprimer clairement et à voix haute sur le sort fait aux "chemises rouges", sur leur détention illégale. C'est vraiment important que les autorités françaises prennent conscience que le gouvernement thaïlandais a manipulé la loi et les tribunaux pour attaquer les opposants politiques. Je demande au gouvernement français d'appeler au respect des règles et de la loi. Il faut que la Thaïlande redevienne un Etat de droit.

qource http://www.lejdd.fr/International/Asie/Actualite/Shinawatra-veut-rentrer-au-pays-199222/