Livre - Les enfants de la rizière

À vingt ans, Anne-Gersende Warluzel décide de vivre ses rêves et part vivre un an au plus profond du Cambodge, à Banteay Chhmar, village perdu. Elle y travaille comme volontaire pour Enfants du Mékong, afin d'assurer aux enfants de la région une meilleure éducation et, avant tout, de meilleures conditions de vie. Nous sommes au Nord-Ouest du Cambodge, dans cet ancien fief de Pol Pot où les Khmers Rouges ne déposèrent les armes qu'en 1998 presque vingt ans après avoir été chassés de Phnom Penh. L'auteur apprend le khmer et se fond dans cette vie rurale, pauvre et rude, pleine de drames mais aussi de joies. Là-bas, l'horizon est démesuré : sous un soleil de plomb, dans les ouragans, entre sécheresses et inondations, rires et larmes, Anne-Gersende y découvre un peuple libre, fier, sauvage et vivant. Elle se prend a l aimer comme étant le sien et nous l aimons avec elle.


Une Bambou nous fait plonger dans un monde d’innocence et de joie. Son livre nous sort des réductions du tourisme « tropisé » sur les seuls temples d’Angkor. Elle a vécu en immersion complète au milieu d’amis qui, bien que cambodgiens, ne sont jamais allés au Parthénon asiatique ou n’étaient pas encore nés à l’époque de Pol Pot. Anne-Gersende a vécu avec eux comme au temps d’Abraham. Elle décrit les mêmes rythmes, les mêmes lenteurs qui semblent un défi fantastique face au monde actuel. Anne-Gersende n’aime pas les mégalopoles. Elle dénonce la vulgarité des touristes et de certains expatriés. Elle en souffre comme une véritable violence faite à l’âme khmère et à sa propre dignité française. Elle décrit des scènes bibliques, des silences. On se prend à se laisser séduire par ce monde ordonné. Qu’elle soit exacte, une réserve s’impose : cette description est partielle parce que la violence existe. Mais l’objectif est de découvrir les Cambodgiens par le haut. Parce qu’il n’y a que par le haut qu’on peut trouver l’âme d’un peuple millénaire. C’est à cette hauteur qu’elle l’a trouvée, dans ce village perdu au bord d’un temple sauvage enclavé dans les racines des frangipaniers. Anne-Gersende a regardé à Banteay Chmar un peuple méditatif et rituel en contemplative, là où d’autres ont voulu l’évaluer en comptabilité matière. La perspective change tout. Les conséquences dans la relation basculent. Notre auteur a trouvé le chemin d’accès pour comprendre l’autre, l’autre qui est khmer. Ce chemin passe par des gestes simples, des préoccupations communes. Elle décrit aussi des scènes fantastiques. Avec un reste de rationalité occidentale, contre son ami Koutry elle ose entreposer les urnes funéraires d’un temple dans sa chambre. La narration de la nuit tourmentée par les génies exaspérés de partager leur place avec une jeune Méditerranéenne vous laisse terrorisé et haletant ! Puissent les touristes ignorer le plus longtemps possible la « citadelle des chats » où campent Anne-Gersende et ses amis ! Pour tout le monde, le Cambodge se résume au génocide des Khmers rouges. Notre Bambou, elle, a connu Koutry et ses chèvres, elle a connu les paysans lents et rieurs. Elle les décrit dans une langue sobre et poétique. Il y a une grâce dans ce peuple dont elle partage la vie et il l’a tout de suite reconnue comme sa sœur parce qu’il est lui-même gracieux. Elle aime ce qu’il aime, fuit ce dont il se méfie. C’est le premier livre heureux sur un Cambodge heureux.

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