Vietnam - Tranches de vie
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Vietnam - Tranches de vie
"Tu veux une mangue ?". Sans doute, si Eden se situait sur les bords du Mékong ou du fleuve Rouge, le serpent aurait-il fait cette proposition à Eve ! Peut-être au lieu de pépins, l'humanité aurait-elle eu à supporter un gros noyau ! En tout cas, je n'aurais pas à expliquer sans cesse à mes amis touristes la différence entre la mangue et la papaye, ainsi qu'à décrire goût et texture des nombreux fruits rencontrés sur les étals vietnamiens…
Si, au Vietnam, il est des paniers bien fournis et des étalages copieusement achalandés, ce sont bien les corbeilles de fruits qui, tout au long de l'année, exhibent des produits aussi variés qu'inconnus à des yeux occidentaux. Je profite de ces derniers jours d'automne pour vous emmener faire un tour en verger vietnamien…
Vertus cachées…
À tout seigneur, tout honneur ! Je vous présente Madame Mangue. La plus connue, avec sa peau allant de diverses nuances de vert au rouge, en passant par le jaune.
C'est pour moi le symbole de la fidélité totale, tellement il est difficile de retirer le noyau de la chair. Ces deux-là, pour les séparer, il faut mordre dedans à pleines dents, sans se soucier d'avoir du jus qui dégouline le long du menton et le cou, sur les mains...
Quand vous allez à la campagne, votre hôte vous offre souvent un fruit qu'il cueille à l'arbre de son jardin, en saison. Je me souviens de la première mangue qui me fut ainsi offerte au Vietnam. C'était à l'occasion de la fête anniversaire de la mort de l'arrière-grand-père de mon ami Tuân. Il m'avait invité à sa maison natale, et j'y avais rencontré toute sa famille, y compris son grand-père, en compagnie d'autres vétérans des périodes troublées du siècle dernier… L'un d'eux m'avait courtoisement convié à venir visiter sa maison et son jardin. Ce que j'avais accepté avec enthousiasme, tout à ma fièvre anthropologique de néophyte…
Arrivé chez lui, une adorable maison aux murs bleus et aux volets verts, enchâssée dans un véritable paradis d'arbres fruitiers tropicaux, il m'avait fait asseoir dans un fauteuil, et l'interrogatoire a commencé. Que pensais-je du Vietnam ? Est-ce que je connaissais Hô Chí Minh ? (Je sus plus tard que c'était un membre du Comité populaire du village !). Mes réponses devaient le satisfaire, car il remplissait régulièrement de mangues une petite corbeille en osier qu'il poussait vers moi. C'étaient de toutes petites mangues, sucrées comme des burlats et fibreuses comme du gingembre frais. Ne voulant pas vexer mon hôte, je dévorais consciencieusement fruit après fruit, la modeste corne d'abondance…
C'est au moment de notre séparation que les vertus laxatives de la mangue se sont déclarées ! À peine le signal d'alerte intestinal avait-il retenti que je me précipitais dans les commodités de la maison de mon ami, heureusement à quelques mètres de là !
Ce jour-là, nous avons battu le record de lenteur pour rentrer à Hanoi, et j'ai découvert les bienfaits salvateurs de plantes à feuilles larges et épaisses, et des bosquets de bambous ou des champs de maïs ! Il m'aura fallu une semaine de cure de pamplemousse pour sortir indemne de l'aventure !
Vertus reconnues
Ah, la pamplemousse d'ici, le "buoi" comme on dit ! Énorme, à la peau verte, épaisse comme celle d'un pachyderme, il trône en bonne place dans les éventaires. À l'époque de sa pleine maturité, il s'entasse en cônes, en pyramides, en tétraèdres, dans les rues, sur les vélos, dans les palanques, au bord des routes… Il faut aller chercher ses quartiers de vésicules sucrées-amères, sous un duvet blanc, astringent comme une toile émeri ! Ma femme s'en sert pour dégraisser les casseroles qui ont attaché, c'est-vous-dire ! Malgré cet inconvénient mineur, c'est le fruit par excellence du voyageur ! On peut le transporter avec soi, sans risque qu'il s'abîme, ni ne s'écrase lamentablement dans le sac à dos, comme la banane.
La banane vietnamienne est aussi nommée "Petite naine", en comparaison avec la taille des bananes africaines ou américaines. Je vois des sourires égrillards et j'entends des sous-entendus que je m'empresse de disperser, en soulignant que son goût est jugé par les connaisseurs comme nettement meilleur que celui des autres musa sapientium ! Ça vous en bouche un coin, hein ! Par contre, mes carnets de route, linge intime et livres de voyage, gardent des souvenirs poisseux de bananes conservées dans le sac, lors de promenades caniculaires…
À côté de ces fruits royaux, figurent en bonne place les papayes, cousines de la mangue, qui, lorsqu'elles sont à point d'être cueillies, confèrent aux papayers (l'arbre qui les porte) un vague air de taureau camarguais ! Renommée dans la pharmacopée traditionnelle, la papaye est sans doute l'ancêtre de l'alicament. Jugez en plutôt : propriétés curatives dans les problèmes digestifs, on lui prête également des vertus curatives dans le diabète, l'asthme et comme antiparasite, antioxydant, anti-diarrhéique… Je comprends mieux pourquoi les vieillards vietnamiens sont si vigoureux ! Vigoureux, sans doute au point de chantonner sur l'air des "Marchés de Provence" la liste de tous les fruits que vous pouvez trouver au Vietnam :
L'amande tropicale, l'anone des marais et l'avocat, la barbadine, la carambole et le corossol, le curuba, la figue et la goyave, la grenade, le kumquat et le litchi, la longane, la passiflore et le mangoustan, la pomme cannelle, le tamarin et le fruit de la passion, le fruit du dragon et la main de Bouddha, la noix de coco et la sapotille, le durian et l'ananas, le ramboutan, la pomme d'eau, le pitaya et l'orange à peau verte… Et tous ceux que j'oublie ou que je ne connais pas ! Toutes les couleurs de l'arc-en ciel sont représentées, du rouge vif des fruits du dragon à l'indigo des mangoustans. Toutes les textures sont possibles du coriace des pommes d'eau au granuleux des corossols, du fibreux de la noix de coco au juteux du litchi. Toutes les odeurs aussi, du suave, du sucré, jusqu'à la plus repoussante comme celle du durian, qui cache derrière un parfum délétère un goût merveilleux ! Comme quoi, ce n'est pas toujours ceux qui sentent mauvais qui sont les moins bons !
Souvent les touristes s'étonnent de ne pas voir figurer de fruits aux menus des restaurants vietnamiens (les vrais !). Pour un pays qui en regorge, c'est plutôt curieux !? Mais, c'est qu'ici les fruits, on les mange en se promenant, entre amis à la terrasse d'un café en sirotant une "bia hoi" ou un "trà dá". On les achète au passage à une vendeuse de quatre saisons qui promène sa boutique sur les épaules, ou plus simplement, quand on est à la campagne, on les cueille à l'arbre ! Comme la pomme du paradis terrestre…
Finalement, peut-être bien qu'Eve était du coin…?
http://lecourrier.vnagency.com.vn/default.asp?page=newsdetail&newsid=68088
Si, au Vietnam, il est des paniers bien fournis et des étalages copieusement achalandés, ce sont bien les corbeilles de fruits qui, tout au long de l'année, exhibent des produits aussi variés qu'inconnus à des yeux occidentaux. Je profite de ces derniers jours d'automne pour vous emmener faire un tour en verger vietnamien…
Vertus cachées…
À tout seigneur, tout honneur ! Je vous présente Madame Mangue. La plus connue, avec sa peau allant de diverses nuances de vert au rouge, en passant par le jaune.
C'est pour moi le symbole de la fidélité totale, tellement il est difficile de retirer le noyau de la chair. Ces deux-là, pour les séparer, il faut mordre dedans à pleines dents, sans se soucier d'avoir du jus qui dégouline le long du menton et le cou, sur les mains...
Quand vous allez à la campagne, votre hôte vous offre souvent un fruit qu'il cueille à l'arbre de son jardin, en saison. Je me souviens de la première mangue qui me fut ainsi offerte au Vietnam. C'était à l'occasion de la fête anniversaire de la mort de l'arrière-grand-père de mon ami Tuân. Il m'avait invité à sa maison natale, et j'y avais rencontré toute sa famille, y compris son grand-père, en compagnie d'autres vétérans des périodes troublées du siècle dernier… L'un d'eux m'avait courtoisement convié à venir visiter sa maison et son jardin. Ce que j'avais accepté avec enthousiasme, tout à ma fièvre anthropologique de néophyte…
Arrivé chez lui, une adorable maison aux murs bleus et aux volets verts, enchâssée dans un véritable paradis d'arbres fruitiers tropicaux, il m'avait fait asseoir dans un fauteuil, et l'interrogatoire a commencé. Que pensais-je du Vietnam ? Est-ce que je connaissais Hô Chí Minh ? (Je sus plus tard que c'était un membre du Comité populaire du village !). Mes réponses devaient le satisfaire, car il remplissait régulièrement de mangues une petite corbeille en osier qu'il poussait vers moi. C'étaient de toutes petites mangues, sucrées comme des burlats et fibreuses comme du gingembre frais. Ne voulant pas vexer mon hôte, je dévorais consciencieusement fruit après fruit, la modeste corne d'abondance…
C'est au moment de notre séparation que les vertus laxatives de la mangue se sont déclarées ! À peine le signal d'alerte intestinal avait-il retenti que je me précipitais dans les commodités de la maison de mon ami, heureusement à quelques mètres de là !
Ce jour-là, nous avons battu le record de lenteur pour rentrer à Hanoi, et j'ai découvert les bienfaits salvateurs de plantes à feuilles larges et épaisses, et des bosquets de bambous ou des champs de maïs ! Il m'aura fallu une semaine de cure de pamplemousse pour sortir indemne de l'aventure !
Vertus reconnues
Ah, la pamplemousse d'ici, le "buoi" comme on dit ! Énorme, à la peau verte, épaisse comme celle d'un pachyderme, il trône en bonne place dans les éventaires. À l'époque de sa pleine maturité, il s'entasse en cônes, en pyramides, en tétraèdres, dans les rues, sur les vélos, dans les palanques, au bord des routes… Il faut aller chercher ses quartiers de vésicules sucrées-amères, sous un duvet blanc, astringent comme une toile émeri ! Ma femme s'en sert pour dégraisser les casseroles qui ont attaché, c'est-vous-dire ! Malgré cet inconvénient mineur, c'est le fruit par excellence du voyageur ! On peut le transporter avec soi, sans risque qu'il s'abîme, ni ne s'écrase lamentablement dans le sac à dos, comme la banane.
La banane vietnamienne est aussi nommée "Petite naine", en comparaison avec la taille des bananes africaines ou américaines. Je vois des sourires égrillards et j'entends des sous-entendus que je m'empresse de disperser, en soulignant que son goût est jugé par les connaisseurs comme nettement meilleur que celui des autres musa sapientium ! Ça vous en bouche un coin, hein ! Par contre, mes carnets de route, linge intime et livres de voyage, gardent des souvenirs poisseux de bananes conservées dans le sac, lors de promenades caniculaires…
À côté de ces fruits royaux, figurent en bonne place les papayes, cousines de la mangue, qui, lorsqu'elles sont à point d'être cueillies, confèrent aux papayers (l'arbre qui les porte) un vague air de taureau camarguais ! Renommée dans la pharmacopée traditionnelle, la papaye est sans doute l'ancêtre de l'alicament. Jugez en plutôt : propriétés curatives dans les problèmes digestifs, on lui prête également des vertus curatives dans le diabète, l'asthme et comme antiparasite, antioxydant, anti-diarrhéique… Je comprends mieux pourquoi les vieillards vietnamiens sont si vigoureux ! Vigoureux, sans doute au point de chantonner sur l'air des "Marchés de Provence" la liste de tous les fruits que vous pouvez trouver au Vietnam :
L'amande tropicale, l'anone des marais et l'avocat, la barbadine, la carambole et le corossol, le curuba, la figue et la goyave, la grenade, le kumquat et le litchi, la longane, la passiflore et le mangoustan, la pomme cannelle, le tamarin et le fruit de la passion, le fruit du dragon et la main de Bouddha, la noix de coco et la sapotille, le durian et l'ananas, le ramboutan, la pomme d'eau, le pitaya et l'orange à peau verte… Et tous ceux que j'oublie ou que je ne connais pas ! Toutes les couleurs de l'arc-en ciel sont représentées, du rouge vif des fruits du dragon à l'indigo des mangoustans. Toutes les textures sont possibles du coriace des pommes d'eau au granuleux des corossols, du fibreux de la noix de coco au juteux du litchi. Toutes les odeurs aussi, du suave, du sucré, jusqu'à la plus repoussante comme celle du durian, qui cache derrière un parfum délétère un goût merveilleux ! Comme quoi, ce n'est pas toujours ceux qui sentent mauvais qui sont les moins bons !
Souvent les touristes s'étonnent de ne pas voir figurer de fruits aux menus des restaurants vietnamiens (les vrais !). Pour un pays qui en regorge, c'est plutôt curieux !? Mais, c'est qu'ici les fruits, on les mange en se promenant, entre amis à la terrasse d'un café en sirotant une "bia hoi" ou un "trà dá". On les achète au passage à une vendeuse de quatre saisons qui promène sa boutique sur les épaules, ou plus simplement, quand on est à la campagne, on les cueille à l'arbre ! Comme la pomme du paradis terrestre…
Finalement, peut-être bien qu'Eve était du coin…?
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Re: Vietnam - Tranches de vie
Je ne sais pas si on peut classer sans équivoque toutes les inventions qui ont profondément marqué l'humanité, mais je suis certain que dans le top 10, on trouverait la télévision. En tout cas, ici l'image cathodique a révolutionné la vie quotidienne du Vietnamien.
Tant qu'il était ventripotent, le téléviseur demandait une place importante, le plus souvent sur un meuble suffisamment solide pour le supporter. On ne pouvait donc pas l'installer n'importe où. Mais depuis qu'il s'est aplati, il a conquis un espace souvent vierge au Vietnam : les murs ! C'est tellement facile de suspendre un écran qu'on en trouve partout ! Et qui fonctionne sans interruption à en avoir des ophtalmies et des acouphènes.
Tant d'écrans !
À la caisse du supermarché, j'attends calmement mon tour. Au passage, je signale que c'est certainement un des rares endroits où le suivant attend que le précédent ait terminé pour s'avancer ! Et comme cette situation est tout à fait contraire à l'impatience notoire du Vietnamien dans une file d'attente, le super-vendeur a eu une super-idée : installer un écran plat au-dessus de la caisse. Telle une épée de Damoclès, menaçant de tomber sur le crâne de la caissière si l'attente se prolonge trop longtemps, l'appareil branché sur une chaîne de télé-achat s'époumone à présenter des produits qui ne sont même pas dans le magasin ! Ça ne fait rien, ça fait patienter les parents hypnotisés par les images stroboscopiques pendant que les enfants remplissent les chariots de gadgets présentés à côté des caisses…
À la gare de Hanoi, il est 06h00 du matin. J'attends un des premiers trains pour Hai Phòng (Nord). Dans la gare bondée de voyageurs à peine éveillés, un immense écran plat fait défiler des groupes de jeunes gens en pleine santé et qui le montrent en effectuant de magnifiques mouvements de gymnastique dans d'improbables parcs verdoyants. À les voir s'agiter en justaucorps moulants, le sourire aux lèvres et le mollet souple, je me sens déjà fatigué ! Qu'on me laisse encore un peu dormir sur mon fauteuil de gare, avant d'être coincé sur une banquette en bois, entre une grand-mère qui me sourira de toutes ses dents rougies de bétel et une étudiante qui voudra absolument tester son anglais avec moi, qui refuse farouchement de le parler au Vietnam.
"Et si on se mangeait un pho ?". Justement, dans cette rue, un clinquant restaurant d'une franchise célèbre au Vietnam attire notre attention. Son cadre épuré, presque austère, qui semble présenter toutes les garanties d'une hygiène irréprochable, en a fait son succès. En outre, à cette heure de l'après-midi, la salle est déserte, nous n'aurons guère à attendre pour assouvir notre fringale. Nous franchissons la porte, le pas et l'estomac décidés ! Et là, surprise ! J'ai l'impression de pénétrer dans une discothèque… Un écran plat projette en boucle des extraits de clips musicaux qui sont à l'opéra que ce que le hamburger est à la gastronomie. Bien décidé à ne pas m'en laisser conter par cette importune dalle plasma, je commande mon "pho gà to" à un jeune homme plus préoccupé par les formes de la chanteuse qui s'égosille sur le mur que par mes souhaits culinaires. D'ail-leurs, ce qui devait être une dégustation se transforme en compétition entre la satisfaction de mes exigences et l'opulence des courbes sur pixels : mon partenaire de table prête une oreille approximative à ma conversation et un œil passionné à l'écran, et le temps de latence entre la commande de sauce supplémentaire ou de serviette en papier est fonction de la durée du trémoussement saccadé d'éléments qui font la paire… Mais le pire est que, même si je change d'estaminet, je retrouverai toujours ce fichu écran pour me narguer, y compris jusque dans la plus petite des gargotes ! Les gourmands se préparent des digestions difficiles !
Si peu de plaisirs !
Installé dans le confortable fauteuil d'un salon de coiffure, je prie tous les génies du Vietnam de bien vouloir me protéger ! Jusqu'à présent, tout semblait bien se passer… La tondeuse avait tracé sans mal son chemin capillaire et les ciseaux avaient coupé sans problèmes les épis rebelles. Bref, la moisson s'annonçait belle ! Les choses se sont gâtées lorsqu'il a fallu passer aux finitions. En effet, tant que, pour les opérations précédentes, le jeune qui me coiffe avait un œil sur le téléviseur mural et un œil sur mon crâne honorable, je n'étais pas trop inquiet. Sauf que j'aurais dû me méfier de ce match qui oppose le Vietnam à un autre pays d'Asie et des commentaires enthousiastes de mon capilliculteur. En effet, ce métier nécessite une parfaite maîtrise des gestes, surtout lorsque l'on manipule une lame de rasoir à quelques millimètres de la carotide ! Et quiconque n'a pas vécu ce moment inoubliable où le Vietnam marque un but quand un de ses fans vous fignole au coupe-chou ne peut comprendre ce que je vis à cet instant ! Et la haine que je voue à ces écrans plats !
Moment de sérénité dans le clair-obscur d'un salon de massage ! Vautré, il n'y a pas d'autre mot dans un profond fauteuil-lit, j'abandonne mes pieds à des mains expertes qui me les tripotent, me les palpent, me les triturent, me les étirent, me les relaxent… C'est le pied ! (Pardon pour cette facilité !). Les yeux mi-clos, je me laisse bercer dans un nirvana de sensations. Je prête peu attention au condisciple de plaisirs malaxo-pédestres qui s'installe dans le fauteuil voisin, sauf que brusquement, à sa télécommande, un immense écran mural s'allume en face de moi ! Et jamais le proverbe "Parle à mes pieds, ma tête est malade !" n'a été autant d'actualité. Inutile de demander à ce bon voisin de baisser le son ou de rester sur la même chaîne plus de trois minutes. D'autant plus que le mur devient aussi un centre d'intérêt pour les personnes qui œuvrent sur mes tarses et métatarses. Finalement devant l'indifférence générale et la suprématie télévisuelle, je n'ai plus qu'à m'occuper de mes pieds !
Si, pour le moment, dormant du sommeil du juste, je n'ai pas à remplir l'écran noir de mes nuits blan-ches, l'écran plat, lui, me poursuit sans cesse : dans la voiture qui m'emmène à l'aéroport, dans la rue, lors des grands événements, chez le dentiste, chez mon garagiste, dans mon salon !!!
Baird qu'as-tu créé ?!
Gérard BONNAFONT/CVN
source http://lecourrier.vnagency.com.vn/default.asp?page=newsdetail&newsid=68849
Tant qu'il était ventripotent, le téléviseur demandait une place importante, le plus souvent sur un meuble suffisamment solide pour le supporter. On ne pouvait donc pas l'installer n'importe où. Mais depuis qu'il s'est aplati, il a conquis un espace souvent vierge au Vietnam : les murs ! C'est tellement facile de suspendre un écran qu'on en trouve partout ! Et qui fonctionne sans interruption à en avoir des ophtalmies et des acouphènes.
Tant d'écrans !
À la caisse du supermarché, j'attends calmement mon tour. Au passage, je signale que c'est certainement un des rares endroits où le suivant attend que le précédent ait terminé pour s'avancer ! Et comme cette situation est tout à fait contraire à l'impatience notoire du Vietnamien dans une file d'attente, le super-vendeur a eu une super-idée : installer un écran plat au-dessus de la caisse. Telle une épée de Damoclès, menaçant de tomber sur le crâne de la caissière si l'attente se prolonge trop longtemps, l'appareil branché sur une chaîne de télé-achat s'époumone à présenter des produits qui ne sont même pas dans le magasin ! Ça ne fait rien, ça fait patienter les parents hypnotisés par les images stroboscopiques pendant que les enfants remplissent les chariots de gadgets présentés à côté des caisses…
À la gare de Hanoi, il est 06h00 du matin. J'attends un des premiers trains pour Hai Phòng (Nord). Dans la gare bondée de voyageurs à peine éveillés, un immense écran plat fait défiler des groupes de jeunes gens en pleine santé et qui le montrent en effectuant de magnifiques mouvements de gymnastique dans d'improbables parcs verdoyants. À les voir s'agiter en justaucorps moulants, le sourire aux lèvres et le mollet souple, je me sens déjà fatigué ! Qu'on me laisse encore un peu dormir sur mon fauteuil de gare, avant d'être coincé sur une banquette en bois, entre une grand-mère qui me sourira de toutes ses dents rougies de bétel et une étudiante qui voudra absolument tester son anglais avec moi, qui refuse farouchement de le parler au Vietnam.
"Et si on se mangeait un pho ?". Justement, dans cette rue, un clinquant restaurant d'une franchise célèbre au Vietnam attire notre attention. Son cadre épuré, presque austère, qui semble présenter toutes les garanties d'une hygiène irréprochable, en a fait son succès. En outre, à cette heure de l'après-midi, la salle est déserte, nous n'aurons guère à attendre pour assouvir notre fringale. Nous franchissons la porte, le pas et l'estomac décidés ! Et là, surprise ! J'ai l'impression de pénétrer dans une discothèque… Un écran plat projette en boucle des extraits de clips musicaux qui sont à l'opéra que ce que le hamburger est à la gastronomie. Bien décidé à ne pas m'en laisser conter par cette importune dalle plasma, je commande mon "pho gà to" à un jeune homme plus préoccupé par les formes de la chanteuse qui s'égosille sur le mur que par mes souhaits culinaires. D'ail-leurs, ce qui devait être une dégustation se transforme en compétition entre la satisfaction de mes exigences et l'opulence des courbes sur pixels : mon partenaire de table prête une oreille approximative à ma conversation et un œil passionné à l'écran, et le temps de latence entre la commande de sauce supplémentaire ou de serviette en papier est fonction de la durée du trémoussement saccadé d'éléments qui font la paire… Mais le pire est que, même si je change d'estaminet, je retrouverai toujours ce fichu écran pour me narguer, y compris jusque dans la plus petite des gargotes ! Les gourmands se préparent des digestions difficiles !
Si peu de plaisirs !
Installé dans le confortable fauteuil d'un salon de coiffure, je prie tous les génies du Vietnam de bien vouloir me protéger ! Jusqu'à présent, tout semblait bien se passer… La tondeuse avait tracé sans mal son chemin capillaire et les ciseaux avaient coupé sans problèmes les épis rebelles. Bref, la moisson s'annonçait belle ! Les choses se sont gâtées lorsqu'il a fallu passer aux finitions. En effet, tant que, pour les opérations précédentes, le jeune qui me coiffe avait un œil sur le téléviseur mural et un œil sur mon crâne honorable, je n'étais pas trop inquiet. Sauf que j'aurais dû me méfier de ce match qui oppose le Vietnam à un autre pays d'Asie et des commentaires enthousiastes de mon capilliculteur. En effet, ce métier nécessite une parfaite maîtrise des gestes, surtout lorsque l'on manipule une lame de rasoir à quelques millimètres de la carotide ! Et quiconque n'a pas vécu ce moment inoubliable où le Vietnam marque un but quand un de ses fans vous fignole au coupe-chou ne peut comprendre ce que je vis à cet instant ! Et la haine que je voue à ces écrans plats !
Moment de sérénité dans le clair-obscur d'un salon de massage ! Vautré, il n'y a pas d'autre mot dans un profond fauteuil-lit, j'abandonne mes pieds à des mains expertes qui me les tripotent, me les palpent, me les triturent, me les étirent, me les relaxent… C'est le pied ! (Pardon pour cette facilité !). Les yeux mi-clos, je me laisse bercer dans un nirvana de sensations. Je prête peu attention au condisciple de plaisirs malaxo-pédestres qui s'installe dans le fauteuil voisin, sauf que brusquement, à sa télécommande, un immense écran mural s'allume en face de moi ! Et jamais le proverbe "Parle à mes pieds, ma tête est malade !" n'a été autant d'actualité. Inutile de demander à ce bon voisin de baisser le son ou de rester sur la même chaîne plus de trois minutes. D'autant plus que le mur devient aussi un centre d'intérêt pour les personnes qui œuvrent sur mes tarses et métatarses. Finalement devant l'indifférence générale et la suprématie télévisuelle, je n'ai plus qu'à m'occuper de mes pieds !
Si, pour le moment, dormant du sommeil du juste, je n'ai pas à remplir l'écran noir de mes nuits blan-ches, l'écran plat, lui, me poursuit sans cesse : dans la voiture qui m'emmène à l'aéroport, dans la rue, lors des grands événements, chez le dentiste, chez mon garagiste, dans mon salon !!!
Baird qu'as-tu créé ?!
Gérard BONNAFONT/CVN
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eau de pays !
En vietnamien, "pays" se dit "nuoc". En vietnamien toujours, "eau" se dit "nuoc" ! Bizarre, non ? Pas tant que ça quand on vit dans ce pays ! Aujourd'hui, je vous propose d'aller vous mouiller les pieds avec moi…
Depuis ma plus tendre enfance, j'avais toujours entendu que le pays où j'étais né, la France, était béni des dieux. L'eau y coule en abondance, de rus en fleuves, offrant à boire à volonté aux immenses forêts touffues et aux gras pâturages verdoyants ! On me montrait sur l'atlas mondial tous ces pauvres pays qui tiraient la langue sous le soleil, alors que l'eau jaillissait de toutes les fontaines, sources et cascades que je rencontrais… Et un jour, je suis arrivé au Vietnam, et là j'ai découvert ce qu'est vivre avec, sans et dans l'eau !
Riz à l'eau…
À tout seigneur tout honneur ! Maître riz règne sans partage sur la table vietnamienne, et sans eau, pas de riz ! Oui, il y en a parmi vous qui vont me dire : "Et le riz sur brûlis ?". Je vous l'accorde, mais ça représente tellement peu par rapport au riz pieds dans l'eau ! Car ce n'est pas seulement le paysan qui se mouille les orteils pour repiquer, soigner, entretenir sa rizière. Le plant de riz est un avide aqueux ! Il lui faut de l'eau en permanence. Alors, on irrigue en traçant des canaux, en faisant monter l'eau par-dessus les diguettes, grâce à la méthode du "panier volant" ! Non, il ne s'agit pas d'un nouvel OVNI, mais tout simplement d'une technique ancestrale, qui consiste pour deux personnes à se tenir aux extrémités de deux cordes qui portent un panier tressé. En relâchant les cordes, le panier plonge dans un fossé plein d'eau, en tirant sur les extrémités, les cordes se tendent et font remonter le panier plein d'eau que par une rotation adéquate du buste, on vide dans la rizière supérieure… Bon, ça, c'est pour les deltas, quand c'est tout plat.
En montagne, on fait remonter l'eau avec des systèmes de roue à godets et de canalisations en bambou. Ou alors, on fait descendre l'eau en cascadelles sur les rizières en terrasse. Mais qu'importe la technique : le riz veut boire, on lui donne à boire ! Et si le riz se plaît par ici, c'est que justement il ne manque pas d'eau.
Douche à l'eau !
Manquer d'eau ! La hantise de l'humanité et la mienne par la même occasion. Car si l'eau arrose copieusement le riz, il arrive parfois qu'elle refuse de m'arroser…, surtout le matin ! Vous connaissez tous le plaisir d'une bonne douche au réveil, quand on chante à tue-tête sous le jet tiède, chaud ou froid, selon ! Shampoing odorant plein les cheveux, crème de douche parfumée moussant sur un corps à peine éveillé, on goûte le délice de l'eau qui crépite sur la peau et nous rince de toutes les scories de la nuit ! Sauf que cette fois, le jaillissement perd son entrain et de pluie se transforme en gouttelettes, avant de devenir goutte-à-goutte ! J'ai beau secouer le pommeau de la douche, rien n'y fait, l'eau est aux abonnés absents…
Le shampoing devient brusquement moins odorant, la mousse devient irritante. C'est là que l'on découvre l'utilité de la grosse citerne à eau qui se trouve sur les toits. Si l'eau a un coup de pompe, il suffit d'allumer la pompe à eau pour que la citerne lui redonne de l'allant… Sauf que c'est toujours quand je suis seul dans la maison que mon eau se fait la malle, et que c'est toujours quand je dois descendre, ensavonné de pied en cap, que ma voisine choisit d'entrer pour emprunter un ustensile de cuisine, ou que la receveuse de la compagnie des eaux vient me demander de régler ma consommation du mois précédent ! De quoi avoir envie de leur dire d'aller se faire laver ailleurs !
Dans l'eau !
L'eau, c'est aussi les petites mares derrière chaque maison à la campagne, où cohabitent canards, poissons et moustiques, les premiers passant leur vie à chasser les derniers ! L'eau, ce sont ces grands fleuves qui, tels des dragons endormis, étirent langoureusement leurs méandres pour mieux bondir hors de leurs lits dès les premières grands pluies. L'eau, c'est la mer qui enserre le pays d'une étreinte salée. L'eau, ce sont ces cascades qui dégringolent le long des falaises, en creusant des ravines dans la forêt. Ici, l'eau clapote, ruisselle, coule, jaillit, suinte, dégouline, stagne, gicle… Elle est comme un animal aux multiples tentacules qui s'insinue partout.
Mais l'eau est capricieuse et elle n'en fait qu'à sa tête ! Elle en fait même parfois trop ! Dans ces moments-là, elle nous tombe sur la tête sans aucune retenue. En l'espace de quelques instants, c'est le ciel qui se liquéfie et nous engloutit. Les rues se transforment en fleuves, et les vêtements en serpillières…
Et, même si je l'ai déjà dit, je le répète, c'est à ce moment que je ne peux m'empêcher d'admirer la capacité d'adaptation du Vietnamien. Là où un Occidental, habitué à croire que tout peut se maîtriser, y compris la nature, se mettrait à vitupérer contre cette météo qui ne respecte rien, le Vietnamien s'arrête sous un arbre, enfile un poncho, se couvre d'une bâche ou met sa veste sur la tête, et continue sa route… Il trace son sillage après avoir tracé son chemin ! Et puis, quand le calme revient, il enlève son poncho ou sa bâche, et poursuit sa route comme si de rien n'avait été. Les enfants profitent des creux emplis d'eau de pluie pour patauger ou se baigner, avant que le soleil n'assèche leur piscine provisoire.
Il est vrai que parfois l'eau devint cruelle et emporte maisons, bêtes et hommes dans de dramatiques inondations. J'ai déjà évoqué ici le courage dont savent alors faire preuve les Vietnamiens contre cette eau qui d'alliée devient ennemie ! En même temps, ces colères de l'eau ne méritent pas qu'on la méprise ! Oui, le Vietnam est un pays d'eau, mais l'eau n'est pas inépuisable, et ma douche est là pour me le rappeler.
Alors, tant pis si ma moto est un peu poussiéreuse, j'attendrais que l'eau du ciel en ait pitié plutôt que de transformer ma ruelle en rivière savonneuse !
Un petit geste pour qu'on puisse toujours dire "Nuoc Vietnam" et pas "Sa mac Vietnam" !
Gérard Bonnafont/CVN
26/6/2011
source http://lecourrier.vnagency.com.vn/default.asp?page=newsdetail&newsid=73330
Depuis ma plus tendre enfance, j'avais toujours entendu que le pays où j'étais né, la France, était béni des dieux. L'eau y coule en abondance, de rus en fleuves, offrant à boire à volonté aux immenses forêts touffues et aux gras pâturages verdoyants ! On me montrait sur l'atlas mondial tous ces pauvres pays qui tiraient la langue sous le soleil, alors que l'eau jaillissait de toutes les fontaines, sources et cascades que je rencontrais… Et un jour, je suis arrivé au Vietnam, et là j'ai découvert ce qu'est vivre avec, sans et dans l'eau !
Riz à l'eau…
À tout seigneur tout honneur ! Maître riz règne sans partage sur la table vietnamienne, et sans eau, pas de riz ! Oui, il y en a parmi vous qui vont me dire : "Et le riz sur brûlis ?". Je vous l'accorde, mais ça représente tellement peu par rapport au riz pieds dans l'eau ! Car ce n'est pas seulement le paysan qui se mouille les orteils pour repiquer, soigner, entretenir sa rizière. Le plant de riz est un avide aqueux ! Il lui faut de l'eau en permanence. Alors, on irrigue en traçant des canaux, en faisant monter l'eau par-dessus les diguettes, grâce à la méthode du "panier volant" ! Non, il ne s'agit pas d'un nouvel OVNI, mais tout simplement d'une technique ancestrale, qui consiste pour deux personnes à se tenir aux extrémités de deux cordes qui portent un panier tressé. En relâchant les cordes, le panier plonge dans un fossé plein d'eau, en tirant sur les extrémités, les cordes se tendent et font remonter le panier plein d'eau que par une rotation adéquate du buste, on vide dans la rizière supérieure… Bon, ça, c'est pour les deltas, quand c'est tout plat.
En montagne, on fait remonter l'eau avec des systèmes de roue à godets et de canalisations en bambou. Ou alors, on fait descendre l'eau en cascadelles sur les rizières en terrasse. Mais qu'importe la technique : le riz veut boire, on lui donne à boire ! Et si le riz se plaît par ici, c'est que justement il ne manque pas d'eau.
Douche à l'eau !
Manquer d'eau ! La hantise de l'humanité et la mienne par la même occasion. Car si l'eau arrose copieusement le riz, il arrive parfois qu'elle refuse de m'arroser…, surtout le matin ! Vous connaissez tous le plaisir d'une bonne douche au réveil, quand on chante à tue-tête sous le jet tiède, chaud ou froid, selon ! Shampoing odorant plein les cheveux, crème de douche parfumée moussant sur un corps à peine éveillé, on goûte le délice de l'eau qui crépite sur la peau et nous rince de toutes les scories de la nuit ! Sauf que cette fois, le jaillissement perd son entrain et de pluie se transforme en gouttelettes, avant de devenir goutte-à-goutte ! J'ai beau secouer le pommeau de la douche, rien n'y fait, l'eau est aux abonnés absents…
Le shampoing devient brusquement moins odorant, la mousse devient irritante. C'est là que l'on découvre l'utilité de la grosse citerne à eau qui se trouve sur les toits. Si l'eau a un coup de pompe, il suffit d'allumer la pompe à eau pour que la citerne lui redonne de l'allant… Sauf que c'est toujours quand je suis seul dans la maison que mon eau se fait la malle, et que c'est toujours quand je dois descendre, ensavonné de pied en cap, que ma voisine choisit d'entrer pour emprunter un ustensile de cuisine, ou que la receveuse de la compagnie des eaux vient me demander de régler ma consommation du mois précédent ! De quoi avoir envie de leur dire d'aller se faire laver ailleurs !
Dans l'eau !
L'eau, c'est aussi les petites mares derrière chaque maison à la campagne, où cohabitent canards, poissons et moustiques, les premiers passant leur vie à chasser les derniers ! L'eau, ce sont ces grands fleuves qui, tels des dragons endormis, étirent langoureusement leurs méandres pour mieux bondir hors de leurs lits dès les premières grands pluies. L'eau, c'est la mer qui enserre le pays d'une étreinte salée. L'eau, ce sont ces cascades qui dégringolent le long des falaises, en creusant des ravines dans la forêt. Ici, l'eau clapote, ruisselle, coule, jaillit, suinte, dégouline, stagne, gicle… Elle est comme un animal aux multiples tentacules qui s'insinue partout.
Mais l'eau est capricieuse et elle n'en fait qu'à sa tête ! Elle en fait même parfois trop ! Dans ces moments-là, elle nous tombe sur la tête sans aucune retenue. En l'espace de quelques instants, c'est le ciel qui se liquéfie et nous engloutit. Les rues se transforment en fleuves, et les vêtements en serpillières…
Et, même si je l'ai déjà dit, je le répète, c'est à ce moment que je ne peux m'empêcher d'admirer la capacité d'adaptation du Vietnamien. Là où un Occidental, habitué à croire que tout peut se maîtriser, y compris la nature, se mettrait à vitupérer contre cette météo qui ne respecte rien, le Vietnamien s'arrête sous un arbre, enfile un poncho, se couvre d'une bâche ou met sa veste sur la tête, et continue sa route… Il trace son sillage après avoir tracé son chemin ! Et puis, quand le calme revient, il enlève son poncho ou sa bâche, et poursuit sa route comme si de rien n'avait été. Les enfants profitent des creux emplis d'eau de pluie pour patauger ou se baigner, avant que le soleil n'assèche leur piscine provisoire.
Il est vrai que parfois l'eau devint cruelle et emporte maisons, bêtes et hommes dans de dramatiques inondations. J'ai déjà évoqué ici le courage dont savent alors faire preuve les Vietnamiens contre cette eau qui d'alliée devient ennemie ! En même temps, ces colères de l'eau ne méritent pas qu'on la méprise ! Oui, le Vietnam est un pays d'eau, mais l'eau n'est pas inépuisable, et ma douche est là pour me le rappeler.
Alors, tant pis si ma moto est un peu poussiéreuse, j'attendrais que l'eau du ciel en ait pitié plutôt que de transformer ma ruelle en rivière savonneuse !
Un petit geste pour qu'on puisse toujours dire "Nuoc Vietnam" et pas "Sa mac Vietnam" !
Gérard Bonnafont/CVN
26/6/2011
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Date d'inscription : 31/05/2009
Pas si bêtes !
L'homme n'a pas le monopole de la vie, loin s'en faut ! Au Vietnam comme ailleurs, les humains partagent leur territoire avec une multitude de petites bêtes, qui sont parfois plus utiles qu'on ne le croit !
"Horreur ! C'est quoi cette bestiole !" . Combien de fois ai-je entendu cette exclamation mi-peur, mi-dégoût de la part de personnes habituées aux univers aseptisés à grands coups de désinfectants et autres insecticides qui font éternuer notre planète. Moi-même, au début, j'ai eu quelques réticences à accepter certains colocataires, jusqu'au jour où j'ai compris leur utilité... ou leur inutilité !
Y'a pas de lézard !
À tout seigneur, tout honneur ! L'un de mes compagnons de chambre le plus original, pour l'Occidental que je suis, est l'hemidactylus frenatus ! Sous ce nom à faire frémir les candidats au concours général de latin se dissimule un drôle de petit animal, sorte de lézard miniature plus connu sous le nom de margouillat à l'île de la Réunion, ou de "thach sùng" du côté de Hanoi.
Agrippé aux murs ou au plafond par ses pattes à ventouse, c'est une bestiole pudique. Il n'aime pas s'exhiber en public et passe ses journées caché à l'abri des regards. C'est le soir venu qu'attiré par la lumière des lampes, il s'adonne à son activité favorite : chasser le moustique ! Car ce gecko miniature est le plus formidable insecticide qui existe… Comme tout bon chasseur qui se respecte, il commence par chercher l'endroit le plus approprié pour guetter sa proie. On le voit alors cavaler comme un fou furieux, jusqu'au moment où il trouve son poste de guet. Là, il n'a plus qu'à attendre qu'un de ces indésirables ailés passent à proximité, pour le scotcher d'un rapide de langue et l'avaler sans autre forme de procès ! Incroyable ce qu'une aussi petite bête peut ingurgiter en une soirée ! Avec un tel allié, on peut dormir tranquille direz-vous ! Oui, sauf que… Sans vouloir transformer cette tranche de vie en leçon d'historie naturelle, je me dois de souligner qu'il existe trois espèces de margouillats qui cohabitent dans les maisons, avec les humains.
Et sur ces trois, il n'y en a qu'une qui doit connaître les plaisirs de la chair pour se reproduire, et justement c'est celle que nous côtoyons ici, au Vietnam ! Tant mieux pour ses braves insectivores…, mais tant pis pour nos oreilles ! En effet, si notre petit ami est extrêmement discret en temps normal, il a la drague tapageuse à l'époque des amours ! Autant pour défendre son territoire et en interdire l'accès à tout rival potentiel, que pour attirer les femelles de passage, il se met à pousser des cris qui ressemblent à des explosions de pétards pour la fête du Têt ! Au début çà surprend, quand entre deux rêves, on a l'impression de se trouver au milieu d'une fusillade. Le pire, c'est que si on allume pour voir ce qui se passe, le bourreau des cœurs se tait immédiatement. On éteint… Ça recommence ! De quoi avoir envie de se saisir de la charentaise que l'on a apportée dans ses bagages, et de la lancer sur l'inconvenant (j'évoque bien sûr la pantoufle, pas l'habitante de Cognac !). Mais, finalement comme lui n'est bruyant que quelques jours par an, je lui pardonne ses émois contre les nombreuses nuits tranquilles que je peux passer, sans qu'on vienne me sucer le sang !
Fil à la patte !
Si le cri du margouillat peut agacer nos tympans, ce n'est rien à côté du cri strident qui peut s'échapper d'un gosier féminin quand sa propriétaire est confrontée à la vue d'une araignée agitant les pattes ! Grosses, petites, fines, épaisses, velues, glabres… elles sont souvent chassées à grands coups de tête- de- loup ou écrasées sous des talons rageurs. Là encore, mes critères occidentaux de la propreté ont été fortement bousculés quand je me suis installé ici. Je me souviens de la première fois où j'avais entrepris de mettre à bas, les toiles d'araignées qui festonnaient les encoignures de mon plafond. Comme au Vietnam, chaleur oblige, les plafonds sont hauts, j'avais prolongé le manche d'un balai, d'une perche en bambou, et par des mouvements d'estoc, je m'escrimais à détruire ce que les aragnes avaient mis tout leur cœur à fabriquer. C'est que pour moi, les toiles d'araignée c'était synonyme de caves obscures, de maisons hantées, de fantômes et de vampires ! Donc pas question de dormir avec une épée de Damoclès au-dessus de moi, à forme d'araignée attachée à un fil et venant gigoter jusque sous mes narines. C'est ma femme, entrant sur ces entrefaites, qui m'a remis dans le droit chemin ! Stoppant d'un geste le génocide arachnide, elle m'a expliqué que les toiles d'araignée constituent un parfait piège pour les moustiques et autres insectes volants non-identifiés mais perturbateurs de la tranquillité humaine ! C'est pourquoi, les Vietnamiennes, dans leur grande sagesse millénaire, laissent subsister quelques réseaux de fils soyeux, dans les recoins… surtout quand ils sont inaccessibles ! Même maintenant, si je ne les regarde toujours pas avec les yeux de Chimène, je considère différemment ces nouveaux alliés à pattes ! Contre nos ennemis à ailes faisons cause commune, à condition que chacun d'entre nous reste dans… son coin !
Pas beau, mais pas méchant !
Celle-ci, j'ai encore du mal à m'y faire ! Pour plusieurs raisons… D'abord parce que cette bestiole existe depuis des dizaines de milliers d'années, c'est dire çà capacité à s'adapter ! Ensuite c'est une bestiole maligne comme ce n'est pas possible ! D'abord elle passe ses journées à dormir dans des endroits sombres, obscurs, chauds et humides où, comme dirais ce brave Dumas, la main de l'homme ne mets jamais les pieds ! Ensuite, dès que la nuit arrive, elle s'empresse de courir en tout sens sur le plancher pour chercher à manger alors que c'est l'heure de dormir. Mais si seulement, elle pouvait faire cela en silence ? Non, il faut en plus qu'elle fasse un boucan d'enfer, en faisant cliqueter ses pattes sur le sol ! Alors, évidemment, ça me réveille. Je reprends ma charentaise pour lui en asséner un coup sur les antennes.
Mais, agile comme un singe, elle se sauve avant que le projectile n'arrive sur elle, pour aller se cacher dans un endroit sombre, obscur, etc. où je n'irai pas mettre ni la main, ni le pied ! Le comble, c'est quand je lis que, "en particulier les substances sucrées et les féculents, les intéressent. Elles laissent une odeur désagréable sur les aliments qu'elles souillent. Elles aiment le sang frais ou desséché, les excréments et les crachats. Elles sont susceptibles de se nourrir aux dépens de tissus, de papiers ou de cadavres de leurs congénères" . C'est à vomir ! Bon, je sais bien qu'elles sont utiles parce que justement elles s'occupent de nettoyer les saletés que nous laissons dans les endroits sombres, etc. où nous ne pouvons pas mettre la main ! Mais quand même, rien qu'à penser qu'une nuit, une d'entre elle pourrait confondre mon oreille ou un quelconque orifice naturel avec un endroit sombre, obscur, chaud et humide…, ça me donne la chair de poule ! De quoi avoir… le cafard !
Cette tranche de vie est ma modeste participation à la réconciliation entre l'homme et la nature ! Je ne voudrais pas que vous pensiez que je cherche la petite bête !
Gérard BONNAFONT/CVN
3/7/2011
http://lecourrier.vnagency.com.vn/default.asp?page=newsdetail&newsid=73526
"Horreur ! C'est quoi cette bestiole !" . Combien de fois ai-je entendu cette exclamation mi-peur, mi-dégoût de la part de personnes habituées aux univers aseptisés à grands coups de désinfectants et autres insecticides qui font éternuer notre planète. Moi-même, au début, j'ai eu quelques réticences à accepter certains colocataires, jusqu'au jour où j'ai compris leur utilité... ou leur inutilité !
Y'a pas de lézard !
À tout seigneur, tout honneur ! L'un de mes compagnons de chambre le plus original, pour l'Occidental que je suis, est l'hemidactylus frenatus ! Sous ce nom à faire frémir les candidats au concours général de latin se dissimule un drôle de petit animal, sorte de lézard miniature plus connu sous le nom de margouillat à l'île de la Réunion, ou de "thach sùng" du côté de Hanoi.
Agrippé aux murs ou au plafond par ses pattes à ventouse, c'est une bestiole pudique. Il n'aime pas s'exhiber en public et passe ses journées caché à l'abri des regards. C'est le soir venu qu'attiré par la lumière des lampes, il s'adonne à son activité favorite : chasser le moustique ! Car ce gecko miniature est le plus formidable insecticide qui existe… Comme tout bon chasseur qui se respecte, il commence par chercher l'endroit le plus approprié pour guetter sa proie. On le voit alors cavaler comme un fou furieux, jusqu'au moment où il trouve son poste de guet. Là, il n'a plus qu'à attendre qu'un de ces indésirables ailés passent à proximité, pour le scotcher d'un rapide de langue et l'avaler sans autre forme de procès ! Incroyable ce qu'une aussi petite bête peut ingurgiter en une soirée ! Avec un tel allié, on peut dormir tranquille direz-vous ! Oui, sauf que… Sans vouloir transformer cette tranche de vie en leçon d'historie naturelle, je me dois de souligner qu'il existe trois espèces de margouillats qui cohabitent dans les maisons, avec les humains.
Et sur ces trois, il n'y en a qu'une qui doit connaître les plaisirs de la chair pour se reproduire, et justement c'est celle que nous côtoyons ici, au Vietnam ! Tant mieux pour ses braves insectivores…, mais tant pis pour nos oreilles ! En effet, si notre petit ami est extrêmement discret en temps normal, il a la drague tapageuse à l'époque des amours ! Autant pour défendre son territoire et en interdire l'accès à tout rival potentiel, que pour attirer les femelles de passage, il se met à pousser des cris qui ressemblent à des explosions de pétards pour la fête du Têt ! Au début çà surprend, quand entre deux rêves, on a l'impression de se trouver au milieu d'une fusillade. Le pire, c'est que si on allume pour voir ce qui se passe, le bourreau des cœurs se tait immédiatement. On éteint… Ça recommence ! De quoi avoir envie de se saisir de la charentaise que l'on a apportée dans ses bagages, et de la lancer sur l'inconvenant (j'évoque bien sûr la pantoufle, pas l'habitante de Cognac !). Mais, finalement comme lui n'est bruyant que quelques jours par an, je lui pardonne ses émois contre les nombreuses nuits tranquilles que je peux passer, sans qu'on vienne me sucer le sang !
Fil à la patte !
Si le cri du margouillat peut agacer nos tympans, ce n'est rien à côté du cri strident qui peut s'échapper d'un gosier féminin quand sa propriétaire est confrontée à la vue d'une araignée agitant les pattes ! Grosses, petites, fines, épaisses, velues, glabres… elles sont souvent chassées à grands coups de tête- de- loup ou écrasées sous des talons rageurs. Là encore, mes critères occidentaux de la propreté ont été fortement bousculés quand je me suis installé ici. Je me souviens de la première fois où j'avais entrepris de mettre à bas, les toiles d'araignées qui festonnaient les encoignures de mon plafond. Comme au Vietnam, chaleur oblige, les plafonds sont hauts, j'avais prolongé le manche d'un balai, d'une perche en bambou, et par des mouvements d'estoc, je m'escrimais à détruire ce que les aragnes avaient mis tout leur cœur à fabriquer. C'est que pour moi, les toiles d'araignée c'était synonyme de caves obscures, de maisons hantées, de fantômes et de vampires ! Donc pas question de dormir avec une épée de Damoclès au-dessus de moi, à forme d'araignée attachée à un fil et venant gigoter jusque sous mes narines. C'est ma femme, entrant sur ces entrefaites, qui m'a remis dans le droit chemin ! Stoppant d'un geste le génocide arachnide, elle m'a expliqué que les toiles d'araignée constituent un parfait piège pour les moustiques et autres insectes volants non-identifiés mais perturbateurs de la tranquillité humaine ! C'est pourquoi, les Vietnamiennes, dans leur grande sagesse millénaire, laissent subsister quelques réseaux de fils soyeux, dans les recoins… surtout quand ils sont inaccessibles ! Même maintenant, si je ne les regarde toujours pas avec les yeux de Chimène, je considère différemment ces nouveaux alliés à pattes ! Contre nos ennemis à ailes faisons cause commune, à condition que chacun d'entre nous reste dans… son coin !
Pas beau, mais pas méchant !
Celle-ci, j'ai encore du mal à m'y faire ! Pour plusieurs raisons… D'abord parce que cette bestiole existe depuis des dizaines de milliers d'années, c'est dire çà capacité à s'adapter ! Ensuite c'est une bestiole maligne comme ce n'est pas possible ! D'abord elle passe ses journées à dormir dans des endroits sombres, obscurs, chauds et humides où, comme dirais ce brave Dumas, la main de l'homme ne mets jamais les pieds ! Ensuite, dès que la nuit arrive, elle s'empresse de courir en tout sens sur le plancher pour chercher à manger alors que c'est l'heure de dormir. Mais si seulement, elle pouvait faire cela en silence ? Non, il faut en plus qu'elle fasse un boucan d'enfer, en faisant cliqueter ses pattes sur le sol ! Alors, évidemment, ça me réveille. Je reprends ma charentaise pour lui en asséner un coup sur les antennes.
Mais, agile comme un singe, elle se sauve avant que le projectile n'arrive sur elle, pour aller se cacher dans un endroit sombre, obscur, etc. où je n'irai pas mettre ni la main, ni le pied ! Le comble, c'est quand je lis que, "en particulier les substances sucrées et les féculents, les intéressent. Elles laissent une odeur désagréable sur les aliments qu'elles souillent. Elles aiment le sang frais ou desséché, les excréments et les crachats. Elles sont susceptibles de se nourrir aux dépens de tissus, de papiers ou de cadavres de leurs congénères" . C'est à vomir ! Bon, je sais bien qu'elles sont utiles parce que justement elles s'occupent de nettoyer les saletés que nous laissons dans les endroits sombres, etc. où nous ne pouvons pas mettre la main ! Mais quand même, rien qu'à penser qu'une nuit, une d'entre elle pourrait confondre mon oreille ou un quelconque orifice naturel avec un endroit sombre, obscur, chaud et humide…, ça me donne la chair de poule ! De quoi avoir… le cafard !
Cette tranche de vie est ma modeste participation à la réconciliation entre l'homme et la nature ! Je ne voudrais pas que vous pensiez que je cherche la petite bête !
Gérard BONNAFONT/CVN
3/7/2011
http://lecourrier.vnagency.com.vn/default.asp?page=newsdetail&newsid=73526
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- Messages : 4881
Date d'inscription : 31/05/2009
alors, quoi de neuf ?
Quelle différence entre le Vietnam que j'ai connu il y a seulement six ans et celui d'aujourd'hui ! Si je regarde des photos de cette époque, j'ai l'impression d'être dans un autre pays. Et pourtant, tout change, mais rien ne change…
Malgré les tours qui partent à la conquête du ciel, malgré les immenses avenues qui embellissent les villes, malgré les voitures qui roulent à flot dans les petites ruelles, malgré les vastes complexes commerciaux qui surgissent de-ci de-là, je retrouve encore ces petites scènes qui font que pour un étranger, le Vietnam reste toujours surprenant !
Grands mouvements…
Il y a toujours, sur les bords des lacs des villes, les amoureux qui se bécotent sur les bancs publics, lorsque l'obscurité doucement s'étend sur la ville. En de longs silences, ils réinventent toujours le monde à l'abri des arbres complices. Certes, ils sont peut-être un peu plus nombreux à se serrer l'un contre l'autre sur les banquettes accueillantes des cafés modernes aux lumières psychédéliques, mais je les aperçois encore quand je longe les rives du Hô Tây (lac de l'Ouest) ou du Hô Hoàn Kiêm (lac de l'Épée restituée), totalement étrangers à la rumeur de la ville qui glisse à la surface des eaux.
Il y a toujours, au milieu du nombre croissant de voitures dernier cri, ces innombrables motos qui transportent d'incroyables chargements. C'est encore plus surréaliste de voir se déplacer un arbre de deux mètres de haut, sa frondaison glissant dans la circulation, quand la moto qui le véhicule est cachée par les voitures. Parfois, comme Alice, j'ai l'impression d'être passé de l'autre côté du miroir. Et que dire de cette scène mathématiquement paradoxale et pourtant si fréquente, où une moto portant quatre personnes sur 1 m² en moyenne côtoie une voiture qui n'en transporte qu'une en occupant 10 m² ! Et bien sûr, qui dit moto, dit casque ! Et là aussi, il y a toujours cette floraison de couleurs qui se promène sur la tête des gens sensés. Pour les autres, ce sont les chevelures ou le crâne rasé qui continue à faire office de protection en cas de chute ! À ce sujet, j'ai tendance à croire que les jeunes vietnamiens ont la tête plus dure que leurs aînés, vu le nombre de jeunes adolescents et adolescentes qui me doublent sur leurs motos vrombissantes, chevelures au vent !
Il y a toujours ces hommes-téléphones qui se déplacent, appareils vissés à l'oreille. Et le pluriel ici n'est pas une erreur de grammaire, car ils ne se contentent pas d'un seul téléphone ! Le plus souvent, ils en ont deux, voire trois avec lesquels ils jonglent avec une dextérité qui me laisse pantois. Venant d'un pays où téléphoner au volant ou au guidon relève du délit routier, au prétexte que l'on ne peut pas se con- centrer et sur la route, et sur l'écoute, je suis ébahi par la capacité de ces virtuoses du clavier et du volant conjugué à pouvoir tout mener de front !
L'autre jour, un chauffeur de taxi m'a conduit de Âu Co à Hoàn Kiêm, en traversant les rues de la vieille ville à l'heure où la circulation est la plus intense. Freiner, ralentir, contourner, éviter, frôler, accélérer en souplesse, zigzaguer… autant dire que mon chauffeur avait de l'occupation. Pourtant déjà, lorsque je suis monté dans le véhicule, il a écouté de son oreille droite l'adresse que je lui indiquai, tandis que son oreille gauche était occupée par un flamboyant appareil digital. À peine avions-nous fait quelques mètres qu'un modeste téléphone gisant entre son siège et le mien se manifestait. Ne me demandez pas comment il a fait, mais sans abandonner le premier, ni son volant, il a réussi à répondre à ce nouvel interlocuteur. Mais c'est quand un troisième téléphone a sonné dans sa poche de chemise que j'ai fermé les yeux, en priant ma "cu bà" (arrière-grand-mère) de me faire parvenir indemne au terme de mon voyage. Je la soup-çonne d'ailleurs d'avoir pris le volant, car comment mon chauffeur aurait-il pu à la fois manier trois téléphones et circuler sans encombre dans le flot anarchique qui nous entourait !
Petits métiers !
Il y a toujours ces "bà" (dames) du marché qui règnent sur leurs étals comme des princesses douairières ! Mais elles sont de plus en plus repoussées dans quelques quartiers de banlieues où résistent les vieux marchés d'antan, ou encore dans le grand marché Dông Xuân. Là, elles continuent à compter leurs liasses de billets, à écrire minutieusement sur des vieux cahiers chaque transaction, chaque dông entré, chaque dông sorti ! Toujours aussi plantureuses, elles conservent leur langage coloré, souvent trivial, qui pourrait faire frémir de honte les moustaches de militaires de carrière ! Toujours aussi avenantes quand elles font une bonne affaire, et toujours aussi grognons quand l'affaire n'est pas à leur avantage, elles perpétuent cette truculence villageoise qui a traversé les siècles. Ailleurs, quand les modernes supermarchés ont pris la place, les "bà" sont remplacées par d'accortes jeunettes qui, machine électronique à l'appui, encaissent les dôngs du client avec force sourire. L'opération est certes plus séduisante, mais tellement plus aseptisée…
On croise toujours les porteuses à la palanche qui parcourent la ville du matin au soir pour tenter de vendre les produits qu'elles sont allées chercher à l'aube au marché de Long Biên. Courbées sous le poids des paniers, elles sinuent de leur démarche chaloupée au milieu des badauds et des passants, faisant encore la joie de voyageurs qui prennent la pose, coiffés du "nón" (chapeau conique), en leur accordant parfois quelques milliers de dôngs pour leur avoir fait croire pendant quelques instants qu'au Vietnam, les marchandises con-tinuaient à se déplacer à dos de femme !
On voit encore circuler les cyclo-pousse, qui hèlent le client pour de courtes promenades dans la vieille ville. Image fugace d'un temps révolu dont le chemin se confond avec celui des bus électriques et silencieux qui promènent les touristes sans effort…
On voit encore au carrefour et le long de la rue Hàng Da les scieurs de planche qui, scie à la main, attendent accroupis à l'ombre des maisons celui qui aura besoin de leur dextérité.
On voit toujours les cireurs de chaussures qui viennent proposer leurs services à la terrasse des restaurants modernes. Et qu'importe que vous portiez des sandales en toile !
Tout bouge, tout change, mais à celui qui sait voir, le Vietnam reste éternel !
Gérard Bonnafont/CVN
24/72011
source http://lecourrier.vnagency.com.vn/default.asp?page=newsdetail&newsid=74114
Malgré les tours qui partent à la conquête du ciel, malgré les immenses avenues qui embellissent les villes, malgré les voitures qui roulent à flot dans les petites ruelles, malgré les vastes complexes commerciaux qui surgissent de-ci de-là, je retrouve encore ces petites scènes qui font que pour un étranger, le Vietnam reste toujours surprenant !
Grands mouvements…
Il y a toujours, sur les bords des lacs des villes, les amoureux qui se bécotent sur les bancs publics, lorsque l'obscurité doucement s'étend sur la ville. En de longs silences, ils réinventent toujours le monde à l'abri des arbres complices. Certes, ils sont peut-être un peu plus nombreux à se serrer l'un contre l'autre sur les banquettes accueillantes des cafés modernes aux lumières psychédéliques, mais je les aperçois encore quand je longe les rives du Hô Tây (lac de l'Ouest) ou du Hô Hoàn Kiêm (lac de l'Épée restituée), totalement étrangers à la rumeur de la ville qui glisse à la surface des eaux.
Il y a toujours, au milieu du nombre croissant de voitures dernier cri, ces innombrables motos qui transportent d'incroyables chargements. C'est encore plus surréaliste de voir se déplacer un arbre de deux mètres de haut, sa frondaison glissant dans la circulation, quand la moto qui le véhicule est cachée par les voitures. Parfois, comme Alice, j'ai l'impression d'être passé de l'autre côté du miroir. Et que dire de cette scène mathématiquement paradoxale et pourtant si fréquente, où une moto portant quatre personnes sur 1 m² en moyenne côtoie une voiture qui n'en transporte qu'une en occupant 10 m² ! Et bien sûr, qui dit moto, dit casque ! Et là aussi, il y a toujours cette floraison de couleurs qui se promène sur la tête des gens sensés. Pour les autres, ce sont les chevelures ou le crâne rasé qui continue à faire office de protection en cas de chute ! À ce sujet, j'ai tendance à croire que les jeunes vietnamiens ont la tête plus dure que leurs aînés, vu le nombre de jeunes adolescents et adolescentes qui me doublent sur leurs motos vrombissantes, chevelures au vent !
Il y a toujours ces hommes-téléphones qui se déplacent, appareils vissés à l'oreille. Et le pluriel ici n'est pas une erreur de grammaire, car ils ne se contentent pas d'un seul téléphone ! Le plus souvent, ils en ont deux, voire trois avec lesquels ils jonglent avec une dextérité qui me laisse pantois. Venant d'un pays où téléphoner au volant ou au guidon relève du délit routier, au prétexte que l'on ne peut pas se con- centrer et sur la route, et sur l'écoute, je suis ébahi par la capacité de ces virtuoses du clavier et du volant conjugué à pouvoir tout mener de front !
L'autre jour, un chauffeur de taxi m'a conduit de Âu Co à Hoàn Kiêm, en traversant les rues de la vieille ville à l'heure où la circulation est la plus intense. Freiner, ralentir, contourner, éviter, frôler, accélérer en souplesse, zigzaguer… autant dire que mon chauffeur avait de l'occupation. Pourtant déjà, lorsque je suis monté dans le véhicule, il a écouté de son oreille droite l'adresse que je lui indiquai, tandis que son oreille gauche était occupée par un flamboyant appareil digital. À peine avions-nous fait quelques mètres qu'un modeste téléphone gisant entre son siège et le mien se manifestait. Ne me demandez pas comment il a fait, mais sans abandonner le premier, ni son volant, il a réussi à répondre à ce nouvel interlocuteur. Mais c'est quand un troisième téléphone a sonné dans sa poche de chemise que j'ai fermé les yeux, en priant ma "cu bà" (arrière-grand-mère) de me faire parvenir indemne au terme de mon voyage. Je la soup-çonne d'ailleurs d'avoir pris le volant, car comment mon chauffeur aurait-il pu à la fois manier trois téléphones et circuler sans encombre dans le flot anarchique qui nous entourait !
Petits métiers !
Il y a toujours ces "bà" (dames) du marché qui règnent sur leurs étals comme des princesses douairières ! Mais elles sont de plus en plus repoussées dans quelques quartiers de banlieues où résistent les vieux marchés d'antan, ou encore dans le grand marché Dông Xuân. Là, elles continuent à compter leurs liasses de billets, à écrire minutieusement sur des vieux cahiers chaque transaction, chaque dông entré, chaque dông sorti ! Toujours aussi plantureuses, elles conservent leur langage coloré, souvent trivial, qui pourrait faire frémir de honte les moustaches de militaires de carrière ! Toujours aussi avenantes quand elles font une bonne affaire, et toujours aussi grognons quand l'affaire n'est pas à leur avantage, elles perpétuent cette truculence villageoise qui a traversé les siècles. Ailleurs, quand les modernes supermarchés ont pris la place, les "bà" sont remplacées par d'accortes jeunettes qui, machine électronique à l'appui, encaissent les dôngs du client avec force sourire. L'opération est certes plus séduisante, mais tellement plus aseptisée…
On croise toujours les porteuses à la palanche qui parcourent la ville du matin au soir pour tenter de vendre les produits qu'elles sont allées chercher à l'aube au marché de Long Biên. Courbées sous le poids des paniers, elles sinuent de leur démarche chaloupée au milieu des badauds et des passants, faisant encore la joie de voyageurs qui prennent la pose, coiffés du "nón" (chapeau conique), en leur accordant parfois quelques milliers de dôngs pour leur avoir fait croire pendant quelques instants qu'au Vietnam, les marchandises con-tinuaient à se déplacer à dos de femme !
On voit encore circuler les cyclo-pousse, qui hèlent le client pour de courtes promenades dans la vieille ville. Image fugace d'un temps révolu dont le chemin se confond avec celui des bus électriques et silencieux qui promènent les touristes sans effort…
On voit encore au carrefour et le long de la rue Hàng Da les scieurs de planche qui, scie à la main, attendent accroupis à l'ombre des maisons celui qui aura besoin de leur dextérité.
On voit toujours les cireurs de chaussures qui viennent proposer leurs services à la terrasse des restaurants modernes. Et qu'importe que vous portiez des sandales en toile !
Tout bouge, tout change, mais à celui qui sait voir, le Vietnam reste éternel !
Gérard Bonnafont/CVN
24/72011
source http://lecourrier.vnagency.com.vn/default.asp?page=newsdetail&newsid=74114
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Date d'inscription : 31/05/2009
arrête de te la jouer !
Sous tous les cieux du monde, il existe des personnes qui ont besoin d'afficher les signes de leur richesse ou de leur différence. On désigne communément cela par un terme précis : la frime ! Au Vietnam où l'apparence est d'importance, la frime est un art ! Un art que j'admire, mi-amusé, mi-agacé…
Attention, prenez garde de chercher dans un dictionnaire la traduction littérale de "frime" en vietnamien. Vous trouveriez à coup sûr la traduction suivante : "bê ngoài gia dôi", qui signifie "apparence trompeuse". Or, la frime dont je veux parler dans cette tranche de vie n'a rien de trompeur ou de faux ! Le mot vietnamien qui se rapprocherait le plus du sens de "frime", tel que je l'entends, serait : "tu phu", qui signifie "prétentieux" ! Cette attitude qui consiste à vouloir montrer de façon ostentatoire ce que l'on possède et que l'autre n'a pas, en pensant être admiré… Tout le con-traire de la modestie, en somme ! Il existe plusieurs sortes de frime et plusieurs façons de frimer. Petit tour d'horizon…
Plein la vue !
La frime hormonale est sans doute la plus répandue et la plus universelle. Elle concerne cet âge de l'adolescence, où pour s'affirmer garçons et filles choisissent d'affecter des attitudes et des apparences outrancières… qui parfois frisent le ridicule.
Je ne peux m'empêcher de m'esclaffer en mon for intérieur, quand je croise ces jeunes filles à la chevelure teinte d'un blond qui leur donne l'impression de s'être douchées à l'eau oxygénée. Le jaune paille va si mal à leur carnation mate et à leurs iris de jais que je m'interroge sur l'alchimie des messages subliminaux qui leur ont donné si mauvais sens de l'esthétique !
Pour les garçons, cette frime adolescente capillaire se présente sous différentes apparences. Horripilation qui consiste à redresser les cheveux avec force profusion de gel, ou tonsure monacale, ne laissant subsister qu'un toupet devant le crâne, ou encore gallinacé qui conjugue les deux précédentes pour former une crête. Et si l'on ajoute à ceci la combinaison des formes de coiffure avec les teintures possibles, on obtient un éventail de possibles qui agrémentent la circulation routière. Car bien entendu, comme nos sommes dans la frime, il faut que ça se voie, donc surtout pas de casques qui masqueraient ces preuves d'affirmation de soi ! Et je dois avouer que si cette absence de protection crânienne est dangereuse, elle me vaut de passer des moments agréables, quand je suis à l'arrêt à des feux de signalisation, à voir passer sous mes yeux ce kaléidoscope d'art capillaire. Car, c'est aussi une caractéristique de la frime hormonale que de ne pas respecter les consignes élémentaires du Code de la route, et si je n'étais mêlé au flot des véhicules, je me tiendrais les côtes de rire à voir ces apprentis adultes se déhancher sur leurs motos pétaradantes, zigzaguant au risque de leur vie, pour montrer à la terre entière que eux, ils savent piloter une moto ! Et que ce n'est pas une bête feu rouge ou un stupide sens interdit qui va les arrêter ! Surtout si derrière eux se tient une jeune fille en pleine frime hormonale, également, qui est fière de montrer que son "mec" à elle, il sait piloter une moto, lui !
C'est à moi !
Une autre frime qui me fait sourire avec commisération, c'est la frime amoureuse. Certes, le fait de marquer son territoire en tenant fermement par l'épaule ou par la taille la personne qui nous permet de constituer un couple, momentané ou permanent, est fréquent en Occident. Par contre, il est extrêmement rare en Asie et au Vietnam en particulier : pudeur oblige…
Et pourtant, depuis quelques mois je vois fleurir ces couples qui brinquebalent dans les rues encombrées, quadripodes malhabiles qui, pour montrer leur union, ne veulent pas se désunir aux yeux du monde ! Qu'importe le regard courroucé de tenants de la tradition, qu'importe la sueur qui coule entre les corps entrelacés (à 35°C et l'humidité, l'amour a des limites), qu'importe la surface occupée sur le trottoir…, il faut montrer que l'on s'aime !
Moi qui croyais que pour vivre heureux, il fallait vivre caché, il faut que je révise mes proverbes ! Il y a une frime amoureuse plus subtile, mais tout autant distrayante à observer. C'est celle qui consiste à avoir à ses côtés, mais le plus souvent derrière soi, une créature superbe, à robe épousant le corps ou à short épousant peu de peau, en chaussures à talon le plus haut possible, et à la promener dans les restaurants, en ville, dans les soirées, bref, partout où l'on doit être vu. Cette frime-là est doublement amusante. D'abord par le spectacle charmant qu'elle offre et par l'illustration qu'elle donne de ce proverbe vietnamien : "À défaut d'éléphant, on prend le buffle pour animal le plus gros" !
T'en as pas une comme ça !
Une autre frime m'agace davantage. C'est la frime mécanique ! Il y a bien l'expression "Rouler des mécaniques", qui caractérise ceux ou celles qui ont tellement peu confiance en eux et tellement peur des autres qu'ils se sentent obligés d'occuper plus d'espace que ce dont ils ont besoin. Comportement vieux comme le monde que de nombreuses proies choisissent pour faire fuir leurs prédateurs. Celle-là me dérange peu, sauf quand le chien du voisin aboie comme un forcené, parce qu'il a une peur bleue de moi depuis que je l'ai arrosé avec le jet glacé pour tempérer ses ardeurs amoureuses avec ma chienne !
Non, celle qui m'ennuie, c'est celle qui consiste à montrer son ascension sociale ! Tant qu'il ne s'agissait que de circuler sur la dernière moto à la mode, rutilante de chrome et fardée de décalcomanies, ça m'importunait peu. D'autant plus que ces véhicules tendent à être moins bruyants et plus sûrs que des motos plus anciennes…
Mais, est arrivée l'ère de la voiture qui de véhicule utilitaire se transforme peu à peu en véhicule de prestance. Et quand je me trouve au milieu des embouteillages à l'heure de pointe, côtoyant les deux-roues de ceux qui pointent, frères d'inhalation des gaz d'échappement auxquels échappent ceux qui les émettent, je ne peux m'empêcher de penser que si l'apparence peut être trompeuse, elle est bien encombrante !
La frime s'invite jusque dans ma vie familiale… L'autre jour, mon épouse m'a fait part des remarques des voisins qui ne comprennent pas qu'avec un mari étranger elle n'ait pas une moto dernier cri et une voiture…
Il va encore falloir que j'explique encore que je vais bien plus vite en moto qu'en voiture et que ce n'est pas la grosseur qui fait l'efficacité ! Sans frimer…Gérard
BONNAFONT/CVN
11/9/2011
http://lecourrier.vnagency.com.vn/default.asp?page=newsdetail&newsid=75400
Attention, prenez garde de chercher dans un dictionnaire la traduction littérale de "frime" en vietnamien. Vous trouveriez à coup sûr la traduction suivante : "bê ngoài gia dôi", qui signifie "apparence trompeuse". Or, la frime dont je veux parler dans cette tranche de vie n'a rien de trompeur ou de faux ! Le mot vietnamien qui se rapprocherait le plus du sens de "frime", tel que je l'entends, serait : "tu phu", qui signifie "prétentieux" ! Cette attitude qui consiste à vouloir montrer de façon ostentatoire ce que l'on possède et que l'autre n'a pas, en pensant être admiré… Tout le con-traire de la modestie, en somme ! Il existe plusieurs sortes de frime et plusieurs façons de frimer. Petit tour d'horizon…
Plein la vue !
La frime hormonale est sans doute la plus répandue et la plus universelle. Elle concerne cet âge de l'adolescence, où pour s'affirmer garçons et filles choisissent d'affecter des attitudes et des apparences outrancières… qui parfois frisent le ridicule.
Je ne peux m'empêcher de m'esclaffer en mon for intérieur, quand je croise ces jeunes filles à la chevelure teinte d'un blond qui leur donne l'impression de s'être douchées à l'eau oxygénée. Le jaune paille va si mal à leur carnation mate et à leurs iris de jais que je m'interroge sur l'alchimie des messages subliminaux qui leur ont donné si mauvais sens de l'esthétique !
Pour les garçons, cette frime adolescente capillaire se présente sous différentes apparences. Horripilation qui consiste à redresser les cheveux avec force profusion de gel, ou tonsure monacale, ne laissant subsister qu'un toupet devant le crâne, ou encore gallinacé qui conjugue les deux précédentes pour former une crête. Et si l'on ajoute à ceci la combinaison des formes de coiffure avec les teintures possibles, on obtient un éventail de possibles qui agrémentent la circulation routière. Car bien entendu, comme nos sommes dans la frime, il faut que ça se voie, donc surtout pas de casques qui masqueraient ces preuves d'affirmation de soi ! Et je dois avouer que si cette absence de protection crânienne est dangereuse, elle me vaut de passer des moments agréables, quand je suis à l'arrêt à des feux de signalisation, à voir passer sous mes yeux ce kaléidoscope d'art capillaire. Car, c'est aussi une caractéristique de la frime hormonale que de ne pas respecter les consignes élémentaires du Code de la route, et si je n'étais mêlé au flot des véhicules, je me tiendrais les côtes de rire à voir ces apprentis adultes se déhancher sur leurs motos pétaradantes, zigzaguant au risque de leur vie, pour montrer à la terre entière que eux, ils savent piloter une moto ! Et que ce n'est pas une bête feu rouge ou un stupide sens interdit qui va les arrêter ! Surtout si derrière eux se tient une jeune fille en pleine frime hormonale, également, qui est fière de montrer que son "mec" à elle, il sait piloter une moto, lui !
C'est à moi !
Une autre frime qui me fait sourire avec commisération, c'est la frime amoureuse. Certes, le fait de marquer son territoire en tenant fermement par l'épaule ou par la taille la personne qui nous permet de constituer un couple, momentané ou permanent, est fréquent en Occident. Par contre, il est extrêmement rare en Asie et au Vietnam en particulier : pudeur oblige…
Et pourtant, depuis quelques mois je vois fleurir ces couples qui brinquebalent dans les rues encombrées, quadripodes malhabiles qui, pour montrer leur union, ne veulent pas se désunir aux yeux du monde ! Qu'importe le regard courroucé de tenants de la tradition, qu'importe la sueur qui coule entre les corps entrelacés (à 35°C et l'humidité, l'amour a des limites), qu'importe la surface occupée sur le trottoir…, il faut montrer que l'on s'aime !
Moi qui croyais que pour vivre heureux, il fallait vivre caché, il faut que je révise mes proverbes ! Il y a une frime amoureuse plus subtile, mais tout autant distrayante à observer. C'est celle qui consiste à avoir à ses côtés, mais le plus souvent derrière soi, une créature superbe, à robe épousant le corps ou à short épousant peu de peau, en chaussures à talon le plus haut possible, et à la promener dans les restaurants, en ville, dans les soirées, bref, partout où l'on doit être vu. Cette frime-là est doublement amusante. D'abord par le spectacle charmant qu'elle offre et par l'illustration qu'elle donne de ce proverbe vietnamien : "À défaut d'éléphant, on prend le buffle pour animal le plus gros" !
T'en as pas une comme ça !
Une autre frime m'agace davantage. C'est la frime mécanique ! Il y a bien l'expression "Rouler des mécaniques", qui caractérise ceux ou celles qui ont tellement peu confiance en eux et tellement peur des autres qu'ils se sentent obligés d'occuper plus d'espace que ce dont ils ont besoin. Comportement vieux comme le monde que de nombreuses proies choisissent pour faire fuir leurs prédateurs. Celle-là me dérange peu, sauf quand le chien du voisin aboie comme un forcené, parce qu'il a une peur bleue de moi depuis que je l'ai arrosé avec le jet glacé pour tempérer ses ardeurs amoureuses avec ma chienne !
Non, celle qui m'ennuie, c'est celle qui consiste à montrer son ascension sociale ! Tant qu'il ne s'agissait que de circuler sur la dernière moto à la mode, rutilante de chrome et fardée de décalcomanies, ça m'importunait peu. D'autant plus que ces véhicules tendent à être moins bruyants et plus sûrs que des motos plus anciennes…
Mais, est arrivée l'ère de la voiture qui de véhicule utilitaire se transforme peu à peu en véhicule de prestance. Et quand je me trouve au milieu des embouteillages à l'heure de pointe, côtoyant les deux-roues de ceux qui pointent, frères d'inhalation des gaz d'échappement auxquels échappent ceux qui les émettent, je ne peux m'empêcher de penser que si l'apparence peut être trompeuse, elle est bien encombrante !
La frime s'invite jusque dans ma vie familiale… L'autre jour, mon épouse m'a fait part des remarques des voisins qui ne comprennent pas qu'avec un mari étranger elle n'ait pas une moto dernier cri et une voiture…
Il va encore falloir que j'explique encore que je vais bien plus vite en moto qu'en voiture et que ce n'est pas la grosseur qui fait l'efficacité ! Sans frimer…Gérard
BONNAFONT/CVN
11/9/2011
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Insensibles, s'abstenir !
Vivre au Vietnam, c'est être confronté à une mystérieuse alchimie qui exacerbe les sens. Chaque jour, chaque seconde transmute la moindre sensation en une forme de communion avec nos émotions. Vous trouvez que je suis un peu trop dithyrambique ? Et pourtant, il suffit de vivre ici pour s'apercevoir qu'il est impossible de rester insensible à nos perceptions…
Écoute !
Les bruits du Vietnam ! Ce sont mille touches sonores qui s'attachent à nous comme autant de mémoires subtiles, cacophonie organisée qui signe des lieux ou des moments différents et uniques. C'est le brouhaha incessant de la ville, où les pétarades des motos répondent aux vrombissements des voitures. Ce sont les cris des enfants qui jouent dans la cour de l'école voisine, les voix fortes des commères qui s'interpellent, les appels répétés des vendeurs ambulants qui viennent s'immiscer jusque dans ma ruelle. C'est le journal radiophonique diffusé au petit matin par les haut-parleurs qui veillent en sentinelle dans chaque quartier. C'est la note stridente des klaxons tantôt impatients, tantôt implorants. C'est l'aboiement des chiens dérangés dans leur sommeil par un passant inconnu ou un noctambule égaré. Ce sont les claquements sourds du marteau du menuisier ou les morsures grinçantes de la scie du ferronnier là-bas au bout de la rue…
Mais c'est aussi le sifflement du mainate perché dans sa cage au balcon d'une vieille maison, le cliquètement sec du margouillat qui se cache derrière le rideau. Ce sont les coassements des crapauds blottis dans la rizière qui trouble la nuit de ce petit village niché au fond d'une vallée. C'est le bruit lancinant des gouttes de pluie qui s'écrasent sur la toiture de latanier de cette petite maison dans la montagne. C'est le battement monotone du pilon hydraulique à riz, installé à l'entrée du village. C'est le vent qui gronde en s'engouffrant dans les voiles de la jonque qui zigzague entre les îlots des grandes baies. C'est une symphonie qui conjugue le passé, le présent et l'avenir et qui berce ma vie chaque jour…
Regarde !
Mais, le Vietnam c'est aussi un nuancier de couleurs. Le rouge lumineux des fleurs de flamboyant autour du lac Hoàn Kiêm (au cœur de Hanoi), ou le rouge pourpre des haies d'hibiscus sur cette route de campagne. C'est aussi le rouge et or des pagodes et des temples, qui dessinent des animaux fabuleux sur les pilastres et les boiseries. C'est le vert tendre des épis de riz à peine levés qui se conjuguent avec le vert luisant des bananiers ou le vert profond des grands aréquiers. C'est l'ocre des grands fleuves tumultueux qui charrient la glèbe dans leurs flancs. C'est le blanc immaculé des áo dài que portent les lycéennes de Huê (Centre). C'est le bleu lumineux des ciels de printemps qui s'étirent au-dessus du vert topaze de la Mer Orientale. Ce sont les couleurs chatoyantes des fruits et des légumes qui s'entassent sur les étals des marchés de villages. C'est le jaune vieil or des anciennes maisons coloniales. C'est l'indigo des robes et des jupes évasées des habitants de ces villages des montagnes du Nord. C'est une myriade de couleurs qui dansent à mes yeux quand je pense à ce pays.
Goûte !
Le Vietnam, c'est encore ces saveurs écrites au détour de moment de convivialité. Le goût astringent du thé artichaut dégusté à petites gorgées brûlantes. Le goût sucré-amer de l'ananas sculpté avec art pour retirer son écorce, et dans lequel on mord avec délice au bord de la route. C'est le goût piquant du gingembre ou du piment qui donne à la cuisine un tempérament de feu. Ce sont les saveurs fruitées de la lime ou de la citronnelle qui se conjuguent harmonieusement avec le sel du nuoc mam (saumure de poisson). C'est le goût citronné de la coriandre qui s'invite à tous les repas. C'est ce mélange des contraires, sucré-salé, chaud-froid, piquant-doux, qui déconcerte nos papilles avant de les emmener dans une découverte subtile du ying et du yang !
Respire !
Le Vietnam, c'est encore ces odeurs qui surprennent, étonnent ou agacent ! À tout seigneur, tout honneur : le nuoc mam, entêtant et si étrange à des narines occidentales. Son odeur indocile s'évade des grandes jarres de saumure et s'invite dans les restaurants, de la plus humble gargote aux plus grandes tables. Mais j'emporte avec moi d'autres odeurs plus subtiles. L'odeur envoûtante des fleurs de frangipaniers, qui tombent en neige au printemps. L'odeur de la terre qui s'exhale après une pluie torrentielle, quand le soleil revenu aspire en grandes volutes diaphanes l'humidité du sol. L'odeur des fruits frais cueillis à l'arbre dans le jardin indiscipliné de la maison familiale. Le fumet remarquable du pho matinal, servi sur des tables basses au bord du trottoir. L'odeur iodée des coquillages et crustacés entassés dans des paniers dans ces petits ports de pêche. L'odeur boisée de l'encens que l'on fait brûler devant les pagodes. Je retrouve ici toutes ces odeurs, découvertes enfant chez les marchands d'épices et qui me faisaient rêver à d'impossibles voyages au bout du monde…
Touche !
Le Vietnam, c'est enfin un pays où l'on fait corps avec les cinq éléments. Le feu du soleil qui brûle la peau quand on l'affront aux heures chaudes de la journée, et nous oblige à nous réfugier sous la fraîcheur des ombrages des grands banians. Le vent qui tour à tour caresse nos joues quand il nous accompagne dans d'interminables randonnées en moto, ou fouette notre sang quand il se transforme en ouragan furieux, nous faisant frissonner de crainte. L'eau d'une pluie chaude qui se déverse en cataracte, liquéfiant hommes et choses dans un monde sans horizon. La terre qui se fait tendre au fond de la rizière comme pour mieux embrasser dans la même étreinte l'homme et la plante qu'elle nourrit, mais aussi la terre qui se fait dure, sèche et craquelée sous un ciel impitoyable et qui vibre sous les pas pesants des buffles qui rentrent au bercail.
Autant de sensations qui donnent une sensualité à fleur de peau…!
Gérard BONNAFONT/CVN
18/9/2011
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Écoute !
Les bruits du Vietnam ! Ce sont mille touches sonores qui s'attachent à nous comme autant de mémoires subtiles, cacophonie organisée qui signe des lieux ou des moments différents et uniques. C'est le brouhaha incessant de la ville, où les pétarades des motos répondent aux vrombissements des voitures. Ce sont les cris des enfants qui jouent dans la cour de l'école voisine, les voix fortes des commères qui s'interpellent, les appels répétés des vendeurs ambulants qui viennent s'immiscer jusque dans ma ruelle. C'est le journal radiophonique diffusé au petit matin par les haut-parleurs qui veillent en sentinelle dans chaque quartier. C'est la note stridente des klaxons tantôt impatients, tantôt implorants. C'est l'aboiement des chiens dérangés dans leur sommeil par un passant inconnu ou un noctambule égaré. Ce sont les claquements sourds du marteau du menuisier ou les morsures grinçantes de la scie du ferronnier là-bas au bout de la rue…
Mais c'est aussi le sifflement du mainate perché dans sa cage au balcon d'une vieille maison, le cliquètement sec du margouillat qui se cache derrière le rideau. Ce sont les coassements des crapauds blottis dans la rizière qui trouble la nuit de ce petit village niché au fond d'une vallée. C'est le bruit lancinant des gouttes de pluie qui s'écrasent sur la toiture de latanier de cette petite maison dans la montagne. C'est le battement monotone du pilon hydraulique à riz, installé à l'entrée du village. C'est le vent qui gronde en s'engouffrant dans les voiles de la jonque qui zigzague entre les îlots des grandes baies. C'est une symphonie qui conjugue le passé, le présent et l'avenir et qui berce ma vie chaque jour…
Regarde !
Mais, le Vietnam c'est aussi un nuancier de couleurs. Le rouge lumineux des fleurs de flamboyant autour du lac Hoàn Kiêm (au cœur de Hanoi), ou le rouge pourpre des haies d'hibiscus sur cette route de campagne. C'est aussi le rouge et or des pagodes et des temples, qui dessinent des animaux fabuleux sur les pilastres et les boiseries. C'est le vert tendre des épis de riz à peine levés qui se conjuguent avec le vert luisant des bananiers ou le vert profond des grands aréquiers. C'est l'ocre des grands fleuves tumultueux qui charrient la glèbe dans leurs flancs. C'est le blanc immaculé des áo dài que portent les lycéennes de Huê (Centre). C'est le bleu lumineux des ciels de printemps qui s'étirent au-dessus du vert topaze de la Mer Orientale. Ce sont les couleurs chatoyantes des fruits et des légumes qui s'entassent sur les étals des marchés de villages. C'est le jaune vieil or des anciennes maisons coloniales. C'est l'indigo des robes et des jupes évasées des habitants de ces villages des montagnes du Nord. C'est une myriade de couleurs qui dansent à mes yeux quand je pense à ce pays.
Goûte !
Le Vietnam, c'est encore ces saveurs écrites au détour de moment de convivialité. Le goût astringent du thé artichaut dégusté à petites gorgées brûlantes. Le goût sucré-amer de l'ananas sculpté avec art pour retirer son écorce, et dans lequel on mord avec délice au bord de la route. C'est le goût piquant du gingembre ou du piment qui donne à la cuisine un tempérament de feu. Ce sont les saveurs fruitées de la lime ou de la citronnelle qui se conjuguent harmonieusement avec le sel du nuoc mam (saumure de poisson). C'est le goût citronné de la coriandre qui s'invite à tous les repas. C'est ce mélange des contraires, sucré-salé, chaud-froid, piquant-doux, qui déconcerte nos papilles avant de les emmener dans une découverte subtile du ying et du yang !
Respire !
Le Vietnam, c'est encore ces odeurs qui surprennent, étonnent ou agacent ! À tout seigneur, tout honneur : le nuoc mam, entêtant et si étrange à des narines occidentales. Son odeur indocile s'évade des grandes jarres de saumure et s'invite dans les restaurants, de la plus humble gargote aux plus grandes tables. Mais j'emporte avec moi d'autres odeurs plus subtiles. L'odeur envoûtante des fleurs de frangipaniers, qui tombent en neige au printemps. L'odeur de la terre qui s'exhale après une pluie torrentielle, quand le soleil revenu aspire en grandes volutes diaphanes l'humidité du sol. L'odeur des fruits frais cueillis à l'arbre dans le jardin indiscipliné de la maison familiale. Le fumet remarquable du pho matinal, servi sur des tables basses au bord du trottoir. L'odeur iodée des coquillages et crustacés entassés dans des paniers dans ces petits ports de pêche. L'odeur boisée de l'encens que l'on fait brûler devant les pagodes. Je retrouve ici toutes ces odeurs, découvertes enfant chez les marchands d'épices et qui me faisaient rêver à d'impossibles voyages au bout du monde…
Touche !
Le Vietnam, c'est enfin un pays où l'on fait corps avec les cinq éléments. Le feu du soleil qui brûle la peau quand on l'affront aux heures chaudes de la journée, et nous oblige à nous réfugier sous la fraîcheur des ombrages des grands banians. Le vent qui tour à tour caresse nos joues quand il nous accompagne dans d'interminables randonnées en moto, ou fouette notre sang quand il se transforme en ouragan furieux, nous faisant frissonner de crainte. L'eau d'une pluie chaude qui se déverse en cataracte, liquéfiant hommes et choses dans un monde sans horizon. La terre qui se fait tendre au fond de la rizière comme pour mieux embrasser dans la même étreinte l'homme et la plante qu'elle nourrit, mais aussi la terre qui se fait dure, sèche et craquelée sous un ciel impitoyable et qui vibre sous les pas pesants des buffles qui rentrent au bercail.
Autant de sensations qui donnent une sensualité à fleur de peau…!
Gérard BONNAFONT/CVN
18/9/2011
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Date d'inscription : 31/05/2009
Mais t'y trouves quoi ?
Un proverbe qui dit "L'herbe est toujours plus verte dans le pré du voisin" signe que l'on trouve plus d'attrait à ce que nous n'avons pas qu'à ce que nous possédons. De là à quitter son pré pour aller dans celui du voisin, il n'y a qu'un pas ou qu'une haie à franchir…
Quand j'ai quitté les bords de la Seine pour me poser sur les rives du fleuve Rouge, il y avait sans doute, outre le plaisir de retrouver des racines éloignées, celui de vérifier si le vert des rizières était plus beau que celui des champs de luzerne. Si le saut de quelques fuseaux horaires a été plus long que celui du ruisseau qui me séparait de la maison voisine, pas un seul instant je ne regrette de l'avoir fait !
Pas monotone…
Nombreuses sont les personnes qui se demandent ce que je peux bien trouver de si intéressant au Vietnam. Car enfin, j'ai laissé derrière moi un pays tempéré, qui peut s'enorgueillir d'avoir des paysages et des types de fromages aussi variés que le nombre de légumes dans un minestrone provençal. Comment pouvais-je abandonner les brumes d'automne des bords de Loire, les pistes étincelantes des neiges d'hiver, les violettes et les muguets du printemps, les rivages ensoleillés de la Riviera ? Et tout ça, pour un pays de pluies diluviennes, de chaleur accablante, de jungle grouillante de serpents, et de rizière encombrée par des buffles vindicatifs, où seule la baie de Ha Long paraît digne d'intérêt parce qu'elle permet de rêver à des croisières romantiques…
À ces personnes, lorsqu'elles me posent cette question, je réponds invariablement que l'idée qu'ils se font du Vietnam est à la réalité ce que la saccharose est au sucre : un succédané qui en a seulement le goût et l'apparence… Certes de temps à autre, le ciel ouvre ses vannes, et je comprends pourquoi les Gaulois n'auraient jamais pu vivre ici, craintifs qu'ils étaient que le ciel ne leur tombe sur la tête ! Mais, non seulement cette eau céleste n'est pas froide, mais en plus elle n'arrête pas le pèlerin qui enfile simplement son imperméable et continue à vaquer à ses occupations, en sachant bien qu'après la pluie vient le beau temps. Et quel beau temps ! Un soleil vigoureux qui sèche en un rien de temps ce que dame la pluie s'est évertuée à mouiller…
Bon, je vous accorde qu'au zénith, l'astre des jours a tendance à se la jouer en transformant les rues en fournaise. Mais si cela n'était pas, aurais-je autant de plaisir à me prélasser dans un hamac suspendu entre deux troncs d'aréquiers, en dégustant un ananas juteux ? Comme je les aime ces moments où la chaleur anesthésie le temps, où l'imagination vagabonde au rythme de ses pensées, tandis que le corps s'alourdit pour n'assurer que les fonctions minimales de circulation et de ventilation...
Pour tout dire, j'adore cette nonchalance de début d'après-midi des chaudes journées où l'on sacrifie à ce rite qui fait rêver nombre d'Occidentaux : la sieste ! La vraie, pas la petite, volée à un emploi du temps surchargé, sur une banquette de voiture ou la tête sur des bras croisés. La vraie, celle qui déplie les nattes, enlève les chaussures et ferme les yeux pendant au moins une heure, sans honte, ni fausse pudeur…
Vous en connaissez beaucoup de camions du côté des routes occidentales, qui arborent de magnifiques hamacs suspendus sous la carrosserie pour permettre au chauffeur de faire la sieste à l'ombre de son véhicule ? Quant à la jungle grouillante de serpents, si elle recouvre de-ci de-là quelques sommets montagneux, ou si elle vient border quelque route étroite, jamais je ne la fréquente. Si je m'aventure, ce n'est pas plus loin que dans le petit village qui groupe en rond ses petites maisons aux toits de lataniers, en lisière d'une végétation impraticable pour quiconque n'a pas le pied sûr du montagnard. Et si serpents il y a, depuis de nombreuses années que je suis dans ce pays, les seuls que j'ai vus se trouvaient tronçonnés en morceaux panés, grillés, bouillis ou sautés dans mon assiette...
Le Vietnam, ce n'est pas la jungle féroce des films d'horreur où les anacondas et les crocodiles ingurgitent à en avoir la nausée d'imprudents explorateurs !
Pas banal !
Et si les buffles font partie du paysage au même titre que le "nón" ce chapeau pointu caractéristique du paysan des deltas, ils ne sont pas vindicatifs tant s'en faut. Combien de fois en ai-je croisé, au détour d'une promenade qui d'un pas placide, de braves bovins satisfaits du devoir accompli cheminaient vers leur abri au crépuscule venant, conduits par un enfant débonnaire qui s'en faisait obéir d'un simple claquement de langue ou d'un coup de vergette bien sentie…
Quant aux paysages, le Vietnam a largement de quoi satisfaire le plus éclectique des voyageurs : des rizières des deltas à celles en terrasse des montagnes, des vastes étendues d'hévéas ou de caféiers des hauts plateaux du Centre aux champs de théiers de la moyenne Région, des immenses plages de sable blanc du littoral aux criques des îles de la Mer Orientale, des petites vallées cachant des rivières capricieuses aux grands fleuves qui s'étirent paresseusement dans les larges plaines… Parcourir le Vietnam, c'est mettre ses pas dans une mosaïque de tableaux tout droit sortis de livres d'images !
Mais au-delà du spectacle de la nature, il y a la rencontre d'un peuple et des étonnements sans cesse renouvelés. Jamais je ne me lasserais de pouvoir sourire à toute personne que je croise dans la rue, et qui me le rend avec autant de naturel, même le policier qui assure la circulation au coin du boulevard ! Jamais je ne fatiguerais de cette intimité collective qui rend la vie en société si déconcertante, quand tout se voit mais rien ne se dit, quand tout se dit mais sans le dire, quand tout se voit sans le montrer ! Jamais je ne cesserais d'admirer cette capacité à ne pas s'énerver même quand on est en colère, à ne pas vouloir perdre la face tout en cherchant à s'imposer, à ne rien imposer tout en arrivant à ces fins...
Pour ceux qui doutent de l'efficacité de ce type de comportement dans la vie quotidienne, je cite l'exemple de la personne à qui je dois envoyer ma chronique hebdomadaire au journal. Depuis des années, elle me demande de respecter un délai d'au moins une semaine pour tenir compte des impératifs d'impression. Depuis des années, je lui envoie seulement 48 heures avant que ne tourne les rotatives. En d'autres lieux, du côté du café de Flore, je me serais vertement fait réprimander au risque de me voir menacer d'ostracisme. Ici, le ton reste calme au point que je me sens tellement coupable d'inquiéter une si aimable personne que j'en arrive à expédier mon article 72 heures avant !!!
Et vous voudriez que je n'aime pas ce pays là !?
Gérard BONNAFONT/CVN
16/10/2011
http://lecourrier.vnagency.com.vn/default.asp?page=newsdetail&newsid=76353
Quand j'ai quitté les bords de la Seine pour me poser sur les rives du fleuve Rouge, il y avait sans doute, outre le plaisir de retrouver des racines éloignées, celui de vérifier si le vert des rizières était plus beau que celui des champs de luzerne. Si le saut de quelques fuseaux horaires a été plus long que celui du ruisseau qui me séparait de la maison voisine, pas un seul instant je ne regrette de l'avoir fait !
Pas monotone…
Nombreuses sont les personnes qui se demandent ce que je peux bien trouver de si intéressant au Vietnam. Car enfin, j'ai laissé derrière moi un pays tempéré, qui peut s'enorgueillir d'avoir des paysages et des types de fromages aussi variés que le nombre de légumes dans un minestrone provençal. Comment pouvais-je abandonner les brumes d'automne des bords de Loire, les pistes étincelantes des neiges d'hiver, les violettes et les muguets du printemps, les rivages ensoleillés de la Riviera ? Et tout ça, pour un pays de pluies diluviennes, de chaleur accablante, de jungle grouillante de serpents, et de rizière encombrée par des buffles vindicatifs, où seule la baie de Ha Long paraît digne d'intérêt parce qu'elle permet de rêver à des croisières romantiques…
À ces personnes, lorsqu'elles me posent cette question, je réponds invariablement que l'idée qu'ils se font du Vietnam est à la réalité ce que la saccharose est au sucre : un succédané qui en a seulement le goût et l'apparence… Certes de temps à autre, le ciel ouvre ses vannes, et je comprends pourquoi les Gaulois n'auraient jamais pu vivre ici, craintifs qu'ils étaient que le ciel ne leur tombe sur la tête ! Mais, non seulement cette eau céleste n'est pas froide, mais en plus elle n'arrête pas le pèlerin qui enfile simplement son imperméable et continue à vaquer à ses occupations, en sachant bien qu'après la pluie vient le beau temps. Et quel beau temps ! Un soleil vigoureux qui sèche en un rien de temps ce que dame la pluie s'est évertuée à mouiller…
Bon, je vous accorde qu'au zénith, l'astre des jours a tendance à se la jouer en transformant les rues en fournaise. Mais si cela n'était pas, aurais-je autant de plaisir à me prélasser dans un hamac suspendu entre deux troncs d'aréquiers, en dégustant un ananas juteux ? Comme je les aime ces moments où la chaleur anesthésie le temps, où l'imagination vagabonde au rythme de ses pensées, tandis que le corps s'alourdit pour n'assurer que les fonctions minimales de circulation et de ventilation...
Pour tout dire, j'adore cette nonchalance de début d'après-midi des chaudes journées où l'on sacrifie à ce rite qui fait rêver nombre d'Occidentaux : la sieste ! La vraie, pas la petite, volée à un emploi du temps surchargé, sur une banquette de voiture ou la tête sur des bras croisés. La vraie, celle qui déplie les nattes, enlève les chaussures et ferme les yeux pendant au moins une heure, sans honte, ni fausse pudeur…
Vous en connaissez beaucoup de camions du côté des routes occidentales, qui arborent de magnifiques hamacs suspendus sous la carrosserie pour permettre au chauffeur de faire la sieste à l'ombre de son véhicule ? Quant à la jungle grouillante de serpents, si elle recouvre de-ci de-là quelques sommets montagneux, ou si elle vient border quelque route étroite, jamais je ne la fréquente. Si je m'aventure, ce n'est pas plus loin que dans le petit village qui groupe en rond ses petites maisons aux toits de lataniers, en lisière d'une végétation impraticable pour quiconque n'a pas le pied sûr du montagnard. Et si serpents il y a, depuis de nombreuses années que je suis dans ce pays, les seuls que j'ai vus se trouvaient tronçonnés en morceaux panés, grillés, bouillis ou sautés dans mon assiette...
Le Vietnam, ce n'est pas la jungle féroce des films d'horreur où les anacondas et les crocodiles ingurgitent à en avoir la nausée d'imprudents explorateurs !
Pas banal !
Et si les buffles font partie du paysage au même titre que le "nón" ce chapeau pointu caractéristique du paysan des deltas, ils ne sont pas vindicatifs tant s'en faut. Combien de fois en ai-je croisé, au détour d'une promenade qui d'un pas placide, de braves bovins satisfaits du devoir accompli cheminaient vers leur abri au crépuscule venant, conduits par un enfant débonnaire qui s'en faisait obéir d'un simple claquement de langue ou d'un coup de vergette bien sentie…
Quant aux paysages, le Vietnam a largement de quoi satisfaire le plus éclectique des voyageurs : des rizières des deltas à celles en terrasse des montagnes, des vastes étendues d'hévéas ou de caféiers des hauts plateaux du Centre aux champs de théiers de la moyenne Région, des immenses plages de sable blanc du littoral aux criques des îles de la Mer Orientale, des petites vallées cachant des rivières capricieuses aux grands fleuves qui s'étirent paresseusement dans les larges plaines… Parcourir le Vietnam, c'est mettre ses pas dans une mosaïque de tableaux tout droit sortis de livres d'images !
Mais au-delà du spectacle de la nature, il y a la rencontre d'un peuple et des étonnements sans cesse renouvelés. Jamais je ne me lasserais de pouvoir sourire à toute personne que je croise dans la rue, et qui me le rend avec autant de naturel, même le policier qui assure la circulation au coin du boulevard ! Jamais je ne fatiguerais de cette intimité collective qui rend la vie en société si déconcertante, quand tout se voit mais rien ne se dit, quand tout se dit mais sans le dire, quand tout se voit sans le montrer ! Jamais je ne cesserais d'admirer cette capacité à ne pas s'énerver même quand on est en colère, à ne pas vouloir perdre la face tout en cherchant à s'imposer, à ne rien imposer tout en arrivant à ces fins...
Pour ceux qui doutent de l'efficacité de ce type de comportement dans la vie quotidienne, je cite l'exemple de la personne à qui je dois envoyer ma chronique hebdomadaire au journal. Depuis des années, elle me demande de respecter un délai d'au moins une semaine pour tenir compte des impératifs d'impression. Depuis des années, je lui envoie seulement 48 heures avant que ne tourne les rotatives. En d'autres lieux, du côté du café de Flore, je me serais vertement fait réprimander au risque de me voir menacer d'ostracisme. Ici, le ton reste calme au point que je me sens tellement coupable d'inquiéter une si aimable personne que j'en arrive à expédier mon article 72 heures avant !!!
Et vous voudriez que je n'aime pas ce pays là !?
Gérard BONNAFONT/CVN
16/10/2011
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Date d'inscription : 31/05/2009
le plein, SVP !
Pouvait-il l'imaginer ce dinosaure du jurassique que 150 millions d'années plus tard, il m'aiderait à découvrir le Vietnam ? Et surtout à faire le plein d'émotions à chaque plein d'essence !
Pour quiconque vit au Vietnam, il est aisé de constater la place importante que tient la moto dans la vie quotidienne. Même si la voiture s'invite de plus en plus dans le concert du déplacement motorisé, la moto reste le moyen privilégié pour se promener, aller au travail, transporter gens, meubles et animaux. On la bichonne, on la nettoie, on la protège. La nuit elle partage le logis familial, le jour elle est confiée à l'œil vigilant de gardiens de parking. L'architecture locale a même créé la rampe intégrée à l'escalier pour lui permettre de franchir les étages ou les seuils de porte. Bref, il n'est pas trop de dire qu'au fil des ans, la moto vietnamienne est devenue un animal domestique !
Mais, qui dit moto, dit moteur à combustion interne. Qui dit moteur, dit carburant. Qui dit carburant, dit essence. Qui dit essence, dit poste à essence… Et c'est là que l'aventure commence !
En bouteille…
La petite aiguille qui s'agite sur le cadran de mon tableau de bord flirte avec la zone rouge depuis quelques kilomètres. Signe de "déshydratation" de l'engin qui me transporte. Si je ne veux pas me transformer en piéton-pousseur, je dois rapidement étancher sa soif d'hydrocarbure et trouver un bistrot à moto sous forme de pompe à essence. Seulement voilà, dans ce quartier de la ville, les édicules munis d'un tuyau salvateur sont aussi rares qu'une molaire dans la mâchoire d'un édenté (Pour une fois, laissons les chauves tranquilles !)
Devrais-je me résoudre au pire : la perte définitive de mon honneur, en m'exténuant à pousser une bête machine devenue impuissante à cause de mon impéritie ? Car c'est bien cela qui me guette : m'exposer au regard moqueur de tous ceux qui me passeront sous le nez au guidon de leur monture repue, et qui, eux, n'auront pas à suer sang et eau sous un casque inutile, parce qu'ils ont su maîtriser les arcanes subtiles de la formule suivante : contenance du réservoir - (vitesse x [distance parcourue + distance à parcourir]) = nombre de litres d'essence nécessaire !
Je ressens déjà la honte de la panne en public quand je me souviens que je suis au Vietnam, pays où rien n'est impossible… Puisque les pompes à essence me snobent, je vais m'en passer ! Fort de cette décision, mon regard longe le trottoir jusqu'à repérer, après une centaine de mètres, une bouteille en plastique verdâtre, qui se dresse au bord de la rue. Le touriste de passage pourrait n'y voir qu'un déchet de la société de consommation négligemment oublié ici, au mépris de toute règle écologique. Mais pour l'œil avisé de celui qui habite ici, ce modeste objet de polyéthylène téréphtalique est mon sauveur, car il me signale un poste à essence…
En effet, il me suffit de m'arrêter à côté de la bouteille pour qu'aussitôt une dame aux charmes aussi opulents que matures surgisse du porche de la maison qui me fait face pour me proposer ses services… Qu'on ne s'y trompe pas ! L'accorte personne n'est là que pour étancher la soif de mon engin à deux-roues : dépannage d'essence, et non des sens !!!
D'un geste autoritaire, elle m'enjoint de descendre de moto pour que je puisse relever ma selle et découvrir le réservoir qui se blottit en dessous. Avec une dextérité consommée, elle y introduit un entonnoir, calaminé d'expérience, et y déverse les deux litres de carburant d'un bidon de détergent reconverti en citerne à essence. Dans ce type d'opération, il est inutile de vérifier combien de litres sont en réalité transvasées dans le réservoir.
En effet, j'ai eu quelquefois l'outrecuidance de faire observer que le bidon me paraissait plutôt avoir une contenance d'un litre et demi, et à chaque fois j'ai eu la même réponse accompagnée d'un regard courroucé : le bidon fait deux litres et il est plein au départ, deux postulats de base que je n'ai pas à remettre en question, donc puisque le contenu est passé du bidon à mon réservoir, il y a deux litres d'essence dans ce dernier ! Point final, payez, et circulez, il n'y a rien à voir…! Donc, maintenant j'accepte cet axiome éminemment culturel : 1,5 litre x (1,5 le prix du litre) = le prix de 2 litres… Et qu'importe que Thalès ou Pythagore se retournent dans leurs tombes, ces mathématiques là me permettent de sauver la face et de continuer ma route !
Embouteillages !
À côté de ces haltes à essence, on peut trouver de vraies pompes à essence, alignées en rang d'oignons, avec de vrais pompistes à l'uniforme de la compagnie pétrolière. À la campagne, elles ont tendance à pousser comme champignons après la pluie, surgissant parfois au milieu de nulle part, plantée au bord de la route, isolées parmi les rizières, observées du coin de l'œil par des buffles apparemment impavides, mais sans aucun doute inquiets de ces vigies modernes qui pourraient sonner le glas de leur utilité comme moteur animal, pour les renvoyer au simple rôle de garde-manger sur pattes ! En général, l'affluence y est rare, et faire le plein dans ces stations, c'est aussi prendre le temps de faire le vide dans les toilettes attenantes…Mais en ville, c'est une toute autre histoire ! La station à essence en ville c'est le summum de la convivialité à la vietnamienne ! Tout se passe très bien à condition de respecter quatre règles d'or :
Ce n'est pas parce que j'arrive avant mon voisin, que je vais passer avant lui !
Ce n'est pas parce que mon voisin téléphone pendant le plein, que tout va exploser !
Ce n'est pas parce que je suis servi que je dois prendre le temps de refermer mon réservoir et ranger ma monnaie !
Ce n'est pas parce qu'il y a un sens de distribution qu'il est respecté !
En fonction de ces quatre règles, il suffit d'intégrer le chaos organisé qui caractérise cet endroit…et chacun à sa façon de faire. En ce qui me concerne, lorsque j'arrive dans la file, je descends de moto et je m'arrange pour que ma roue avant soit tournée de manière à éviter que mon suivant ne devienne mon précédent. Dans le même temps, avec ma roue avant, je serre mon précédent de manière à ce que même une mouche ne puisse s'insérer entre nous deux. Dès que le précédent avance, je le suis au millimètre près. Sans relâcher mon attention, je débloque d'une geste rapide ma selle, que je relève tout en maintenant l'équilibre de ma moto et en surveillant du coin de l'œil mon précédent et mon suivant. Au moment où j'arrive devant la pompe à essence, je m'empresse de me glisser le plus près possible d'elle, tout en enlevant prestement le bouchon du réservoir. Tandis que le pompiste, masqué pour se protéger des vapeurs, fait le plein, je retiens ma moto d'une main, et de l'autre, je prépare mes billets. Quand le pompiste raccroche, en un clin d'œil, et d'une seule main, je referme réservoir et selle, et empoche la monnaie. Ensuite, je m'empresse de pousser ma moto pour éviter que mon suivant, avide d'étancher sa soif, ne transforme mon garde-boue, en bas de caisse arrière ! Et après avoir franchi deux ou trois mètres à pied, j'enfourche ma moto et je mets les gaz pour fuir la joyeuse pagaille… en évitant ceux qui arrivent à contresens ! J'aurai mis moins de temps à faire le plein que dans une station-service aux quais bien organisés…!
Monotone la vie au Vietnam ? Jamais.
Gérard BONNAFONT
Courrier du Vietnam 4/12/2011
Pour quiconque vit au Vietnam, il est aisé de constater la place importante que tient la moto dans la vie quotidienne. Même si la voiture s'invite de plus en plus dans le concert du déplacement motorisé, la moto reste le moyen privilégié pour se promener, aller au travail, transporter gens, meubles et animaux. On la bichonne, on la nettoie, on la protège. La nuit elle partage le logis familial, le jour elle est confiée à l'œil vigilant de gardiens de parking. L'architecture locale a même créé la rampe intégrée à l'escalier pour lui permettre de franchir les étages ou les seuils de porte. Bref, il n'est pas trop de dire qu'au fil des ans, la moto vietnamienne est devenue un animal domestique !
Mais, qui dit moto, dit moteur à combustion interne. Qui dit moteur, dit carburant. Qui dit carburant, dit essence. Qui dit essence, dit poste à essence… Et c'est là que l'aventure commence !
En bouteille…
La petite aiguille qui s'agite sur le cadran de mon tableau de bord flirte avec la zone rouge depuis quelques kilomètres. Signe de "déshydratation" de l'engin qui me transporte. Si je ne veux pas me transformer en piéton-pousseur, je dois rapidement étancher sa soif d'hydrocarbure et trouver un bistrot à moto sous forme de pompe à essence. Seulement voilà, dans ce quartier de la ville, les édicules munis d'un tuyau salvateur sont aussi rares qu'une molaire dans la mâchoire d'un édenté (Pour une fois, laissons les chauves tranquilles !)
Devrais-je me résoudre au pire : la perte définitive de mon honneur, en m'exténuant à pousser une bête machine devenue impuissante à cause de mon impéritie ? Car c'est bien cela qui me guette : m'exposer au regard moqueur de tous ceux qui me passeront sous le nez au guidon de leur monture repue, et qui, eux, n'auront pas à suer sang et eau sous un casque inutile, parce qu'ils ont su maîtriser les arcanes subtiles de la formule suivante : contenance du réservoir - (vitesse x [distance parcourue + distance à parcourir]) = nombre de litres d'essence nécessaire !
Je ressens déjà la honte de la panne en public quand je me souviens que je suis au Vietnam, pays où rien n'est impossible… Puisque les pompes à essence me snobent, je vais m'en passer ! Fort de cette décision, mon regard longe le trottoir jusqu'à repérer, après une centaine de mètres, une bouteille en plastique verdâtre, qui se dresse au bord de la rue. Le touriste de passage pourrait n'y voir qu'un déchet de la société de consommation négligemment oublié ici, au mépris de toute règle écologique. Mais pour l'œil avisé de celui qui habite ici, ce modeste objet de polyéthylène téréphtalique est mon sauveur, car il me signale un poste à essence…
En effet, il me suffit de m'arrêter à côté de la bouteille pour qu'aussitôt une dame aux charmes aussi opulents que matures surgisse du porche de la maison qui me fait face pour me proposer ses services… Qu'on ne s'y trompe pas ! L'accorte personne n'est là que pour étancher la soif de mon engin à deux-roues : dépannage d'essence, et non des sens !!!
D'un geste autoritaire, elle m'enjoint de descendre de moto pour que je puisse relever ma selle et découvrir le réservoir qui se blottit en dessous. Avec une dextérité consommée, elle y introduit un entonnoir, calaminé d'expérience, et y déverse les deux litres de carburant d'un bidon de détergent reconverti en citerne à essence. Dans ce type d'opération, il est inutile de vérifier combien de litres sont en réalité transvasées dans le réservoir.
En effet, j'ai eu quelquefois l'outrecuidance de faire observer que le bidon me paraissait plutôt avoir une contenance d'un litre et demi, et à chaque fois j'ai eu la même réponse accompagnée d'un regard courroucé : le bidon fait deux litres et il est plein au départ, deux postulats de base que je n'ai pas à remettre en question, donc puisque le contenu est passé du bidon à mon réservoir, il y a deux litres d'essence dans ce dernier ! Point final, payez, et circulez, il n'y a rien à voir…! Donc, maintenant j'accepte cet axiome éminemment culturel : 1,5 litre x (1,5 le prix du litre) = le prix de 2 litres… Et qu'importe que Thalès ou Pythagore se retournent dans leurs tombes, ces mathématiques là me permettent de sauver la face et de continuer ma route !
Embouteillages !
À côté de ces haltes à essence, on peut trouver de vraies pompes à essence, alignées en rang d'oignons, avec de vrais pompistes à l'uniforme de la compagnie pétrolière. À la campagne, elles ont tendance à pousser comme champignons après la pluie, surgissant parfois au milieu de nulle part, plantée au bord de la route, isolées parmi les rizières, observées du coin de l'œil par des buffles apparemment impavides, mais sans aucun doute inquiets de ces vigies modernes qui pourraient sonner le glas de leur utilité comme moteur animal, pour les renvoyer au simple rôle de garde-manger sur pattes ! En général, l'affluence y est rare, et faire le plein dans ces stations, c'est aussi prendre le temps de faire le vide dans les toilettes attenantes…Mais en ville, c'est une toute autre histoire ! La station à essence en ville c'est le summum de la convivialité à la vietnamienne ! Tout se passe très bien à condition de respecter quatre règles d'or :
Ce n'est pas parce que j'arrive avant mon voisin, que je vais passer avant lui !
Ce n'est pas parce que mon voisin téléphone pendant le plein, que tout va exploser !
Ce n'est pas parce que je suis servi que je dois prendre le temps de refermer mon réservoir et ranger ma monnaie !
Ce n'est pas parce qu'il y a un sens de distribution qu'il est respecté !
En fonction de ces quatre règles, il suffit d'intégrer le chaos organisé qui caractérise cet endroit…et chacun à sa façon de faire. En ce qui me concerne, lorsque j'arrive dans la file, je descends de moto et je m'arrange pour que ma roue avant soit tournée de manière à éviter que mon suivant ne devienne mon précédent. Dans le même temps, avec ma roue avant, je serre mon précédent de manière à ce que même une mouche ne puisse s'insérer entre nous deux. Dès que le précédent avance, je le suis au millimètre près. Sans relâcher mon attention, je débloque d'une geste rapide ma selle, que je relève tout en maintenant l'équilibre de ma moto et en surveillant du coin de l'œil mon précédent et mon suivant. Au moment où j'arrive devant la pompe à essence, je m'empresse de me glisser le plus près possible d'elle, tout en enlevant prestement le bouchon du réservoir. Tandis que le pompiste, masqué pour se protéger des vapeurs, fait le plein, je retiens ma moto d'une main, et de l'autre, je prépare mes billets. Quand le pompiste raccroche, en un clin d'œil, et d'une seule main, je referme réservoir et selle, et empoche la monnaie. Ensuite, je m'empresse de pousser ma moto pour éviter que mon suivant, avide d'étancher sa soif, ne transforme mon garde-boue, en bas de caisse arrière ! Et après avoir franchi deux ou trois mètres à pied, j'enfourche ma moto et je mets les gaz pour fuir la joyeuse pagaille… en évitant ceux qui arrivent à contresens ! J'aurai mis moins de temps à faire le plein que dans une station-service aux quais bien organisés…!
Monotone la vie au Vietnam ? Jamais.
Gérard BONNAFONT
Courrier du Vietnam 4/12/2011
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Date d'inscription : 31/05/2009
Tiens ! Vous voilà…?
Je crois l'avoir déjà dit dans ces lignes : au Vietnam un étranger n'est jamais un inconnu ! Et au risque de me répéter, je voudrais à nouveau témoigner de l'intérêt que peut susciter un Tây (Occidental) quand il vit au Vietnam…
Que l'on ne se méprenne pas ! Quand je parle d'intérêt, il s'agit véritablement de bienveillance, pas de rejet ou de mépris. Ailleurs être l'étranger, l'immigré est souvent considéré comme une vile condition. Il n'est pas d'ici qu'est-ce qu'il vient faire là ? Et, inutile de passer des frontières pour ressentir ce rejet. Il existe encore de nombreux villages où l'accueil se fait par chien ou fourche interposés… Depuis que je vis au Vietnam, rien de tout cela. Étranger je suis, invité je suis…
Alors, ça va ?
Demain ils repartent dans leur pays, ce soir je les invite à dîner dans ce grand restaurant en plein air sur les rives de Hô Tây (lac de l'Ouest), à Hanoi. Mes amis sont subjugués par l'atmosphère irréelle du lieu. Après avoir franchi un pont couvert et traversé une forêt de colonnes impériales rouge et or, nous sommes installés au bord d'un petit étang couvert de lotus. Des centaines de convives circulent entre les immenses buffets dressés de-ci de-là : grillades, hors-d'œuvre, "pho" et "bún" divers, plats cuisinés, crèmes et desserts…
De voir cet étalage de mets tout autant appétissants les uns que les autres me donne l'impression d'être déjà rassasié ! Tandis que mon épouse et ma fille servent de guides culinaires à mes amis, je suis préposé à la garde des sacs à main de ces dames. Garde que je monte de façon nonchalante, confiant que je suis dans la sécurité du lieu… comme dans beaucoup d'autres au Vietnam !
En rêvassant, j'observe le ballet incessant des serveuses qui prêtent mille attentions à remplir les verres et retirer les assiettes vides. L'une d'elles justement s'approche de moi, commande de boisson oblige : "Chào chú ! Vo chú o dâu ?" (Bonjour oncle, votre femme est où ?). Surprise ! Comment cette jeune fille que je n'ai jamais vue peut-elle être informée de ma vie privée ? Et pourquoi ce salut plutôt sympathique, mais familier, alors qu'en d'autres temps elle aurait pu me dire : "Chào ông !" (Bonjour monsieur !) ? Abasourdi, je lui réponds conformément aux règles de politesse vietnamienne : "Chào cháu", et je m'empresse de répondre à sa question par une autre : "Tai sao cháu biêt vo chú ?" (Pourquoi connais-tu ma femme ?). Un grand sourire et la charmante personne me précise qu'elle m'a déjà vu manger ici, en compagnie de ma femme et de ma fille, et qu'elle est surprise de ne pas la voir à mes côtés maintenant. Sur ces mots, comme par magie, les intéressées surgissent, mains encombrées de gourmandises salées et sucrées. Aussitôt (mais devrais-je dire que j'ai l'habitude) la conversation s'engage entre Vietnamiennes, comme si elles étaient de vieilles connaissances. Conversation dont je suis rapidement le centre ! Et si je n'avais été remarqué que par une seule serveuse, j'aurais pu mettre cela sur une marque particulière d'intérêt pour ma personne ; hypothèse sans doute séduisante, mais extrêmement dangereuse avec mon épouse dans les parages !
Mais lorsque j'entreprends, à mon tour, l'expédition aux buffets, je suis interrompu au moins dix fois dans ma quête gastronomique par des salutations cordiales qui s'enquièrent de ma santé et de celle de ma famille. J'ai beau observer et tendre l'oreille, je suis le seul à avoir droit à ces attentions. Loin d'en tirer fierté et plutôt que de me rengorger comme un paon, c'est en faisant profil bas et en rasant les murs que je regagne ma table. Entre deux bouchées, je m'informe auprès de ma femme sur la cause de cette popularité. Aurions-nous payé trois fois le prix habituel, lors de notre dernière incursion en cet endroit ? La vision de nos hôtes serait-elle tant déformée qu'en me voyant ils verraient un top modèle ? La raison est simplissime : je suis étranger et je parle vietnamien ! Deux caractéristiques qui, réunies, suffisent à me faire remarquer…
Trop, c'est trop !
Des étrangers, entre les touristes, les expatriés et les immigrés, il y a de fortes chances d'en rencontrer au Vietnam. Ils sont de moins en moins sujet de curiosité, force de l'habitude étant. Mais ils sont toujours aussi remarquables. Difficile de ne pas les reconnaître ! Même de dos, on peut nous identifier, tellement notre allure, notre démarche, notre façon de nous tenir, paraissent pataudes au regard de la grâce et de la fluidité du Vietnamien. Autre sujet de distinction, notre manque évident de culture ! Tout dans notre façon de parler, de nous comporter, de poser des questions ou d'y répondre, montre combien nous sommes loin de la subtilité des échanges à la vietnamienne et des règles de bienséance…
Alors, forcément, éléphant dans un magasin de porcelaine, nous sommes facilement identifiables. Mais rassurez-vous, cette différence ne se manifeste pas par un rejet comme ce pourrait être le cas ailleurs. Non, ici, il s'agit d'un intérêt spontané, voire même parfois d'admiration pour nos longs nez ou notre peau si blanche ! Principe de base universel : on apprécie souvent ce que l'on ne possède pas !
Mais, si être étranger est déjà remarquable en soi, parler le vietnamien en rajoute encore. D'abord, parce que c'est une merveilleuse occasion de se tenir les côtes de rire en voyant les efforts pathétiques de ces gosiers formés à l'articulation pour prononcer les tons et les phonèmes de cette langue mélodieuse. Ensuite, parce que ça dénote un grand respect de l'étranger pour le pays dans lequel il vit, même provisoirement. Et le grand mot est prononcé : respect. Plus que partout ailleurs, ici le respect est une notion sacrée. Respecter c'est ne pas faire perdre la face, respecter c'est comprendre, respecter c'est savoir vivre…, et respecter c'est être respecté. La plus belle marque de respect étant de vous remarquer et de s'intéresser à vous. Voilà pourquoi, même au milieu de centaines de personnes, même si je n'ai croisé qu'une seule fois une personne, toujours on me manifeste cette marque de respect en me posant des questions qu'en d'autres lieux, nous les Occidentaux, nous pourrions considérer comme de la curiosité !
Heureux alors, me direz-vous ? Ma modestie dût-elle en souffrir, il est vrai qu'être reconnu en tout lieux peut donner le sentiment d'exister en ayant une certaine valeur ! Mais la médaille a son revers : ne jamais passer inaperçu est limitant et peut même entraîner des situations… difficiles ! Par exemple, inutile de penser mener une double vie à l'insu de ma moitié ! Car même sans franchir la ligne jaune, je peux payer cher ma popularité.
En effet, il y a peu, mon épouse devant se rendre en ville, utilise les services d'un "xe ôm". Lequel venant la chercher à domicile, m'aperçoit dans la cour et me salue. À son départ, mon épouse était radieuse, à son retour beaucoup moins. Soucieux de son bien-être, je lui demande ce qui la préoccupe. Erreur ! À question directe, réponse différée… Ça c'est très vietnamien ! Dans l'immédiat, j'ai droit à un "Không sao" (Rien de grave), et quelques heures plus tard dans l'intimité conjugale, la question fuse : "Avec qui es-tu allé au karaoké le mois dernier, en xe ôm ?". Je vous passe les détails de la stupeur qui m'a envahi et les efforts que j'ai dû faire pour prouver que, primo je ne vais jamais au karaoké, secundo j'ai une moto et ça fait des années que je n'ai pas utilisé les services d'un "xe ôm"... Son conducteur de l'après-midi lui avait dit qu'il me connaissait et qu'il m'avait emmené en compagnie d'une jeune fille dans un karaoké, un mois auparavant ! Et, l'étranger parlait vietnamien ! Comble de l'histoire, il avait utilisé les services de ce "xe ôm", à proximité de notre ruelle…
Étranger, mon frère, si tu veux être véritablement respecté et intégré dans ce pays où tu vis, apprends le vietnamien, mais quand tu vas au karaoké en charmante compagnie, évite de prendre le "xe ôm" qui se trouve à côté de chez moi !
Gérard BONNAFONT
(Courrier du Vietnam, 18/12/2011)
Que l'on ne se méprenne pas ! Quand je parle d'intérêt, il s'agit véritablement de bienveillance, pas de rejet ou de mépris. Ailleurs être l'étranger, l'immigré est souvent considéré comme une vile condition. Il n'est pas d'ici qu'est-ce qu'il vient faire là ? Et, inutile de passer des frontières pour ressentir ce rejet. Il existe encore de nombreux villages où l'accueil se fait par chien ou fourche interposés… Depuis que je vis au Vietnam, rien de tout cela. Étranger je suis, invité je suis…
Alors, ça va ?
Demain ils repartent dans leur pays, ce soir je les invite à dîner dans ce grand restaurant en plein air sur les rives de Hô Tây (lac de l'Ouest), à Hanoi. Mes amis sont subjugués par l'atmosphère irréelle du lieu. Après avoir franchi un pont couvert et traversé une forêt de colonnes impériales rouge et or, nous sommes installés au bord d'un petit étang couvert de lotus. Des centaines de convives circulent entre les immenses buffets dressés de-ci de-là : grillades, hors-d'œuvre, "pho" et "bún" divers, plats cuisinés, crèmes et desserts…
De voir cet étalage de mets tout autant appétissants les uns que les autres me donne l'impression d'être déjà rassasié ! Tandis que mon épouse et ma fille servent de guides culinaires à mes amis, je suis préposé à la garde des sacs à main de ces dames. Garde que je monte de façon nonchalante, confiant que je suis dans la sécurité du lieu… comme dans beaucoup d'autres au Vietnam !
En rêvassant, j'observe le ballet incessant des serveuses qui prêtent mille attentions à remplir les verres et retirer les assiettes vides. L'une d'elles justement s'approche de moi, commande de boisson oblige : "Chào chú ! Vo chú o dâu ?" (Bonjour oncle, votre femme est où ?). Surprise ! Comment cette jeune fille que je n'ai jamais vue peut-elle être informée de ma vie privée ? Et pourquoi ce salut plutôt sympathique, mais familier, alors qu'en d'autres temps elle aurait pu me dire : "Chào ông !" (Bonjour monsieur !) ? Abasourdi, je lui réponds conformément aux règles de politesse vietnamienne : "Chào cháu", et je m'empresse de répondre à sa question par une autre : "Tai sao cháu biêt vo chú ?" (Pourquoi connais-tu ma femme ?). Un grand sourire et la charmante personne me précise qu'elle m'a déjà vu manger ici, en compagnie de ma femme et de ma fille, et qu'elle est surprise de ne pas la voir à mes côtés maintenant. Sur ces mots, comme par magie, les intéressées surgissent, mains encombrées de gourmandises salées et sucrées. Aussitôt (mais devrais-je dire que j'ai l'habitude) la conversation s'engage entre Vietnamiennes, comme si elles étaient de vieilles connaissances. Conversation dont je suis rapidement le centre ! Et si je n'avais été remarqué que par une seule serveuse, j'aurais pu mettre cela sur une marque particulière d'intérêt pour ma personne ; hypothèse sans doute séduisante, mais extrêmement dangereuse avec mon épouse dans les parages !
Mais lorsque j'entreprends, à mon tour, l'expédition aux buffets, je suis interrompu au moins dix fois dans ma quête gastronomique par des salutations cordiales qui s'enquièrent de ma santé et de celle de ma famille. J'ai beau observer et tendre l'oreille, je suis le seul à avoir droit à ces attentions. Loin d'en tirer fierté et plutôt que de me rengorger comme un paon, c'est en faisant profil bas et en rasant les murs que je regagne ma table. Entre deux bouchées, je m'informe auprès de ma femme sur la cause de cette popularité. Aurions-nous payé trois fois le prix habituel, lors de notre dernière incursion en cet endroit ? La vision de nos hôtes serait-elle tant déformée qu'en me voyant ils verraient un top modèle ? La raison est simplissime : je suis étranger et je parle vietnamien ! Deux caractéristiques qui, réunies, suffisent à me faire remarquer…
Trop, c'est trop !
Des étrangers, entre les touristes, les expatriés et les immigrés, il y a de fortes chances d'en rencontrer au Vietnam. Ils sont de moins en moins sujet de curiosité, force de l'habitude étant. Mais ils sont toujours aussi remarquables. Difficile de ne pas les reconnaître ! Même de dos, on peut nous identifier, tellement notre allure, notre démarche, notre façon de nous tenir, paraissent pataudes au regard de la grâce et de la fluidité du Vietnamien. Autre sujet de distinction, notre manque évident de culture ! Tout dans notre façon de parler, de nous comporter, de poser des questions ou d'y répondre, montre combien nous sommes loin de la subtilité des échanges à la vietnamienne et des règles de bienséance…
Alors, forcément, éléphant dans un magasin de porcelaine, nous sommes facilement identifiables. Mais rassurez-vous, cette différence ne se manifeste pas par un rejet comme ce pourrait être le cas ailleurs. Non, ici, il s'agit d'un intérêt spontané, voire même parfois d'admiration pour nos longs nez ou notre peau si blanche ! Principe de base universel : on apprécie souvent ce que l'on ne possède pas !
Mais, si être étranger est déjà remarquable en soi, parler le vietnamien en rajoute encore. D'abord, parce que c'est une merveilleuse occasion de se tenir les côtes de rire en voyant les efforts pathétiques de ces gosiers formés à l'articulation pour prononcer les tons et les phonèmes de cette langue mélodieuse. Ensuite, parce que ça dénote un grand respect de l'étranger pour le pays dans lequel il vit, même provisoirement. Et le grand mot est prononcé : respect. Plus que partout ailleurs, ici le respect est une notion sacrée. Respecter c'est ne pas faire perdre la face, respecter c'est comprendre, respecter c'est savoir vivre…, et respecter c'est être respecté. La plus belle marque de respect étant de vous remarquer et de s'intéresser à vous. Voilà pourquoi, même au milieu de centaines de personnes, même si je n'ai croisé qu'une seule fois une personne, toujours on me manifeste cette marque de respect en me posant des questions qu'en d'autres lieux, nous les Occidentaux, nous pourrions considérer comme de la curiosité !
Heureux alors, me direz-vous ? Ma modestie dût-elle en souffrir, il est vrai qu'être reconnu en tout lieux peut donner le sentiment d'exister en ayant une certaine valeur ! Mais la médaille a son revers : ne jamais passer inaperçu est limitant et peut même entraîner des situations… difficiles ! Par exemple, inutile de penser mener une double vie à l'insu de ma moitié ! Car même sans franchir la ligne jaune, je peux payer cher ma popularité.
En effet, il y a peu, mon épouse devant se rendre en ville, utilise les services d'un "xe ôm". Lequel venant la chercher à domicile, m'aperçoit dans la cour et me salue. À son départ, mon épouse était radieuse, à son retour beaucoup moins. Soucieux de son bien-être, je lui demande ce qui la préoccupe. Erreur ! À question directe, réponse différée… Ça c'est très vietnamien ! Dans l'immédiat, j'ai droit à un "Không sao" (Rien de grave), et quelques heures plus tard dans l'intimité conjugale, la question fuse : "Avec qui es-tu allé au karaoké le mois dernier, en xe ôm ?". Je vous passe les détails de la stupeur qui m'a envahi et les efforts que j'ai dû faire pour prouver que, primo je ne vais jamais au karaoké, secundo j'ai une moto et ça fait des années que je n'ai pas utilisé les services d'un "xe ôm"... Son conducteur de l'après-midi lui avait dit qu'il me connaissait et qu'il m'avait emmené en compagnie d'une jeune fille dans un karaoké, un mois auparavant ! Et, l'étranger parlait vietnamien ! Comble de l'histoire, il avait utilisé les services de ce "xe ôm", à proximité de notre ruelle…
Étranger, mon frère, si tu veux être véritablement respecté et intégré dans ce pays où tu vis, apprends le vietnamien, mais quand tu vas au karaoké en charmante compagnie, évite de prendre le "xe ôm" qui se trouve à côté de chez moi !
Gérard BONNAFONT
(Courrier du Vietnam, 18/12/2011)
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Date d'inscription : 31/05/2009
c'est déjà Noël !
À l'heure où paraît ce numéro du Courrier du Vietnam, un des derniers sous sa forme quotidienne, c'est la veille de la fête de Noël avec son cortège de décoration et de cadeaux. Et même si la tradition de Noël est quelque peu éloignée du culte des ancêtres, au Vietnam, Noël est aussi une fête !
À force de le dire chaque année, je vais finir par passer pour un radoteur, mais qu'y puis-je si le Père Noël revient chaque année le 24 décembre : le rouge et blanc a autant droit de cité du côté du lac Hoàn Kiêm (au centre-ville de Hanoi) que du côté des grands boulevards parisiens. Et en l'occurrence, il ne s'agit pas du rouge impérial, mais bien du rouge vermillon du vieux bonhomme à barbe blanche, qui descend du ciel avec des jouets par milliers !
Vive la fête !
Pourtant, le royaume des glaces, les rennes au doux pelage, les sapins enneigés…, autant d'images étrangères au pays du Sud lointain des rizières verdoyantes et des aréquiers enguirlandés de bétel. Ce "miracle" de Noël, le Vietnam le doit à l'esprit festif œcuménique du Vietnamien, qui repose sur un postulat simple : si on fait la fête, on dépense plus, donc c'est bon pour le commerce. Et pour ce qui est de faire la fête, le Vietnamien ne recule devant rien. Déjà, depuis plusieurs années, il a adopté la citrouille et les masques de sorcières d'Halloween, qui envahissent les rues fin octobre… Cette année, il en a rajouté en se convertissant à l'Oktoberfest en début du même mois, où pendant deux jours, les chopes de bière bavaroise se sont entrechoquées au milieu des saucisses blanches et des bretzels !
À la vitesse où va le monde, je m'attends à ce que l'année prochaine, des écoles de samba défilent en petites tenues dans la rue Tràng Tiên et que la nuit soit folle au rythme des cariocas ! En attendant, c'est la tradition de Noël qui s'invite en cette fin d'année. Et, ne seraient-ce les klaxons et les sonorités de la langue locale, on pourrait se croire dans un des nombreux pays d'Europe ou d'Amérique du Nord, tant les magasins, les avenues, les hôtels et les restaurants regorgent de décorations qui n'ont rien à envier à celles de leurs homologues occidentaux. Paradoxes garantit ! Ainsi, cocasses ces sapins de Noël qui, à la devanture des magasins, voisinent avec des áo dài bien d'ici. Surprenantes ces guirlandes chatoyantes qui s'enroulent à côté des lanternes chinoises rouges et or. Curieux cet immense sapin de blanc vêtu qui trône au milieu d'une place et dont la lumière éclipse les flamboyants bien ternes en cette saison…
C'est Noël, et ça se voit ! Même les génies locaux ont du souci à se faire, dont les effigies collées sur les vitrines doivent céder la place au déferlement de rennes tirant des Pères Noël hilares, juchés sur des traîneaux volants. D'ailleurs, sous le dais scintillant des illuminations qui couvrent les grandes rues, des Pères Noël, il y en a des centaines, des milliers. Non, que le Vietnam pratique le clonage, mais tout simplement parce qu'il n'y a pas un coin de rue où l'on ne propose aux jeunes et aux moins jeunes des bonnets rouges de lutins, bordés de coton blanc. Dès lors, c'est une ribambelle de têtes "embonnetées" qui déambulent dans les rues, donnant à Hô Chi Minh-Ville et Hanoi un air de kermesse d'école…
Et bien sûr, ma progéniture n'échappe pas à la frénésie ambiante. Ce soir, je ne risque pas de me faire remarquer, en me promenant avec un des nombreux Pères Noël miniatures à mon bras. Car, le comble, c'est que le temps s'est aussi mis à faire la fête ! Habituellement, il fait plutôt frais à Hanoi en cette période, et on ne s'attarde pas trop à flâner dans les rues le soir venu. Cette année, la douceur est au rendez-vous et, la nuit tombée, les rues hanoïennes sont autant fréquentées que pour la Fête de la mi-automne…
Au pied du sapin !
Mais la fête de Noël, ce n'est pas seulement à l'extérieur. Le Génie du Foyer doit aussi faire place au bonhomme barbu. Sans doute, un petit peu plus dans mon foyer d'expatrié que dans celui de mon voisin hanoïen depuis 20 générations, mais à y regarder de plus près il y a quand même un petit air de fête dans la plupart des maisons : ici ce sont quelques guirlandes qui scintillent dans un salon, là quelques flocons de neige artificielle collés aux vitres, plus loin un petit sapin vert agite ses boules multicolores…
À propos de sapin, une précision importante : le sapin domestique est essentiellement artificiel. Seuls quelques rares sapins s'imposant sur des places publiques peuvent se permettre de perdre leurs aiguilles. Ne voyez pas dans cette ségrégation une quelconque préoccupation pratique du Vietnamien, qui évite la corvée du balayage d'aiguilles après les fêtes. L'explication est plus prosaïque : la sapin morvandiau n'existe pas ici, sauf du côté de la station climatique de Dà Lat (province de Lâm Dông, hauts plateaux du Centre), mais ce sont alors de gigantesques arbres qui auraient peine à entrer dans les maisons.
Ici, les cadeaux se posent au pied du PVC ! Et justement, en parlant de cadeaux, le commerce ne perd pas son droit et les publicités rivalisent de séduction pour ouvrir le coffre à jouets. Véritables joueuses de flûtes, elles attirent à elles les envies enfantines dans l'espoir que dans un élan d'amour démesuré, les porte-monnaie parentaux s'ouvriront à la hauteur des bénéfices escomptés. Déjà que par habitude, j'évite la rue des jouets dans le vieux quartier, ce n'est pas demain que je vais aller y baguenauder, surtout avec ma fille ! Il me faudrait choisir entre le risque d'une amende pour cause de surcharge motocycliste ou le risque de passer pour un père indigne devant les larmes de ma fille qui se verrait refuser LE jouet qu'elle désire absolument et qui s'ajouterait à la longue liste qu'elle m'a déjà remise en main propre depuis plusieurs semaines.
Cependant, la pire des épreuves de Noël reste à venir, et je la redoute tellement que j'en perds l'appétit, état inquiétant à quelques heures du réveillon : cette année encore, je dois "faire le Père Noël" pour les enfants du quartier ! Et de nouveau, alors qu'en Europe, venu de son lointain pays des glaces, le Père Noël sur un traîneau volant tiré par ses rennes magiques distribue aux enfants sages les cadeaux mérités, ici-bas, dans une ruelle d'un quartier de Hanoi, un Père Noël sur une moto conduite par un voisin hilare va faire le tour d'une quinzaine de maisons pour distribuer à des enfants vietnamiens, jouets et bonbons qu'ils attendent avec impatience. Comme l'an dernier, je vais risquer la rupture vertébrale à cause d'une hotte trop lourde, l'étouffement sous une barbe de coton et dans des bottes de faux poils, l'étranglement si mon costume se prend dans les rayons de ma roue…, mais on peut croire au miracle et penser que tout cela n'arrivera pas.
Après tout, c'est Noël, et je vous le souhaite joyeux !
Gérard BONNAFONT/CVN
25/12/2011
http://lecourrier.vnagency.com.vn/default.asp?page=newsdetail&newsid=78300
À force de le dire chaque année, je vais finir par passer pour un radoteur, mais qu'y puis-je si le Père Noël revient chaque année le 24 décembre : le rouge et blanc a autant droit de cité du côté du lac Hoàn Kiêm (au centre-ville de Hanoi) que du côté des grands boulevards parisiens. Et en l'occurrence, il ne s'agit pas du rouge impérial, mais bien du rouge vermillon du vieux bonhomme à barbe blanche, qui descend du ciel avec des jouets par milliers !
Vive la fête !
Pourtant, le royaume des glaces, les rennes au doux pelage, les sapins enneigés…, autant d'images étrangères au pays du Sud lointain des rizières verdoyantes et des aréquiers enguirlandés de bétel. Ce "miracle" de Noël, le Vietnam le doit à l'esprit festif œcuménique du Vietnamien, qui repose sur un postulat simple : si on fait la fête, on dépense plus, donc c'est bon pour le commerce. Et pour ce qui est de faire la fête, le Vietnamien ne recule devant rien. Déjà, depuis plusieurs années, il a adopté la citrouille et les masques de sorcières d'Halloween, qui envahissent les rues fin octobre… Cette année, il en a rajouté en se convertissant à l'Oktoberfest en début du même mois, où pendant deux jours, les chopes de bière bavaroise se sont entrechoquées au milieu des saucisses blanches et des bretzels !
À la vitesse où va le monde, je m'attends à ce que l'année prochaine, des écoles de samba défilent en petites tenues dans la rue Tràng Tiên et que la nuit soit folle au rythme des cariocas ! En attendant, c'est la tradition de Noël qui s'invite en cette fin d'année. Et, ne seraient-ce les klaxons et les sonorités de la langue locale, on pourrait se croire dans un des nombreux pays d'Europe ou d'Amérique du Nord, tant les magasins, les avenues, les hôtels et les restaurants regorgent de décorations qui n'ont rien à envier à celles de leurs homologues occidentaux. Paradoxes garantit ! Ainsi, cocasses ces sapins de Noël qui, à la devanture des magasins, voisinent avec des áo dài bien d'ici. Surprenantes ces guirlandes chatoyantes qui s'enroulent à côté des lanternes chinoises rouges et or. Curieux cet immense sapin de blanc vêtu qui trône au milieu d'une place et dont la lumière éclipse les flamboyants bien ternes en cette saison…
C'est Noël, et ça se voit ! Même les génies locaux ont du souci à se faire, dont les effigies collées sur les vitrines doivent céder la place au déferlement de rennes tirant des Pères Noël hilares, juchés sur des traîneaux volants. D'ailleurs, sous le dais scintillant des illuminations qui couvrent les grandes rues, des Pères Noël, il y en a des centaines, des milliers. Non, que le Vietnam pratique le clonage, mais tout simplement parce qu'il n'y a pas un coin de rue où l'on ne propose aux jeunes et aux moins jeunes des bonnets rouges de lutins, bordés de coton blanc. Dès lors, c'est une ribambelle de têtes "embonnetées" qui déambulent dans les rues, donnant à Hô Chi Minh-Ville et Hanoi un air de kermesse d'école…
Et bien sûr, ma progéniture n'échappe pas à la frénésie ambiante. Ce soir, je ne risque pas de me faire remarquer, en me promenant avec un des nombreux Pères Noël miniatures à mon bras. Car, le comble, c'est que le temps s'est aussi mis à faire la fête ! Habituellement, il fait plutôt frais à Hanoi en cette période, et on ne s'attarde pas trop à flâner dans les rues le soir venu. Cette année, la douceur est au rendez-vous et, la nuit tombée, les rues hanoïennes sont autant fréquentées que pour la Fête de la mi-automne…
Au pied du sapin !
Mais la fête de Noël, ce n'est pas seulement à l'extérieur. Le Génie du Foyer doit aussi faire place au bonhomme barbu. Sans doute, un petit peu plus dans mon foyer d'expatrié que dans celui de mon voisin hanoïen depuis 20 générations, mais à y regarder de plus près il y a quand même un petit air de fête dans la plupart des maisons : ici ce sont quelques guirlandes qui scintillent dans un salon, là quelques flocons de neige artificielle collés aux vitres, plus loin un petit sapin vert agite ses boules multicolores…
À propos de sapin, une précision importante : le sapin domestique est essentiellement artificiel. Seuls quelques rares sapins s'imposant sur des places publiques peuvent se permettre de perdre leurs aiguilles. Ne voyez pas dans cette ségrégation une quelconque préoccupation pratique du Vietnamien, qui évite la corvée du balayage d'aiguilles après les fêtes. L'explication est plus prosaïque : la sapin morvandiau n'existe pas ici, sauf du côté de la station climatique de Dà Lat (province de Lâm Dông, hauts plateaux du Centre), mais ce sont alors de gigantesques arbres qui auraient peine à entrer dans les maisons.
Ici, les cadeaux se posent au pied du PVC ! Et justement, en parlant de cadeaux, le commerce ne perd pas son droit et les publicités rivalisent de séduction pour ouvrir le coffre à jouets. Véritables joueuses de flûtes, elles attirent à elles les envies enfantines dans l'espoir que dans un élan d'amour démesuré, les porte-monnaie parentaux s'ouvriront à la hauteur des bénéfices escomptés. Déjà que par habitude, j'évite la rue des jouets dans le vieux quartier, ce n'est pas demain que je vais aller y baguenauder, surtout avec ma fille ! Il me faudrait choisir entre le risque d'une amende pour cause de surcharge motocycliste ou le risque de passer pour un père indigne devant les larmes de ma fille qui se verrait refuser LE jouet qu'elle désire absolument et qui s'ajouterait à la longue liste qu'elle m'a déjà remise en main propre depuis plusieurs semaines.
Cependant, la pire des épreuves de Noël reste à venir, et je la redoute tellement que j'en perds l'appétit, état inquiétant à quelques heures du réveillon : cette année encore, je dois "faire le Père Noël" pour les enfants du quartier ! Et de nouveau, alors qu'en Europe, venu de son lointain pays des glaces, le Père Noël sur un traîneau volant tiré par ses rennes magiques distribue aux enfants sages les cadeaux mérités, ici-bas, dans une ruelle d'un quartier de Hanoi, un Père Noël sur une moto conduite par un voisin hilare va faire le tour d'une quinzaine de maisons pour distribuer à des enfants vietnamiens, jouets et bonbons qu'ils attendent avec impatience. Comme l'an dernier, je vais risquer la rupture vertébrale à cause d'une hotte trop lourde, l'étouffement sous une barbe de coton et dans des bottes de faux poils, l'étranglement si mon costume se prend dans les rayons de ma roue…, mais on peut croire au miracle et penser que tout cela n'arrivera pas.
Après tout, c'est Noël, et je vous le souhaite joyeux !
Gérard BONNAFONT/CVN
25/12/2011
http://lecourrier.vnagency.com.vn/default.asp?page=newsdetail&newsid=78300
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