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Thaïlande, pays ivre : le royaume peut-il soigner son alcolisme ?

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Thaïlande, pays ivre : le royaume peut-il soigner son alcolisme ? Empty Thaïlande, pays ivre : le royaume peut-il soigner son alcolisme ?

Message  Admin Ven 7 Oct 2011 - 9:47

Avec plus de 14,9 millions de consommateurs réguliers, la Thaïlande est l’une des nations qui consomment le plus d’alcool au monde et est même la première dans la zone Asie, devant la Corée et le Japon. Malgré la pression des lobbies industriels, le gouvernement tente d’enrayer l’alcoolisme en mettant en place une batterie de réglementations et de mesures préventives.Mais leur impact sur la population semble limité.
Pendant les quatre premiers jours du nouvel an thaï cette année, 234 personnes sont mortes dans 2 473 accidents de la route, près de 40% desquels ont été imputés à l’abus d’alcool au volant. Ces chiffres, publiés par les autorités thaïlandaises, font état d’un problème connu dans le pays : l’alcoolisme. Près de 15 millions de Thaïlandais (23% de la population) boivent régulièrement des boissons alcoolisées, surtout du whisky. D’après le plus récent rapport annuel( 1) de la Thai Health Promotion Foundation, la consommation d’alcool n’a cessée d’augmenter au cours de ces dernières années, passant de 20,2 litres par an par habitant en moyenne en 1989 à plus de 58 litres en 2009. Ces données placent les Thaïlandais en cinquième position mondiale derrière les Portugais, les Irlandais, les Bahamiens et les Tchèques.

« Les Thaïlandais ont toujours énormément bu : c’est culturel. Mais dans les années 1990 et 2000, le gouvernement a aussi encouragé la population à consommer plus d’alcool pour soutenir les industries nationales, explique Theera Watcharapranee, le directeur de l’association StopDrink basée à Bangkok. C’est grâce au classement planétaire que le gouvernement s’est enfin rendu compte des problèmes liés à l’alcool. Et puis, il a aussi compris les pertes économiques causées par les dépenses de santé, les destructions matérielles à la suite des beuveries, etc. Elles avoisinent les 150 milliards de bahts (3,5 milliards d’euros) par an, soit entre 2 et 3% du PIB. »

Depuis 2001, le ministère de la Santé a empoigné le problème en créant la Thai Health Promotion Foundation, la première organisation gouvernementale autonome d’Asie financée par des taxes prélevées auprès des producteurs et des importateurs d’alcool et de tabac. La fondation doit informer la population et proposer des initiatives politiques en faveur de la santé publique. « Thai Health est à l’origine de nombreux projets de lois », explique Passawee Tapasanan, porte-parole de la fondation. En moins de 10 ans, 24 rapports et études scientifiques ont été publiés afin de donner aux autorités des pistes de réflexion et de mettre en place des mesures de prévention adaptées.

De la prévention ciblée

Selon Thaksaphon Thamarangsi, directeur du Center for Alcohol Studies de Bangkok, les Thaïlandais issus de la classe moyenne et défavorisée sombrent plus facilement dans la dépendance à l’alcool. Lors de la 4ème conférence(2), en 2008, sur les problèmes liés à l’alcoolisme en Thaïlande, l’association StopDrink et la Fondation pour les femmes (FFW), située à Bangkok, ont affirmé que près de 30% des ouvriers issus du milieu rural consomment quotidiennement de l’alcool. « Les personnes boivent pour différentes raisons, certaines par manque d’estime d’ellesmêmes ou pour augmenter leur confiance en soi. C’est leur manière de noyer leur chagrin ou de se prouver quelque chose », explique Wade Dupuis, président d’Alcohol Rehab Thailand, qui dispose de deux centres de réhabilitation situés à Kanchanaburi et à Koh Chang. « Un tiers de ces travailleurs pensent que boire leur permet de devenir viril et un autre tiers imaginent qu’ils seront mieux vus par leur entourage », poursuit Puongpetch Sanisuriwong, responsable des relations internationales de StopDrink.

Afin d’accroître la sensibilisation à l’alcoolisme, le gouvernement et 200 organisations des quatre coins du pays ont eu l’idée, depuis 2003, d’intégrer les campagnes préventives aux fêtes religieuses, parce que 97% de la population du pays est bouddhiste et que l’alcool se consomme volontiers durant ces festivités. « Les Thaïlandais n’ont pas l’habitude de fêter le carême bouddhique (de juillet à octobre), Songkhran (le nouvel an thaïlandais), ou encore le nouvel an chinois en buvant de l’eau », renchérit Theera Watcharapranee. Les campagnes préventives ont été extensives. Selon l’Office national de la statistique (NSO), dès 2006, 91,3% de la population était informée des risques liés à l’absorption d’alcool et 52% des répondants se disaient prêts à modifier leur comportement.


Addiction chez les jeunes

Malgré cette prise de conscience des pouvoirs publics, les campagnes de sensibilisation n’ont jusqu’à aujourd’hui pas permis de faire baisser la consommation d’alcool. Notamment chez les jeunes. Selon une enquête du NSO en 2009, le nombre d’adolescents sous l’emprise de la boisson a augmenté de plus de 70% ces dix dernières années. En cause, les 2 000 supérettes et débits de boissons se situant à proximité des universités, des cinémas, des centres commerciaux et des parcs. « Les adolescents et les jeunes adultes sont devenus la cible privilégiée des producteurs et distributeurs d’alcool », affirme la responsable des relations internationales de StopDrink. Et les fabricants de boissons alcoolisées ne sont pas à court de stratégies pour inciter à consommer. Ainsi, nombreuses sont les marques qui sponsorisent ou organisent des concerts et diffusent leurs messages sur internet, canal privilégié des jeunes, ou sur les lieux de vente (pubs, restaurants, discothèques) en dépêchant des hôtesses-serveuses reconnaissables à leur uniforme sexy aux couleurs de la marque.

Afin d’enrayer ce phénomène, le gouvernement a interdit en 2003 toute publicité télévisée pour des boissons alcoolisées avant 22 heures. « C’est l’heure à laquelle les jeunes regardent le plus la télévision », explique Theera Watcharapranee, directeur de StopDrink. En 2006, un second arrêt interdit l’alcool aux mineurs et n’en autorise la vente qu’entre 11h et 14 heures et de 17 heures à minuit. De plus, les boissons alcoolisées ne peuvent plus être vendues ni consommées dans les établissements scolaires, les parcs ou encore les enceintes administratives, sous peine d’amende.

En parallèle, les associations poursuivent leurs actions. Chaque année, des membres s’immiscent dans les réunions de bizutage de première année à l’université pour informer des risques liés à la consommation excessive d’alcool. Ils tentent aussi de mobiliser les anciens étudiants. Mais l’impact de ces mesures reste faible. Selon Pannapa Kittirattanapaibul, directeur de l’Integrated Management of Alcohol Intervention Programme (IMAIP), interrogé par le Bangkok Post, en 2010, « plus de trois millions de jeunes sont aujourd’hui alcooliques ». C’est pourquoi des associations telles que Stop- Drink et la Fondation pour les femmes préparent de nouvelles campagnes préventives afin de sensibiliser le plus tôt possible les enfants. Des interventions et des activités ludiques (jeux, dessins, chansons) vont être mises en place dans les groupes scolaires.

Des efforts infructueux Dans certains cas, les organisations représentent un réel levier pour l’adoption de nouvelles lois. En 2008, elles ont recueilli 13 millions de signatures pour encourager l’Assemblée nationale à adopter une révision de la réglementation sur la consommation d’alcool (Alcohol Control Act). Depuis, une multitude de décrets ont vu le jour. Les personnes qui boivent de l’alcool à l’intérieur des parcs nationaux risquent un mois de prison et/ou 1 000 bahts d’amende. Les contrôles d’alcotest sont plus fréquents, notamment à la sortie des boîtes de nuit. Et la publicité pour les marques d’alcool a disparu des panneaux d’affichage et des écrans de télévision. Le taux d’alcoolémie toléré est désormais fixé à 0,5 gramme, le même qu’en France. Depuis 2008, les personnes qui enfreignent ces mesures sont emmenées au poste et passent en comparution immédiate. Et les amendes coûtent cher : entre 6 000 et 10 000 bahts. Sans oublier les six mois à deux ans de suspension du permis de conduire et les heures de travaux d’intérêt général. Les étrangers sont soumis aux mêmes conditions. Malgré tous ces efforts, les progrès sont minimes : la conduite en état d’ébriété reste toujours la principale cause des accidents de la route (plus de 60% des cas).

« Les Thaïlandais consomment 7,8 litres d’éthanol par an. Ils en buvaient moins d’un demi-litre il y a quarante ans », affirmait l’an dernier le docteur Thaksaphon Thamarangsi au quotidien français en ligne lemonde.fr. D’après le responsable de Stop- Drink, « les Thaïlandais n’ont jamais bu autant que maintenant » et l'alcool reste la quatrième dépense des ménages après l’alimentation, les transports et divers autres débours cumulés. Les Thaïlandais dédient plus de 1 000 bahts par mois (environ 24 euros) à l'achat de boissons alcoolisées, soit environ 18% du salaire moyen d’un Thaïlandais. À titre de comparaison, les ménages français consacrent en moyenne 1% de leur budget mensuel aux boissons alcoolisées et les Suisses 2%.


Des projets en suspens

À l’automne 2010, le ministère de la Santé a proposé d’imposer aux fabricants de spiritueux d’accoler une étiquette sur leurs bouteilles portant les mots « L’abus d’alcool vous nuit, ainsi qu’à vos enfants et à votre famille ». Une série de six photographies accompagneraient le message : un motard accidenté, l’état d’un foie en phase terminale de cirrhose, un homme malmenant son épouse, etc. Des clichés tout aussi « dissuasifs » ont déjà été apposés sur les paquets de cigarettes dans de nombreux pays (depuis 2005 en Thaïlande), mais pour les boissons alcoolisées, il s’agirait d’une première mondiale. « C’est la mesure la plus extrême que nous ayons jamais vue », a témoigné, dans Le Monde, Brett Bivans, le vice-président de l’International Center for Alcohol Policies (ICAP), une ONG américaine financée par les producteurs d’alcool. Les photographies couvriront 50% de la surface des bouteilles carrées et 30% des bouteilles rondes comme celles de bière ou de vin. Même si le surcoût de l’apposition de ces étiquettes n’est pas exorbitant, les négociations entre le gouvernement et les fabricants sont animées. « Le packaging des bouteilles, considérablement transformé, posera problème pour la vente », estime Theera Watcharapranee de l’association StopDrink. L’industrie manoeuvre pour faire échouer le projet de loi. « Le gouvernement subit la pression des fabricants à cause des taxes qu’il perçoit », dit encore Theera Watcharapranee. Depuis 2009, l’État touche quelque 73 milliards de bahts (1,7 milliard d’euros) de taxes par an sur l’importation des bouteilles d’alcool et leur vente. Sans oublier que de manière générale, dans le royaume, le système de taxation des alcools privilégie les alcools forts. Les producteurs étrangers mais aussi les locaux souhaiteraient remplacer cette pratique par une taxation en fonction du taux d’alcool. Une initiative plus saine qui permettrait de populariser la bière et le vin au détriment des breuvages plus forts, en particulier ceux de ‘fabrication-maison’ (lao khao) et les whiskies locaux genre Mekong et Saengsom.

Cette année, le gouvernement travaille sur un accord de libre-échange avec l’Union européenne, son plus gros importateur d’alcool (80% du total). Les deux parties souhaitent officialiser leurs ententes commerciales. Mais la question de la libre importation des produits alcoolisés et des cigarettes fait débat. Thaksaphon Thamarangsi, chercheur et directeur du Center for Alcohol Studies, affirme qu’alcool et tabac devraient être considérés comme des « produits spéciaux » et ne devraient pas figurer sur la liste des produits bénéficiant des accords de libre-échange. Selon lui, les marques d'alcool importées d'Europe pourraient inciter les Thaïlandais à boire davantage en intensifiant leurs campagnes de marketing. D’autant qu’exemptés de taxes douanières, ces produits seraient meilleur marché et viendraient concurrencer les fabricants locaux. « Le retrait de l’alcool dans ces négociations commerciales ne peut être que bénéfique pour la population », renchérit Puongpetch Sanisuriwong, responsable des relations internationales de StopDrink.

Malgré les craintes et les recommandations des scientifiques et des associations, le gouvernement ne s’est toujours pas prononcé et aucune échéance n’est à l’ordre du jour, ni pour les étiquettes, ni pour l’accord de libre-échange.

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