“Lunes birmanes”, les parias d’Asie du Sud-Est
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“Lunes birmanes”, les parias d’Asie du Sud-Est
Source et planches à découvrir http://www.stickyasia.com/2012/06/08/lunes-birmanes-les-parias-dasie-du-sud-est/
“Nous ne sommes que des illégaux aux yeux du monde. Aucun pays ne se lèvera pour les droits des clandestins. Aucun pays n’en fera une affaire d’État car nous n’avons pas d’État” soupire Kim, cernée par les milices, alors que son groupe de réfugiés birmans tente de s’évader d’un centre de rétention malaisien.
Dans ces Lunes birmanes, n’escomptez pas être protégé par le filtre du dessin. La violence y est là, crue, acérée, de celle qui perce le papier, de celle qui vous poignarde droit au coeur. Rares sont les bandes-dessinées à vous battre ainsi à froid pour vous laisser à terre, le souffle court. Car si les personnages sont fictifs, leurs destins ne le sont pas. Fruit du travail de longue haleine de la journaliste française Sophie Ansel (collaboratrice d’Asies) et du dessinateur espagnol Sam Garcia, Lunes birmanes est un vibrant plaidoyer à la mémoire de ces hommes et femmes des minorités ethniques birmanes espérant échapper à l’adversité en prenant le chemin de l’exil.
"On passe d’un enfer à l’autre. Qui l’aurait cru ?” souffle l’un des personnages tapi dans une cache de Kuala Lumpur. L’ouvrage suit les tribulations de Thazama, un membre de l’ethnie zomi (de la région frontalière de l’Inde et du Bangladesh), de son village natal aux prisons de Mandalay, de sa fuite en Thaïlande à son enrôlement forcé sur des bateaux de pêches thaïlandais, du trafic d’êtres humains des douaniers malaisiens à la fuite sur un bateau de fortune à destination de l’Australie.
Exactions, viols, tortures, drogues, esclavage, travail forcé, assassinats, détentions arbitraires, la litanie pourrait sembler misérabiliste si elle ne recouvrait une réalité très concrète. Car derrière le sort des Chins, Mons, Zomis, Kachins, Rakhines ou Rohingyas (la liste est encore longue), c’est bien la face sombre, vicieuse, de l’Asie du Sud-Est moderne que ces Lunes birmanes donnent à voir : l’impunité des militaires birmans dans les zones tribales, la rutilante modernité malaisienne bâtie sur le sang de réfugiés, les ports de pêches thaïlandais sustentés par des êtres gorgés de métamphétamines pour leur éviter de s’écrouler d’épuisement, les bordels alimentés par des âmes acquéries pour une ridicule poignée de pièces, le sadisme des intouchables services de police…
“Fiction que tout cela”, pouvez-vous pensez. Si besoin est, les anodines photos des parias rencontrés au cours des divers reportages seront là pour vous rappeller que cette bande-dessinée est tissée de tragédies bien réelles. Un coup d’oeil au remarquable travail du photographe thaïlandais Suthep Kritsanavarin sur les Rohingyas empalera vos dernières réserves pour de bon.
“Comme tous les voyageurs [en Birmanie], j’y suis traitée comme une reine étrangère. Une reine bordée, surveillée, écoutée, sollicitée, guidée et emprisonnée dans une bulle dorée de mille merveilles. Aveuglée et protégée des crimes et des vérités” écrit Sophie Ansel en relatant ses premiers voyages dans cette “terre de songes et de magie”. “Dans leur fuite, [ces réfugiés] ont gardé au plus profond de leur coeur les clés pour comprendre leur pays secret : la réalité de la Birmanie se raconte en terres étrangères” conclut-elle un peu plus loin, au terme de ces 200 pages haletantes. À l’heure où les médias sont remplis d’articles laudateurs sur les changements en Birmanie, ces Lunes birmanes sont un éprouvant rappel du long et épineux chemin qui s’ébauche à l’horizon.
Lunes birmanes
Sophie Ansel, Sam Garcia
éd. Delcourt, Paris, 2012, 208 p.
http://www.editions-delcourt.fr/catalogue/bd/lunes_birmanes
A découvrir les premières pages http://www.bdgest.com/preview-1082-BD-lunes-birmanes-recit-complet.html
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Sophie Ansel : « Les réfugiés birmans passent d’un enfer à l’autre »
Sophie Ansel a vécu des années en Asie. Dans Lunes Birmanes, cette journaliste et scénariste de 36 ans raconte l’histoire de Thazama, évadé des prisons birmanes et exilé vers la Thaïlande puis la Malaisie. Un récit poignant dans lequel réalité et fiction s’entremêlent. Pour BoDoï, elle revient sur les rencontres qui l’ont menée sur la piste des réfugiés, et sur sa vision de la Birmanie, toujours appelée Myanmar.
Comment vous êtes-vous intéressée aux réfugiés birmans ?
C’est le hasard du voyage qui m’y a conduite. J’ai arrêté mon travail dans le marketing en 2005. J’habitais alors en Asie depuis quatre ou cinq ans, puis suis partie en Birmanie sans idée préconçue, simplement pour découvrir le pays. Dans l’État Kachin (au nord du pays), j’ai rencontré une famille de Birmans qui m’ont parlé de leur fille, partie vers la Malaisie, et dont ils étaient sans nouvelle depuis quelques semaines. Comme je me sentais proche d’eux et que je devais retourner en Malaisie pour renouveler mon visa, je leur ai proposé de me renseigner sur place. Ce fut une révélation : la Malaisie me semblait très différente sous ce nouveau jour. J’y ai rencontré des réfugiés birmans qui passaient d’un enfer à l’autre. Enfin, je me suis rendue à la frontière malaisienne-thaï où se déroulaient des trafics d’êtres humains. Les témoignages se sont accumulés et j’ai eu envie de raconter cette histoire.
Votre héros principal Thazama existe-t-il ? L’avez-vous rencontré ?
Thazama est une somme de différentes personnes qui m’ont marquée, notamment Habib qui a pris le bateau pour aller en Australie, ou Moonpi qui a passé du temps dans les centres de rétention en Malaisie. Il y a beaucoup de Thazama dans les gens que j’ai rencontrés, à la fois héros et victimes. Un couple m’a particulièrement bouleversée : ils ont vécu une histoire terrible en se retrouvant séparés, au sein d’un même centre de rétention.
Comment avez-vous travaillé avec le dessinateur Sam Garcia pour lui transmettre vos impressions de Birmanie ?
J’avais beaucoup de photos et de vidéos à lui montrer. Parallèlement, nous avons fait des recherches sur les paysages que je souhaitais qu’il retranscrive. Sam était très attentif aux détails et passionné. Certains éléments nous ont servi de guide dans la narration, la force du tigre, par exemple, ce tatouage que porte Thazama. Dans les mails que nous échangions, nous essayions toujours de parler des émotions que nous inspiraient les personnages.
Après un livre puis un film, pourquoi avoir choisi la bande dessinée pour livrer votre témoignage ?
Il était essentiel pour moi d’avoir une espèce de « caméra » pour montrer ce qui se passait dans des zones d’ombres telles que les villes frontalières, où personne n’aurait pu filmer. La bande dessinée, par le coup de crayon de Sam Garcia, m’a permis de poser une caméra invisible dans ces endroits inatteignables, et de transcrire des événements du passé – les manifestations de 1988 par exemple, à la suite desquelles Aung San Suu Kyi fut arrêtée – avec la force du présent.
Quel regard portez-vous sur l’actualité, qui a vu le régime militaire birman se convertir en régime civil et l’opposante Aung San Suu Kyi entrer au Parlement ?
Aung San Suu Kyi est un symbole d’espoir et de force pour beaucoup de fugitifs. Cette femme a fait le choix de ne pas fuir à l’étranger, mais de rester auprès des siens. Son voyage en Europe porte au monde le message d’un long combat pour la liberté mené dans la non-violence. Quant au gouvernement, il a sans doute été effrayé par le Printemps arabe, et a saisi le moment opportun pour devenir un gouvernement civil. Il faut néanmoins rester très vigilant : la Birmanie est composée de nombreuses ethnies, il faut veiller à ce que chacune d’entre elles soit respectée, que leurs différences religieuses ou linguistiques ne soient pas oubliées dans le processus de démocratisation.
Quels sont vos prochains projets ?
J’écris actuellement un livre sur une ethnie birmane très opprimée, l’ethnie Rohingya. J’aimerais aussi réfléchir à un nouveau projet pour la bande dessinée, qui m’a permis une grande liberté d’expression.
source et dessins http://www.bodoi.info/a-la-une/2012-07-09/sophie-ansel-les-refugies-birmans-passent-dun-enfer-a-lautre/59167
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