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Cambodge : Analyse du polpotisme de M JENNAR

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Cambodge : Analyse du polpotisme de M JENNAR Empty Cambodge : Analyse du polpotisme de M JENNAR

Message  samesame Dim 27 Sep 2009 - 4:10

Procès de Kaing
Guek Eav, dit Duch




Déposition du Dr Raoul Marc JENNAR devant la
Chambre de première instance




Monsieur le Président,

Madame et Messieurs les membres de cette Chambre de première instance,



1- C’est avec une grande émotion que j’interviens à cette barre. Emotion
parce que je suis conscient du caractère historique de ce procès. Emotion
parce que nous n’évoquons pas seulement des faits historiques, mais parce
qu’il s’agit de vies et surtout de morts, de souffrances incommensurables et,
au total, de l’apparition, encore une fois, de la barbarie, alors que ma
génération fut bercée par le « plus jamais ça » prononcé par
Sir Hartley Shawcross, le procureur général britannique, dans son
réquisitoire final devant le tribunal de Nuremberg. Aussi, permettez-moi, en
préalable, de m’incliner devant la mémoire des victimes du Kampuchea
démocratique et d’exprimer ma sympathie et ma compassion à l’égard des
survivants.



2- Le totalitarisme de droite a été jugé à Nuremberg et à Tokyo. Le
totalitarisme invoquant des valeurs de gauche n’avait jusqu’ici fait l’objet
d’aucun procès. Voici donc le premier et probablement le seul tribunal où
vont être jugés les crimes d’un totalitarisme appliqué au nom de
l’émancipation des peuples.



3- Je ne suis pas de ceux qui confondent les idéologies et les renvoient
dos à dos. Les racines du communisme n’ont rien de commun avec celles du
fascisme ou du militarisme. Mais lorsque les porteurs d’une idéologie font le
choix de contraindre plutôt que de convaincre, ils se retrouvent dans le
recours à des méthodes identiques et dans une commune aptitude à détruire la
volonté des individus et la dignité qui est en chaque être humain.



4- Il s’agit donc ici et maintenant de juger ce qu’il conviendrait à mes
yeux d’appeler le polpotisme et de vérifier en quoi la mise en œuvre de cette
variante cambodgienne de l’idéologie communiste a conduit à une barbarie qui
justifie les qualifications de crimes contre l’humanité et de violation grave
des Conventions de Genève.



5- Juger donc. Mais juger, n’est-ce pas d’abord comprendre et
expliquer ? N’est-ce pas la vertu première de la Justice que d’expliquer
les comportements afin d’offrir à la société les raisons et les moyens
d’éviter leur répétition ? Jamais mieux qu’aujourd’hui, au Cambodge, ne
s’applique avec pertinence la terrible phrase de Primo Levi, un survivant
d’Auschwitz , « qui ignore son passé se condamne à le
revivre
».



6- Expliquer pour comprendre. Et comme François Bizot l’a fort bien
déclaré ici même, « essayer de comprendre ne signifie pas
pardonner
». Tel sera donc mon propos.



7- Je suis, Monsieur le Président, proposé comme témoin-expert par la
défense, mais je tiens à déclarer que je ne suis pas ici pour défendre un
système qui ne m’inspire que de l’horreur. Je suis ici, et c’est ce à quoi je
vais maintenant m’efforcer, pour tenter d’expliquer un système totalitaire
qui conduit à la barbarie. Je suis ici pour m’efforcer de présenter, selon
les termes de la décision de votre Chambre, « les fondements
théoriques et pratiques du régime de terreur instauré par le PCK et ses
modalités d’application, en précisant dans quelle mesure les autorités de
l’époque ont usé de cette terreur pour diriger le pays et en évoquant les
conséquences de ce système sur les comportements humains
« .




8- J’ai accepté le souhait de la défense de venir devant vous à deux
conditions : que je garde une totale liberté d’expression et que je
puisse rencontrer l’accusé. Je ne crois pas avoir besoin de préciser que ma
parole est libre. Par contre, il me paraît nécessaire de souligner la
pleine coopération de l’accusé qui a répondu à toutes les questions que je
lui ai posées à l’occasion des entretiens que j’ai eu avec lui pendant près
de six mois.



9- Je forme le vœu que mes explications aideront à comprendre ce qu’a si
généreusement reconnu Van Nath, une des victimes de Duch, à savoir comment un
bourreau se retrouve, lui aussi, d’une certaine manière, victime du système
qu’il sert.



10- Un système. Car, vous en conviendrez, il s’agit tout autant de juger
ce système que ceux qui en ont été les exécutants. Il n’est pas possible
d’ignorer qu’on se soit trouvé au Cambodge en présence, de la part d’un petit
groupe d’hommes et de femmes, d’une conspiration criminelle pour asservir
tout un peuple à une organisation décidée à imposer la plus totale forme
d’aliénation qu’une société humaine ait jamais eu à subir. Cette conspiration
a pris naissance dans l’adhésion de ce petit groupe, qui a fourni les futurs
dirigeants du Kampuchea Démocratique, à une idéologie qui au nom de
l’émancipation des peuples s’est traduite par une des formes les plus
implacables de la servitude.



Les antécédents idéologiques



11- Car, et c’est le premier point que je veux soulever, s’agissant des
antécédents idéologiques qui ont inspiré l’Angkar, à l’origine, la référence majeure
pour le PCK, c’est 1917 et ses suites. Pol Pot, dans son célèbre article de
1952 intitulé « Monarchie ou démocratie ? » et publié dans Khemara
Nisset
(« L’Etudiant Khmer »), le bulletin de l’Association des
Etudiants Khmers de Paris, signé « Khmer des origines » (ou
Khmer de souche), ne fait référence ni à la révolution vietnamienne de 1945,
ni à la révolution chinoise de 1949. Il évoque 1917.



12- Je partage avec Steve Heder[1] la conviction que la source première du
communisme cambodgien à la manière de Pol Pot, c’est la révolution
bolchévique. Sans ignorer le rôle des communistes vietnamiens dans la
formation idéologique et militaire des communistes cambodgiens, sans
minimiser l’importance qu’a pu prendre le modèle chinois dans la politique
agraire du Kampuchea démocratique (mis à part un degré de collectivisation et
un démantèlement des familles rurales jamais atteints en Chine), il n’est pas
contestable que, pour ce qui concerne l’organisation politique et en
particulier l’organisation du Parti communiste en ce compris ses règles et
pratiques dans le domaine de la sécurité, l’inspiration est clairement
bolchévique.



13- Le petit groupe qui plus tard va former la direction du Kampuchea
Démocratique, ce sont pour l’essentiel, les membres du Cercle marxiste des
étudiants khmers de Paris, un groupe de discussion fondé en 1951. Plusieurs
d’entre eux étaient à l’époque membres du Parti Communiste Français (PCF).
Or, on le sait, c’est notoire, de tous les Partis communistes actifs dans les
pays occidentaux, le PCF fut le parti le plus inconditionnellement fidèle aux
politiques décidées à Moscou. Il fut le plus fidèle à Staline. Et à l’époque,
plus d’un quart de l’électorat français lui faisait confiance.



14- Les membres du Cercle étaient des participants assidus aux cours de
l’Université Nouvelle du P.C.F et de fidèles lecteurs des brochures de ce
parti et du journal L’Humanité, à l’époque organe du Comité central du
PCF.



15- Il y avait une cellule du PCF à la Maison de l’Indochine de la Cité
universitaire, une résidence pour étudiants. Elle comptait neuf cambodgiens.
Lorsque fut créée la Maison du Cambodge, une cellule semblable fut organisée.
Des Cambodgiens qui habitaient en ville, comme Pol Pot, ont appartenu à la
cellule communiste de leur quartier.



16- Les cours de formation organisés par le PCF contenaient l’historique
de la création de ce parti issu de la volonté d’une majorité de socialistes
d’adhérer à la IIIe Internationale, l’internationale communiste. Or, une
telle adhésion impliquait le respect de 21 conditions édictées par Lénine
lui-même. Et parmi ces 21 conditions, on trouve l’obligation d’appliquer, au
sein du Parti, une « discipline de fer », de soumettre
entièrement la presse et tous les services d’éditions au Comité central du
Parti, d’écarter systématiquement les éléments réformistes et centristes, de
mettre en place une organisation clandestine avec la pratique du secret que
cela implique.



17- Condition n°12 : (…) le Parti communiste ne pourra remplir
son rôle que s’il est organisé de la façon la plus centralisée, si une
discipline de fer confinant à la discipline militaire y est admise et si son
organisme central muni, de larges pouvoirs, exerçant une autorité
incontestée, bénéficie de la confiance unanime des militants
.



18- Condition n°13 : Les Partis communistes des pays où les
communistes militent légalement doivent procéder à des épurations périodiques
de leurs organisations afin d’en écarter les éléments intéressés et
petits-bourgeois
.



19- Il est donc important de noter que les étudiants cambodgiens qui ont
adhéré au PCF ont été formés à l’idée qu’un parti communiste doit pratiquer
une discipline de fer et l’élimination des opposants ou des tièdes.



20- Les interviews de membres encore en vie du Cercle marxiste des
étudiants khmers sont riches en informations pour la question qui nous
occupe. Ils nous apprennent en effet que, parmi des livres de Marx, Lénine,
Staline et Mao, deux ouvrages faisaient l’objet d’une lecture attentive et de
débats passionnés au sein du Cercle



-
de Lénine , L’Etat et la Révolution

-
de Staline : Principes du Léninisme (dans l’édition russe
le titre est Questions du


léninisme
)



21- Dans le premier ouvrage, Lénine affirme la possibilité de faire la
révolution, même en l’absence de prolétariat, pourvu que le peuple dans sa
majorité souffre de l’exploitation et de l’oppression et s’insurge violemment
pour détruire la vieille société et en construire une nouvelle. Dans ce
livre, on trouve également cette idée, reprise par Mao, qu’une fois
renversée, la classe exploiteuse reste encore longtemps plus forte que la
classe qui l’a renversée et que la victoire des forces populaires ne signifie
pas que les forces bourgeoises cessent d’être une menace.



22- Le second ouvrage a ceci de particulier que, selon les propos de
l’accusé lui-même, à partir de 1970, tout nouvel adhérent au PCK devait lire
cette brochure. Or, sous la plume de Staline, on y retrouve au chapitre VIII
consacré au Parti, les fameuses conditions de Lénine pour adhérer à la IIIe
Internationale. On sait que la IIIe Internationale (Komintern, en
russe) a été dissoute en 1943, mais elle a été remplacée en 1947 par le
Kominform. Et les rapports entre l’URSS et les PC des autres pays n’ont pas
été modifiés. La description qui est faite du rôle du Parti mérite qu’on s’y
attarde pour comprendre ce qui a été inculqué aux futurs dirigeants du
Kampuchea Démocratique :



-
le Parti est l’avant-garde du prolétariat qu’il doit guider et
conduire ;

-
le Parti est un tout unique organisé. Sa tâche est d’organiser et
d’encadrer le prolétariat.


Il est l’instrument de la dictature du prolétariat ;

-
le Parti doit être organisé de la façon la plus centralisée et il doit
être régi par « une


discipline de fer touchant de près à la discipline militaire
».



23- Et Staline de citer Lénine lorsqu’il précise que « le centre
du Parti est un organisme jouissant d’une haute autorité, investi de pouvoirs
étendus.
». Selon Staline qui cite Lénine à plusieurs reprises, la
discipline de fer implique :



-
le refus des fractions à l’intérieur du Parti,

-
une obéissance sans faille

-
l’épuration des éléments opportunistes et réformistes. On ne peut
venir à bout de ces


derniers par la lutte idéologique. Il faut s’en débarrasser. Il faut
même « exclure


d’excellents communistes s’ils sont susceptibles d’hésiter
» écrit Lénine.



24- Tel est le modèle de parti communiste qui est enseigné par le PCF aux
membres du Cercle marxiste des étudiants khmers. Parmi les membres de ce
Cercle, il y avait non seulement Pol Pot, Ieng Sary, Ieng Tirith, Hou Yuon,
Khieu Samphan, Mey Mann, Thiounn Mumm, mais pour le cas qui occupe présentement
ce tribunal, il y avait surtout Son Sen.



25- En 1954, Son Sen était membre de la cellule du PCF de la Maison du
Cambodge. Celui qui deviendra membre du bureau permanent du comité central,
vice-premier ministre et ministre de la défense du Kampuchea Démocratique,
commandant en chef de l’Etat major général et à ce titre commandant de toutes
les forces armées et aussi la police politique, le Santebal.



26- Son Sen qui sera membre du Conseil National Suprême, cette
institution créée par les Accords de Paix pour incarner pendant la période de
transition la légitimité et la souveraineté du Cambodge. Son Sen, le mentor
de l’accusé, celui qui l’a formé et qui l’a protégé avant 1975 comme après
1979. Celui qui fut son supérieur hiérarchique pendant les années pour
lesquelles l’accusé est aujourd’hui jugé.



27- Son Sen est présent en France de 1950 à 1956. Il participe aux
activités du Cercles marxiste des étudiants khmers. Il est membre du PCF.
Comme ses camarades, il est plongé dans les débats qui agitent le monde
communiste. Car, que se passe-t-il en ces années d’adhésion au PCF de Son Sen
et d’autres futurs dirigeants du Kampuchea Démocratique ?



28- Voyons d’abord ce qui se passe dans l’empire soviétique. Les procès
de Moscou de 1936 à 1939 avaient prononcé la condamnation à mort des plus
célèbres artisans de la révolution de 1917 et démontré que nul n’est à l’abri
de la justice du Parti. Et voici qu’au moment où Son Sen et les autres sont
initiés au communisme soviétique sont organisés en Europe de l’Est une série
de procès retentissants qui mettent en cause d’authentiques révolutionnaires
au passé quasi héroïque.



29- Fin 1949 se tiennent les procès de Budapest et de Sofia où des dizaines
de dirigeants communistes sont inculpés, torturés et condamnés à mort.



30- En novembre 1952, se tient le procès de Prague, qui vise Rudolf
Slansky, secrétaire général du PCT depuis 1945 ainsi que plusieurs autres
dirigeants du PC et membres du gouvernement, dont Arthur London, qui a laissé
son témoignage sous la forme d’un livre intitulé « L’Aveu ».
Beaucoup étaient des héros de la lutte contre le fascisme, dans les Brigades
internationales en Espagne et dans la Résistance pendant la deuxième guerre
mondiale. Ce procès est le plus important, à la fois par la personnalité des
inculpés, mais aussi par le retentissement qu’ont voulu lui donner les
Soviétiques. Il s’agissait de montrer qu’en ces temps de guerre froide, une
« discipline de fer » s’imposait, qu’il fallait « procéder
à des épurations »
du Parti et que personne, quels que soient son
passé et ses mérites, n’était à l’abri. Ce procès était un message
envoyé à tous les communistes du monde pour qu’ils resserrent les rangs et
servent sans broncher l’Union soviétique. En France, le journal L’Humanité
en relatera toutes les étapes de ce procès et ne cessera d’appeler à la
« vigilance révolutionnaire. »



31- A Paris, le PCF ne veut pas être en reste par rapport à son modèle
soviétique et il va organiser, de septembre à décembre 1952, lui aussi ses
procès. Ceux-ci vont viser, comme en Europe de l’Est, des communistes
au passé héroïque, des acteurs décisifs de la défense de la République
espagnole et de la Résistance à l’occupation allemande.



- Charles Tillon, commandant en chef des Francs-Tireurs Partisans, il a
occupé les plus hautes responsabilités au sein du PCF pendant les années
d’occupation. A la Libération, il est successivement Ministre de l’Air, puis
de l’Armement, puis de la reconstruction.

- André Marty, une figure légendaire du mouvement communiste
international, inspecteur général des Brigades internationales pendant la
guerre d’Espagne, numéro 3 du PCF à la Libération.



32- Certes, à Paris, on n’a pas torturé Tillon et Marty. Et on ne les a
pas exécutés. Mais ils ont subi le même processus de dégradation que celui
mis en œuvre en Europe de l’Est :



- l’humiliation accentuée par la solitude
dans laquelle le Parti place les inculpés en les

dénonçant à leurs
camarades;

-
la négation du présumé coupable dont toute la vie militante est remise
en question ;

-
la calomnie avec des accusations d’espionnage, de trahison, de travail
de sape contre le


parti et le peuple ;

-
l’enfermement dialectique : ou bien le prévenu reconnaît ses
fautes, nie des années de


dévouement, devient son propre accusateur et sert le Parti ou bien il
refuse et il sert


l’ennemi de classe.



C’est ce processus de dégradation qui sera au cœur des méthodes employées
à S21.



33- On s’en rend compte, alors qu’ils séjournent en France, ceux qui vont
devenir les principaux dirigeants du Kampuchea démocratique reçoivent une
éducation politique dont la caractéristique principale est d’être très
largement inspirée par le modèle bolchévique et les pratiques du stalinisme.
Or, comme déjà indiqué, un de ces étudiants cambodgiens est celui qui
deviendra par la suite le mentor, le protecteur et le supérieur hiérarchique
de l’accusé.



34- Si le modèle soviétique constitue incontestablement la plus
importante source idéologique du Kampuchea Démocratique, il ne faut pourtant
pas négliger l’apport des communistes vietnamiens dans le cadre du Parti
Communiste de l’Indochine, puis du Parti vietnamien. L’œuvre théorique de Ho
Chi Minh a été ajoutée aux autres sources du marxisme-léninisme. Mais
rappelons-nous qu’Ho Chi Minh était présent en France, en 1920, au Congrès de
Tours où furent examinées et longuement débattues les 21 conditions imposées
à Lénine pour se constituer en parti communiste reconnu par le Komintern.
L’inspiration idéologique vietnamienne ne se distingue guère de l’inspiration
soviétique. La source vietnamienne reproduit la source soviétique. Elle ne
constitue pas un apport original. Mais il est important de la mentionner,
puisque c’est à cette source vietnamienne que va, à partir de 1950, se former
Nuon Chea qui sera, à partir de septembre 1977, le supérieur hiérarchique
direct de l’accusé. De 1952 à 1955, Nuon Chea recevra une formation politique
intensive au Nord-Vietnam.



On peut, selon moi, expliquer la terreur comme méthode de gouvernement de
trois manières.



Première source de la terreur comme méthode de gouvernement : une
culture de la violence



35- Comme responsable du programme de l’UNESCO « culture de paix au
Cambodge », j’ai été amené à étudier la violence dans la société
cambodgienne produite par les années tragiques de la décennie soixante-dix.
Mais force est de constater que cette violence n’est pas un phénomène
nouveau.



36- C’est un fait historique que la violence politique est inscrite dans
le tissu de la société khmère. Même si on accepte de se limiter à la période
qui commence avec l’indépendance du pays en 1953, le constat est édifiant. Le
parti démocrate d’abord, le parti communiste ensuite ont été successivement
l’objet d’une répression systématique. Des dirigeants politiques, des
journalistes d’opposition ont été assassinés. Des opposants ont été fusillés
et les images de leur exécution étaient présentées ad nauseam (jusqu’à
l’écœurement) aux actualités cinématographiques.



37- L’accusé était trop jeune, au début des années 50, pour garder le
souvenir des violences contre les personnes qui ont abouti à la destruction
du parti démocrate, mais l’assassinat de Nop Bophann, le directeur du journal
de gauche Pracheachon en octobre 1959, l’agression et l’humiliation
publique dont est victime Khieu Samphan alors directeur du journal L’Observateur
en juillet 1960, l’arrestation la même année de tous les éditorialistes de la
presse de gauche dont on apprendra après leur libération qu’ils ont été
torturés, la fermeture des journaux d’opposition, l’assassinat du secrétaire
général du parti communiste en février 1962, les brutalités policières dont
sont victimes les étudiants et les jeunes en général en février 1963, l’exécution
filmée avec force détails de Preap In et présentée aux actualités pendant un
mois en 1964, sont des violences qui ont marqué la jeunesse cambodgienne des
années soixante. A l’époque, l’accusé a vingt ans.



38- Sous Sihanouk, il suffisait de publier un poème du XVIIe siècle
invitant les fonctionnaires à ne pas maltraiter les gens pour se retrouver en
prison.



39- Avec le début de la guerre américaine au Vietnam, la violence va
prendre une ampleur plus grande encore. Elle vient à la fois de l’extérieur
du pays, mais aussi de l’intérieur.



40- Des villages cambodgiens de différentes provinces limitrophes du
Vietnam sont attaqués par les troupes sud-vietnamiennes encadrées par des
officiers américains, causant la mort de centaines de personnes. A partir de
février 1969, avec l’opération baptisée Menu, les bombardiers B52 de
l’US Force vont faire des milliers de victimes civiles.



41- La violence venant des autorités cambodgiennes n’a pas décru pour
autant. La jacquerie paysanne de Samlaut en 1967-1968, récupérée
politiquement par la suite par le PCK, a été l’objet d’une répression d’une
férocité inouïe : villages bombardés, paysans massacrés, prisonniers
torturés ainsi que leur épouse. On a assisté à des exécutions capitales d’une
barbarie sans nom.



42- La violence va prendre une dimension accrue s’il était encore
possible, avec le basculement du pays dans la guerre qui suit le coup d’Etat
proaméricain de mars 1970.



43- Les protestations des adversaires du coup d’Etat sont sauvagement
réprimées et on compte des centaines de morts dans les quatre provinces où
elles ont eu lieu.



44- Des populations civiles sont massacrées pour la seule raison de leur
appartenance ethnique. On assiste à de véritables pogroms de populations
vietnamiennes dont l’ampleur suscitera un temps l’émotion internationale.



45- La violence aveugle des bombardements américains qui s’abattent sur
les villages va s’étendre à l’ensemble du territoire national. Il me semble
important de rappeler ici que nous savons, depuis que le Président Clinton a
ordonné la déclassification des documents relatifs aux bombardements
américains au Cambodge que 2.756.941 tonnes de bombes ont été déversées sur
le Cambodge du 4 octobre 1965 au 15 août 1973 à l’occasion de 230.516 sorties
de bombardiers. Par comparaison, 160.000 tonnes de bombes ont été déversées
sur le Japon de 1942 à 1945 et 1,35 million de tonnes sur l’Allemagne de 1940
à 1945. Dans toute l’histoire de l’humanité, aucun autre pays n’a été autant
bombardé que le Cambodge.



46- Des villes comme Memot et Snuol ont été rasées ; l’université de
Takeo-Kampot a été réduite en cendres. Des milliers de kilomètres de canaux
irrigant les rizières ont été détruits. Les défoliants versés par l’armée
américaine ont empoisonné 150.000 ha de forêts et de plantations d’hévéas.



47- Pendant la guerre 1970-1975, les combats s’accompagnent de violences
extrêmes dans les deux camps : torture systématique, tête coupée, foie
arraché. Comme si désormais, tout était permis, dans un déni total de la
dignité humaine. Le Cambodge est plongé dans la violence jusqu’à
l’incandescence. Les comportements de chacun en sont profondément marqués. Le
règlement violent de toute forme de conflit est devenu une manière d’être et
l’élimination physique la seule forme de résolution d’un conflit.



Deuxième source de la terreur comme méthode de gouvernement : la
culture politique des dirigeants du Kampuchea démocratique



48- Comme je l’ai rappelé, plusieurs des principaux dirigeants du
Kampuchea démocratique ont été formés, notamment en France, à une conception
bolchévique et une pratique stalinienne du communisme. On a vu quels étaient
les principes de Lénine sur le rôle et le fonctionnement du Parti :
discipline de fer et élimination des éléments douteux. « Rechercher
l’ennemi à l’intérieur du Parti » est l’intitulé d’une résolution du
Kominform de novembre 1949. Une directive que Rakosi, le secrétaire général
du PC hongrois qui fut un des instigateurs des procès en Europe de l’Est se
traduisait par la formule : « il est préférable d’arrêter des
innocents que de courir le risque de laisser des coupables en liberté
».
Cette phrase, fut à l’époque publiée par le journal L’Humanité. Sous
le Kampuchea démocratique, elle va se traduire par deux slogans : « Il
vaut mieux arrêter à tort dix personnes que d’en libérer une par
erreur »
ou encore « Il vaut mieux tuer un innocent
que de garder en vie un ennemi ».
On aura noté le glissement
sémantique par lequel on passe de la privation de liberté à l’élimination
physique.



49- Car, comme le rappelle Arthur Koestler dans le Zéro et l’Infini,
lui qui fut membre du Parti communiste allemand de 1931 à 1938 et un des
agents du Komintern, « pour régler une divergence d’opinion, nous ne
connaissons qu’un seul argument : la mort
».



50- La direction du PCK va appliquer au pied de la lettre la conception
soviétique du Parti telle que la plupart de ses membres ont pu l’observer
depuis Paris.



1. Le PCK est dirigé par un centre, « investi de pouvoirs étendus » ;
c’est le comité permanent du comité central composé de 7 personnes et deux
membres suppléants. C’est ce petit groupe qui concentre l’essentiel du
pouvoir. Son Sen en est membre.



Ce comité permanent, dont les membres exercent leur fonction dans un
complexe d’immeubles portant le nom de code « Bureau 870 », assume
en fait toutes les responsabilités conférées par les statuts du PCK au comité
central. Dans tous les domaines (organisation du PCK, administration,
économie, défense, sécurité) le comité permanent exerce une autorité absolue
sur l’appareil d’Etat comme sur l’appareil du Parti, lesquels sont totalement
confondus.



2. Le PCK pratique une « discipline de fer » qui se
traduit par l’élimination des « ennemis de l’intérieur », une
élimination qui n’est pas seulement politique, mais également physique.
Une élimination qui va s’exprimer par un mot : « écraser ».

Ecraser signifie, selon les explications fournies par
l’accusé lui-même, arrêter secrètement une personne, l’interroger en
recourant à la torture, puis l’exécuter secrètement.

Dans un carnet de travail de S21, daté de 1976, que d’aucuns ont appelé
le « manuel de la torture », sur la technique des aveux, on peut
lire que le but est « d’obtenir des aveux avec le plus de
détails possible
». Arthur London, qui a survécu au procès de Prague,
rappelle dans son livre « L’aveu », publié en 1968, le propos de
son tortionnaire : « Ce qui compte, ce sont les aveux ».



Dans un des entretiens que j’ai eu avec l’accusé à propos de sa formation
comme responsable d’un centre de sécurité, celui-ci m’a indiqué que « Pol
Pot et Son Sen voulaient qu’on pratique les techniques soviétiques »
[2]



Comme à Moscou, Bucarest, Budapest ou Prague, personne n’est à l’abri. A
peine au pouvoir, le PCK commence à éliminer certains de ses plus prestigieux
militants : Hu Yuon (ancien député du Sangkum, ministre du GRUNK et
ministre du KD jusqu’à son élimination), Chhouk (vétéran du mouvement
Issarak), Keo Meas (vétéran du Pracheachon, un des fondateurs du PCK), Keo
Moni (vétéran Issarak), Mey Pho (le plus illustre des vétérans ; il
avait participé au coup de force du 9 août 1945), Nong Suon (ministre de
l’agriculture), ont été exécutés entre avril 1975 et décembre 1976.



Koy Thuon (ministre du commerce, ancien collaborateur de Khieu Samphan au
journal L’Observateur), Touch Poeun (ministre des travaux publics), Soeu
Doeun (qui succède à Koy Thuon comme ministre du commerce), Sien An (un des fondateurs
du cercle marxiste de Paris) Phouk Chhay (jeune intellectuel de gauche
condamné à la prison à perpétuité par Sihanouk), Tiv Ol (ancien enseignant et
intellectuel de gauche contraint à la clandestinité à partir de 1967) et Hu
Nim (ancien député du Sangkum, ministre de l’information) sont exécutés à
leur tour dans les semaines qui suivent. Même Nath, le premier directeur de
S21, est emprisonné puis exécuté à S21 sur ordre du PCK. Deux membres
du comité permanent, Vorn Vet et Kung Sophal seront exécutés en 1978. Exercer
la direction d’un des 196 centres de sécurité ne mettait en rien à
l’abri : si certains sont encore en vie aujourd’hui et ne sont pas
inquiétés, plusieurs dizaines d’entre eux ont été exécutés. Pour tous les
cadres du Parti, le message est clair : personne n’est à l’abri.



Le fait est que près de 80% des victimes de S21 exerçaient une fonction
au sein du Kampuchea démocratique. Force est de constater que certaines de
ces victimes de S21 auraient pu, s’ils avaient survécu, faire l’objet de
poursuites de la part de ces Chambres Extraordinaires.



3. Le PCK, à partir de 1963, opère dans la clandestinité. Il met en œuvre
une pratique du secret et une méthode de cloisonnement qui deviennent un mode
de direction du Parti et, à partir de 1975, un mode de gouvernement du pays.



En 1970, quand se crée le FUNK, ce secret concerne la force politique
dominante en son sein et ses dirigeants réels. Pendant toute la durée de la
guerre, outre le Prince Sihanouk au nom duquel toutes les forces du FUNK
prétendent se battre, les personnalités mises en avant sont d’anciens députés
progressistes du Sangkum : Hu Nim, Hou Yuon et Khieu Samphan. Les
dizaines de milliers de gens qui « entrent dans la forêt » pour
rejoindre le FUNK ne connaissent que le programme plutôt sympathique de
celui-ci. Ils ignorent qu’au cœur du FUNK se trouve le PCK. Ils ignorent tout
des orientations particulières de la direction du PCK.



En 1975, lorsque le FUNK remporte la victoire, rares sont ceux qui savent
qu’il est depuis 1973 entièrement contrôlé par le PCK et en particulier par
la faction du PCK qui est la plus radicale et qui est dirigée par Pol Pot.
Lorsque cette dernière prend le contrôle du pays en avril 1975, elle se
dissimule sous un terme vague, qui signifie en khmer « organisation » :
l’Angkar.



« Il est absolument nécessaire de maintenir le secret »
déclare Son Sen. « Depuis la libération, c’est le travail secret qui
est fondamental
. Le travail secret est fondamental dans tout ce que
nous faisons
» martèle Nuon Chea. Pour préserver le secret et
cloisonner l’organisation du PCK, les ordres sont toujours transmis au nom de
l’Angkar.



C’est au nom de l’Angkar que toutes les décisions sont prises et
exécutées à tous les échelons du pays et dans tous les secteurs d’activité.
Cet anonymat du pouvoir réel lui donne une force particulière, car il suscite
l’impression de la puissance et en même temps crée et entretient un sentiment
d’incertitude et de crainte dans la population. Cette impression et ce
sentiment se répandent rapidement, puisque c’est au nom de l’Angkar
que sont imposées l’évacuation forcée des villes, la déportation et
l’installation forcée dans des coopératives populaires, la suppression de la
monnaie et la collectivisation totale du pays. Tous les aspects de la vie
quotidienne sont placés sous l’autorité de l’Angkar.



La peur s’accroît lorsque, au nom de l’Angkar, des personnes sont
convoquées et disparaissent à tout jamais. Cette peur se transforme en
terreur lorsque les exécutions sommaires viennent s’ajouter à ces
disparitions.



Tous les pouvoirs émanent de l’Angkar auquel une fidélité absolue
et inconditionnelle est exigée. Toute défaillance doit être avouée ou
dénoncée. Il en résulte une pratique généralisée de la délation. Tout
le monde surveille tout le monde, dans un climat de terreur exacerbé où
chacun est l’otage de l’autre et craint pour sa propre vie.



C’est l’Angkar qui fournit la ligne politique, les instructions et
les circulaires aux cadres du Parti, de l’armée et de l’appareil de sécurité.



L’obéissance absolue due à l’Angkar est assimilable à celle exigée
au sein du PC dans les pays de l’empire soviétique. La comparaison entre
certains slogans du Kampuchea démocratique et les formules utilisées lors des
procès staliniens déjà évoqués est frappante.



Arthur London, rappelle que ses tortionnaires lui martelaient :
« Il faut que vous fassiez confiance au Parti et vous laissiez guider
par lui
». A quoi font écho les termes utilisés par les
tortionnaires de S21 lorsqu’ils écrivent, dans le carnet de travail déjà
cité : « La chose la plus importante est de croire d’une manière
absolue dans le Parti.
» ou encore « croire dans le Parti,
respecter les instructions du Parti absolument et inconditionnellement
. »



Troisième source de la terreur comme méthode de gouvernement : la
spécificité du communisme polpotiste



51- Le communisme du Kampuchea démocratique que j’appellerai le
polpotisme offre un certain nombre de particularités dont la juxtaposition
fournit une interprétation unique de la doctrine marxiste-léniniste parmi
toutes les applications connues à ce jour. Cette interprétation accentue le
terrorisme d’Etat propre à tout régime totalitaire.



52- Le polpotisme n’est pas internationaliste, il est nationaliste. Les
dirigeants du KD véhiculent une forme expansionniste de nationalisme
caractérisée par des revendications territoriales irrédentistes. Leur
discours évoque « les terres perdues » et parle de la
nécessité de reconquérir ces terres « jusqu’où pousse le thnôt »
(palmier à sucre) ou encore « jusqu’où on trouve des inscriptions en
khmer
». C’est l’origine des attaques répétées contre le Vietnam et
de l’obsession de l’ennemi vietnamien. Une obsession qui, après la rupture
des relations diplomatiques fin 1977 et l’instauration d’un état de guerre
entre les deux pays, conduira à l’élimination de dizaines de milliers de
personnes au motif qu’elles ont « un esprit vietnamien dans un corps
khmer
».



53- Le polpotisme n’est pas démocratique, c’est un modèle achevé
d’oligarchie. Le groupe dirigeant du Kampuchea démocratique n’a jamais
bénéficié d’un réel soutien populaire. L’opposition à la République de Lon
Nol était incarnée par Norodom Sihanouk, figure emblématique et lointaine à
l’ombre de laquelle agissaient Pol Pot et ses lieutenants. Le projet politique
du FUNK était sans rapport avec ce que sera la politique du Kampuchea
démocratique. Même au sein du PCK, la ligne politique de Pol Pot et des siens
n’a jamais fait l’objet d’un soutien majoritaire formellement exprimé. Avant
1975 comme après 1979, les communistes cambodgiens dans leur majorité,
échappent aux caractéristiques du polpotisme. Il en est résulté, de la part
du groupe dirigeant, un comportement de forteresse assiégée qui a trouvé à se
légitimer par l’application des consignes sur la chasse aux « ennemis de
l’intérieur » et par la pratique de l’élimination physique comme méthode
de gouvernement. Le document du 30 mars 1976 intitulé « décisions du
comité central sur diverses questions » aborde en premier lieu la
question de « l’anéantissement dans les rangs et en dehors des rangs
du parti.
»



54- Le polpotisme est autarcique. La volonté, érigée en slogan, de
« ne compter que sur ses propres forces » conduit à un isolement
qui renforce le sentiment de forteresse assiégée et la suspicion de tous à
l’égard de tous.



55- Le polpotisme contient une dimension raciste. « Il faut
protéger la pureté de la race khmère
» fait partie des slogans les
plus souvent répétés par les plus hauts dirigeants du KD. Cette volonté se traduit
par l’élimination physique de groupes humains sommairement et étrangement
définis : sino-khmers, khméro-thaïs, khméro-vietnamiens, chams.



56- Le polpotisme met en oeuvre une collectivisation d’une radicalité
absolue. Suite à l’évacuation forcée des villes, aux déportations successives
de populations entières, à la collectivisation des terres agricoles, à
l’abolition de la monnaie et de la pratique de l’échange, plus aucun bien,
plus aucune maison, plus aucune terre n’appartient à un individu. La dépossession
est totale. Elle est même poussée jusqu’à refuser aux personnes la libre
disposition de leur identité, de leur temps, le libre choix de leurs
relations et même jusqu’à conférer à des cadres du parti communiste le choix
de la femme et de l’homme qui formeront un couple et le choix des moments
d’intimité qu’ils auront ensemble. Dans les coopératives où sont regroupés
les Cambodgiens, il est fréquent qu’ils ne soient même plus propriétaires des
ustensiles avec lesquels ils se nourrissent.



57- Jamais, dans toute l’histoire de l’humanité, on n’a poussé le
collectivisme aussi loin que sous le Kampuchea Démocratique. Jamais, dans
l’histoire des hommes ne fut poussée aussi loin la négation de la dignité qui
est en chaque être humain. Jamais un régime politique n’a imposé une telle
dépossession de soi, non pas uniquement à une catégorie donnée d’individus,
mais à la totalité de la population, en ce compris le personnel au service de
ce régime.



58- Le polpotisme exprime une volonté de passer à la société nouvelle
« en un seul bond », sans ménager la moindre transition. Il
s’agit de faire mieux que Lénine et Staline, d’aller plus loin que les
Chinois et les Vietnamiens dans l’édification de la société de leurs vœux.
Les transformations les plus radicales vont être mises en œuvre avec une
intensité jamais égalée, sans la moindre considération pour le coût humain.



59- Enfin, le polpotisme manifeste, comme rarement dans l’histoire de
l’humanité, le mépris le plus total pour l’être humain ainsi qu’en témoignent
des slogans comme « Notre coeur ne nourrit ni sentiments, ni esprit
de tolérance »
ou encore « »Qui proteste est un
ennemi, qui s’oppose est un cadavre ».




Monsieur le Président,

Madame et Messieurs les membres de cette Chambre première instance,



60- L’accusé affirme qu’il fut tout à la fois le serviteur et l’otage
d’un tel système. L’analyse que je viens de vous présenter me conduit à dire
que la situation qu’il décrit reflète la réalité.



61- Un grand intellectuel antifasciste, un des plus grands écrivains
français du XXe siècle, qui fut aussi un résistant au franquisme et au
nazisme déclarait « Nous avons refusé ce que voulait en nous la bête
et nous voulons retrouver l’homme partout où nous avons trouvé ce qui
l’écrase
»



62- Il s’est trouvé au plus haut niveau de la direction du Cambodge des
femmes et des hommes qui ont permis que la bête qui est en nous donne libre
cours à ses pires manifestations.



63- Ce sont ceux qui ont ouvert les portes de la barbarie qui portent la
première et la plus grande responsabilité.



64- Ceux qui suivent, par soumission ou par zèle, n’en sont pas pour
autant innocentés.



65- Mais qui, en conscience, devant le dilemme de tuer pour ne pas être
tué, peut affirmer qu’il se sacrifiera ?



CETC, Phnom Penh, le 14 septembre 2009



[1] HEDER Steve, Cambodian Communism and
the Vietnamese Model, Volume 1 Imitation and Independence, 1930-1975, Bangkok,
White Lotus, 2004, pp. 29-33.



[2] Entretien du 26
juin 2008.
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Cambodge : Analyse du polpotisme de M JENNAR Empty Re: Cambodge : Analyse du polpotisme de M JENNAR

Message  Invité Dim 27 Sep 2009 - 8:06

"Enfin, le polpotisme manifeste, comme rarement dans l’histoire de
l’humanité, le mépris le plus total pour l’être humain ainsi qu’en témoignent
des slogans comme « Notre coeur ne nourrit ni sentiments, ni esprit
de tolérance »
ou encore « »Qui proteste est un
ennemi
, qui s’oppose est un cadavre »."


Je pense que ce paragraphe résume tout ...

Pour le reste, çà confirme mon opinion que Sihanouk aurait dû se trouver sur un "banc des accusés" et la honte qu'il nous faut avoir en tant que français à savoir que c'est "chez nous" qu'on été formés idéologiquement ces monstres !

Cambodge : Analyse du polpotisme de M JENNAR 484201

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