Livre - Une Odyssée Birmane de Pascal Khoo Thwe

une histoire vraie et incroyable, indispensable à lire par les passionnés de la Birmanie.
j'ai rarement lu un livre aussi passionnant.

Pitch :
Dédiant son récit à neuf de ses jeunes amis tués par la dictature militaire birmane entre 1988 et 1995, Pascal Khoo Thwe raconte comment, étudiant à l'université de Mandalay, il fut amené à combattre le gouvernement de Rangoon aux côtés des rebelles. Il s'enfuit dans la jungle, à la frontière de la Thaïlande, après la répression sanglante du mouvement démocratique. Un professeur d'anglais, John Casey, qu'il avait rencontré dans un restaurant chinois de Mandalay où il travaillait pour payer ses études, organise son évasion, l'installe à Cambridge et l'initie à la vie universitaire occidentale. C'est alors, en exil, qu'il écrit ce témoignage poignant : l'aventure qui mène ce petit-fils de chef héréditaire de tribu, les Padaung des montagnes de la Birmanie orientale, au Caius College de Cambridge, en passant par la jungle birmane. Ce fragment d'autobiographie, singulier et captivant, plaide ainsi, non sans humour et talent, pour ceux qui ne peuvent plus parler ou pour ceux qui, morts violemment en terre birmane, la hantent désormais.


Couronné par un prix littéraire britannique (Kiriyama) au moment de sa parution en 2002

La revue de presse Marie Walvein - Le Monde du 6 février 2009

Le témoignage de Pascal Khoo Thwe est rare et c'est à James Joyce qu'on le doit. A la passion que ce Birman originaire d'une tribu de femmes-girafes a nourrie, voilà vingt ans, pour l'écrivain irlandais. A la curiosité que cela a suscitée, par hasard, de la part d'un professeur de Cambridge, un soir, dans une gargote moite de Birmanie...
Initialement, Pascal Khoo Thwe n'envisageait pas de publier son travail. Mais des amis l'en ont convaincu. Et en 2002, onze ans après son exfiltration, son témoignage a finalement été rendu public au Royaume-Uni (publié par HarperCollins). En France, il sort seulement aujourd'hui. Et c'est encore toute une aventure s'il y est parvenu, grâce au hasard d'un voyage en Birmanie : celui de Christine Jordis cette fois, responsable de la fiction anglaise chez Gallimard, à qui un vieux libraire de Rangoon a confié le livre sous le manteau...
Il raconte ses onze frères et soeurs, la machine à coudre Singer de sa mère. Il dit aussi les travaux forcés, les réquisitions arbitraires à la saison des semences pour chanter des slogans progouvernementaux plutôt que planter. Les dévaluations successives qu'inspirent des médiums conseillers de la junte. L'essor de la culture du pavot, pour survivre. Les amis disparus. Plusieurs décennies d'histoire birmane finalement, qui prennent d'un coup un relief particulier.

La revue de presse Arnaud Vaulerin - Libération du 5 mars 2009
Un monde s'enfuit. Dès «les voyages imaginaires» du prologue, on pressent la dérobade à venir, le délitement du «paradis d'enfance». Un feu consume les pages de ce récit d'exil qui court au bord du précipice. «Je savais que notre bonheur était fragile, qu'il pouvait vaciller au moindre souffle», écrit Pascal Khoo Thwe au début de son autobiographie. La furie balayera tout en une décennie, avant de le mener de la jungle à Cambridge...

Le témoignage de Pascal Khoo Thwe est rare et c’est à James Joyce qu’on le doit. A la passion que ce Birman originaire d’une tribu de femmes-girafes a nourrie, voilà vingt ans, pour l’écrivain irlandais. A la curiosité que cela a suscitée, par hasard, de la part d’un professeur de Cambridge, un soir, dans une gargote moite de Birmanie. L’histoire est vraie et elle mérite son titre : “Odyssée birmane”.

C’était au mois de février, en 1988, à Mandalay, dans les hautes terres chaudes du pays. Le professeur de Cambridge attablé s’appelait John Casey. Celui qui le servait, Pascal Khoo Thwe. Il avait 21 ans. Il était étudiant en lettres anglaises. Et c’était presque une incongruité, en ces années de socialisme autoritaire, sous l’égide du général Ne Win, au pouvoir depuis 1962, après un coup d’Etat. Le professeur laissa ses coordonnées. L’histoire et la chance firent le reste.

C’était seulement quelques mois avant la répression des manifestations étudiantes d’août 1988, l’une des plus sanglantes que la Birmanie ait connues. Quelques mois seulement avant que Pascal Khoo Thwe, jeune Birman sans histoires, se découvre une “conscience révolutionnaire”. Jusqu’alors, “la pensée autonome (lui) paraissait un péché”. Les mots “boycott”, “grève” ont été “comme apprendre une nouvelle langue”. Très vite, comme de nombreux autres étudiants birmans, ses prises de position le contraignent à la fuite. Obligé à la marche à travers la jungle, en tongs, l’armée aux trousses. Forcé au combat armé, à la frontière birmano-thaïe, où il trouve refuge aux côtés de l’ethnie Karenni, l’une des nombreuses minorités birmanes qui, encore aujourd’hui, refusent la tutelle de la junte au pouvoir.

“UNE FAÇON DE NE PAS OUBLIER”

Coincé dix mois durant dans un quotidien dément, entre malaria cérébrale, infections cutanées, repas de survie à base de rats, champs de mines, cadavres putréfiés, Pascal Khoo Thwe parvient à envoyer un courrier à l’universitaire anglais. Presque pudique : “Cher monsieur, (…) je suis en mauvaise santé, je manque de nourriture et d’autres nécessités. J’apprécierais toute aide ou suggestion venant de vous (…), je suis toujours désireux de suivre mes études d’anglais à l’avenir.”

Les réseaux influents de John Casey permettent finalement d’exfiltrer l’étudiant pour le Caius College de Cambridge. Et c’est là, dans les petits matins froids et brumeux de l’Angleterre, où il est le seul étudiant étranger inscrit en littérature anglaise, que Pascal Khoo Thwe commence à rédiger, en 1991, le témoignage qu’on lui doit. Des morceaux de vie, en fait, qui lui reviennent au coup par coup, et qu’il consigne, sans ordre véritable, parfois en quelques lignes, d’autres fois en feuillets doubles, dans un carnet.

Une façon de “pratiquer (son) anglais”. D’apprendre à disserter - l’une des choses “les plus dures” auxquelles il ait été confronté, car “l’idée même d’une opinion personnelle” était “comme désamorcer une mine”. “Une façon de ne pas oublier”, surtout, comme il le raconte aujourd’hui, à 42 ans, par téléphone, depuis Oslo, où il vient d’emménager. Et où il allie des activités de traduction à du militantisme auprès du Democratic Voice of Burma (DVB), une association d’expatriés birmans.

Initialement, Pascal Khoo Thwe n’envisageait pas de publier son travail. Mais des amis l’en ont convaincu. Et en 2002, onze ans après son exfiltration, son témoignage a finalement été rendu public au Royaume-Uni (publié par HarperCollins). En France, il sort seulement aujourd’hui. Et c’est encore toute une aventure s’il y est parvenu, grâce au hasard d’un voyage en Birmanie : celui de Christine Jordis cette fois, responsable de la fiction anglaise chez Gallimard, à qui un vieux libraire de Rangoon a confié le livre sous le manteau.

Pour tenter de retranscrire sa vie passée dans une langue qu’il maîtrisait mal, Pascal Khoo Thwe a imité la voix de sa grand-mère. Celle qui, quand il était enfant, lui disait des contes. Un ton fluide, naïf parfois, mais détaillé, presque ethnologique. Le seul moyen qu’il ait trouvé pour “faire ressentir ce que c’est que d’être à l’intérieur de la Birmanie”. Et c’est sans doute cela, la vraie puissance de son témoignage. Car rien ou si peu ne sort de Birmanie depuis plus de quarante-cinq ans. Rien ne filtre, de la vie et du combat armé des ethnies minoritaires des zones frontalières du pays. Les humanitaires ont un devoir de réserve, tandis que les rares exilés ont vieilli.

TRAVAUX FORCÉS

Or Pascal Khoo Thwe raconte tout. De sa naissance, un jour de Pâques 1967, dans la tribu Padaung, une ethnie animiste convertie au catholicisme par des religieux italiens au début du XIXe siècle. De son enfance, dans les montagnes orientales, sous les papayers et les cotonniers, bénie par le culte des Nats (un rite animiste qui vise à apaiser les âmes errantes des personnes tuées) et les grenouilles, génies tutélaires. Il raconte son père, rivé à la radio d’Etat, fasciné par l’arrivée du socialisme et par l’idée que “la contrainte politique favoriserait le retour à la prospérité”. Puis son désenchantement, dix ans plus tard, lorsque les médicaments viennent à lui manquer dans son métier de vétérinaire et que, les pots-de-vin s’institutionnalisant, il change définitivement d’ondes pour la BBC.

Il raconte ses onze frères et soeurs, la machine à coudre Singer de sa mère. Il dit aussi les travaux forcés, les réquisitions arbitraires à la saison des semences pour chanter des slogans progouvernementaux plutôt que planter. Les dévaluations successives qu’inspirent des médiums conseillers de la junte. L’essor de la culture du pavot, pour survivre. Les amis disparus. Plusieurs décennies d’histoire birmane finalement, qui prennent d’un coup un relief particulier.

Juste avant sa fuite dans la jungle, Pascal Khoo Thwe s’était dit que sa démarche serait celle du héros de James Joyce, Steven Dedalus. Celui qui, dans le Portrait de l’artiste en jeune homme, avait pour leitmotiv “le silence ou la ruse”. Celui qui avait en réalité pour leitmotiv, mais il ne s’est souvenu des mots exacts de James Joyce que bien plus tard : “le silence, l’exil et la ruse”.

source Dejunter la birmanie

C'est un «voyageur perdu entre deux rivages inconnus» qui reçoit ce soir à Paris le Prix du meilleur livre étranger dans la catégorie essai.
Les critiques et éditeurs qui décernent cette distinction depuis soixante ans ont récompensé cette année Une odyssée birmane (traduit de l'anglais par Claire Céra, chez Gallimard) de Pascal Khoo Thwe. Ce birman de 42 ans, naturalisé britannique, est né dans la tribu Padaung, établie dans la jungle de l'Etat Shan, dans le sud-est du pays.

Son odyssée est incroyable, inoubliable. Et n'en finit pas de poursuivre le lecteur. Elle commence dans cette arrière-cour birmane, avec ce «sentiment que le bonheur était fragile, qu'il pouvait vaciller au moindre souffle», et s'achèvera dans l'exil les couloirs de Cambridge où Pascal Khoo Thwe trouvera refuge vingt-cinq ans plus tard, déraciné.

Alors, Pascal Khoo Thwe a commencé à écrire le récit de son errance. «J'avais le sentiment qu'une tradition, celle de la tribu Padaung -où les femmes girafes s'étirent le cou, ndlr- pouvait disparaître, explique aujourd'hui l'auteur. Un monde s'effondrait: l'armée envahissait ces territoires pour y installer ses bases, expulsant les populations qui étaient obligées de fuir et de se séparer.»

Il rassemble des histoires folles, croque des scènes hallucinantes où se cotoient revenants, esprits, une incroyable grand-mère, un prêtre italien et des combattants fantomatiques. Il injecte des éléments historiques sur la Birmanie asservie à la botte des généraux, qui se mêlent à la petite histoire du Padaung pourchassé par un régime prêt à tout pour casser la révolution de 1988 et écraser toute contestation.

Avec une extrême lucidité, un sens inné du mythe, ainsi qu'une plume d'une sombre luxuriance, il compose peu à peu un récit envoûtant qui emprunte à la tradition orale. La nature est à elle seule un personnage sauvage et puissant. L'auteur pressent qu'elle sera bientôt ravagée. Les terres de sa famille ont été depuis accaparées par les militaires qui ont choisi d'y établir leur quartier généraux. « Les forêts sont coupées, les montagnes sont creusées pour prélever les matières premières, la faune et la flore sont massacrées, les populations sont expulsées, constate l'auteur.

En écrivant, Pascal Khoo Thwe commence à réaliser combien étaient «fragiles l'enfance et (son) univers tribal», dit-il aujourd'hui. «Une fois exilé, et surtout après deux ou trois ans loin de la Birmanie, je me suis rendu compte que nous étions totalement coupés du monde, à la recherche d'un toit et d'une identité.» Il dit avoir perdu une «certaine forme de naïveté» et avoir vite perçu la «frontière floue entre la civilisation et la barbarie».

Repéré par John Casey, un professeur d'anglais en visite à Mandalay (deuxième ville du pays), il s'enorgueillit d'avoir appris à penser par lui-même, en dehors de toute vision en noir et blanc, tout en préservant sa «culture orientale».



Aujourd'hui free lance pour le site d'information Democratic voice of Burma basé en Norvège, il vit désormais à Oslo. Refusant de s'engager dans une organisation politique, il veut rester un «observateur lucide». Toujours blessé par l'exil et les tracas dont sont encore victimes ses proches restés en Birmanie.



source http://www.liberation.fr/culture/0101603696-recompense-pour-une-etourdissante-odyssee-birmane

Merci FlipFlop

J'ai lu d'un trait et il me manque dorenavant le bouquin...
Je n'ai pas de CB;il faut dire que ca ne sert a rien quand on habite la Thailande.
Sauf dans un cas pareil...
Bref, je me demerderai pour l'obtenir (le bouquin).

Il est rare que les histoires vraies, les histoires vécues, surpassent la fiction dans leur force d’évocation. Pascal Khoo Thwe est le héros d’une histoire peu commune. C’est donc sur un ton peu commun qu’il la raconte dans ce livre. Ce ton où les mots trouvent leur place autour d’une réalité poignante laisse deviner le son d’une voix vieillie par l’âge – celle de sa grand-mère qui, le soir venu, contait au jeune Pascal et à ses frères les légendes oubliées des génies de la forêt – et que les inflexions de l’anglais, langue que l’auteur a apprise sur le tard, savent rendre sincère, légère et sérieuse à la fois. Et bien que cette langue anglaise soit avant tout pour Pascal Khoo Thwe la langue de James Joyce – son « mentor » – son récit nous fait par la suite percevoir qu’elle est également, à ses yeux, la langue de la liberté.

Rien n’était pourtant joué d’avance : « Ce n’est pas l’instruction qui mettra du riz dans ton bol », dit la grand-mère de Pascal à son père. Cette grand-mère autoritaire, femme du chef de la tribu des Padaung n’apprécie pas la mère de Pascal, elle le fait savoir à son fils par cette phrase sentencieuse dont Pascal Khoo Thwe aurait pu se faire une maxime. C’est tout l’inconvénient des grandes familles. On naît dedans, on grandit dedans, et que ce soit pour les aimer ou pour les détester, on y reste profondément attaché pour le restant de ses jours. Pascal Khoo Thwe est né à Loikaw, dans l’État Kayah, au Sud-Est de la Birmanie. Il a aimé son enfance. Il a aimé sa famille et c’est pourquoi son récit commence avec ces deux entités qu’il décrit avec une tendresse qui n’incline jamais vers le sentimentalisme.

L’enfance et la famille sont donc le socle commun où viendront se poser la passion de Pascal pour les études, son goût pour le discernement intellectuel et son amour de la langue anglaise. Plus tard, après un bref passage au séminaire de Taunggyi, il s’en ira poursuivre ses études à Mandalay, y découvrira son pays et sa conscience politique, l’amitié et l’amour, et enfin l’homme qui, des années plus tard, après des mois d’errance dans la jungle karen, allait lui permettre de fuir la Birmanie pour étudier au Caius College de Cambridge : John Casey. Voilà donc un livre que l’on pourrait refermer en pensant : « Heureux qui comme Pascal Khoo Thwe a fait un beau voyage… » Ce serait une façon de voir les choses. Mais si Pascal Khoo Thwe a en effet vécu ce qu’il convient d’appeler une vie de roman, son voyage aura surtout été long et éprouvant. De la même manière, il n’est pas anodin qu’Une odyssée birmane s’ouvre sur une dédicace adressée à neuf étudiants tués par la junte birmane entre 1988 et 1995. Pascal Khoo Thwe répond ainsi à une promesse faite à son ami Edward, l’un des neuf, alors qu’il s’apprêtait à franchir la frontière thaïlandaise : « J’informerai les gens de ce qui nous arrive. Si je fais des études, je serai capable d’écrire un récit qui saura les toucher. » Touché.

source http://u.nu/35kt4

Merci Pascal, j'avait commandé ce livre après ton message et je l'ai dévoré. C'est un livre vraiment poignant à lire et relire.

maintenant il faut absolument lire celui-ci
http://www.asie-forum-voyage.com/carnets-de-voyages-blogs-sites-web-livres-expos-f4/livre-la-cage-aux-lezards-de-karen-connelly-t286.htm