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La Birmanie, l’art et Internet

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Message  Admin Mer 8 Déc 2010 - 7:41

La Birmanie évoque plus souvent l’image de militaires que celle de peintres. Et pourtant, malgré la dictature, la société birmane est une société créative, bouillonnante, en mouvement.
Dans leur projet Rangoon Cocoon, la réalisatrice Anne Murat et le photographe Brice Richard ont ramené de nombreux témoignages d’artistes birmans, en voici quelques extraits.

La censure, le manque de moyens et la médiocrité de l’éducation touchent tous les secteurs d’activité en Birmanie, notamment les arts. Alors que l’art contemporain international a investi le champ des nouvelles technologies depuis longtemps, les peintres birmans se battent encore pour avoir accès aux rares imprimantes, logiciels de traitement d’images et publications anglophones disponibles dans la capitale, sans parler des livres d’art, introuvables ou inabordables.

D.A. caricaturiste engagé commente : « Pour connaître le niveau de développement d’un pays, il faut considérer son niveau de création. Dans un pays sous développé, les artistes doivent consacrer tout leur temps à des boulots alimentaires plutôt que prendre du temps pour trouver leur inspiration. Situation politique, économique et artistique sont liées. Aujourd’hui en Birmanie, la majeure partie des artistes ne peut vivre de son activité artistique. »

Maung Maung Thein, peintre traditionnel, est propriétaire d’une petite galerie à Yangon confirme : « Le public ne suit pas. Et pas simplement pour des raisons financières. Il faut former les gens à l’art, à l’apprécier, à le comprendre. » Maung Maung Thein confie que sa galerie ne lui permet pas de vivre : depuis de nombreuses années, il dispense des cours de peinture pour subsister.

La Birmanie, l’art et Internet Maung

La galerie de Maung Maung Thein, Yangon

Si la minuscule classe moyenne n’est pas prête à investir dans l’art moderne, la plupart des œuvres sont raflées par les expatriés et les touristes, une clientèle versatile, qui disparaît en période d’émeute ou d’ouragan. Les bonnes années, la Birmanie n’accueille qu’environ 300 000 visiteurs, soit quatre fois moins qu’en Thaïlande.

Et pourtant, la qualité des œuvres produites en Birmanie s’est considérablement améliorée ces dernières années, portée par une communauté de peintres en plein essor. Les expositions dédiées à l’art birman se sont multipliées en Asie, lançant les carrières d’étoiles montantes telles que Zaw Win Pe, Kin Zaw Latt, Thank Kiaw Thay, Nann Nann, U Soe Moe, Aye Ko, Chaw Ei Thein…… une poignée d’artistes qui, aujourd’hui, font partie du circuit artistique international et peuvent espérer vivre décemment de leur art.

La Birmanie, l’art et Internet Zaw

L’Artiste Zaw Win Pe

Susan Anderson, propriétaire d’une luxueuse galerie d’art à Rangoun, a été le témoin enthousiaste de cette évolution récente :

« En 2002, il n’y avait qu’une poignée d’artistes qui gagnaient correctement leur vie et exposaient à l’étranger. Aujourd’hui, il y en a plutôt deux ou trois poignées. Les collectionneurs commencent à s’intéresser à l’art birman et les artistes locaux ont appris à rentrer en contact avec les promoteurs et à se faufiler dans les symposiums d’art asiatique. De plus en plus de peintres trouvent le moyen de partir travailler à l’étranger. D’une île ignorant tout du monde extérieur, le Myanmar est devenu une péninsule.

L’isolement relatif du Myanmar est un avantage et un inconvénient. Certes les artistes sont rarement au courant des dernières tendances du marché, mais en ce sens ils restent très purs. Ils trouvent leur inspiration dans ce qui les entoure, dans cet héritage, cette tradition, cette religion Bouddhiste dont ils sont si fiers. Pour beaucoup d’artistes, créer est un véritable acte de dévotion. »

La Birmanie, l’art et Internet Galeriste+Susan

la galeriste : Susan Anderson

En parallèle, une nouvelle génération de jeunes artistes semble avoir réalisé que, dans un pays où l’acte de création est au mieux difficile et au pire dangereux, l’union fait la force. Les associations se multiplient, certaines très ambitieuses, comme le projet New One, une galerie créée et gérée par un collectif de 30 artistes, d’autres plus spontanées. Chaque dimanche, chez Kyiang Pyo la photographe et Ko Hla le sculpteur, ils sont une dizaine à se rassembler autour d’une bougie pour échanger des idées et chanter des chansons :

« La génération précédente avait tendance à rester isolée, explique Kyiang Pyo. Mais nous (la jeune génération), nous apprenons les langues étrangères, la TV est une fenêtre sur le monde, sur l’extérieur. Nous nous rapprochons les uns des autres : nous sommes plus ouverts d’esprit, nous aimons partager, créer des réseaux. Tout le monde a un savoir différent. En discutant, on s’enrichit mutuellement. En se réunissant, on s’entraide. »

La Birmanie, l’art et Internet Ko

Ko Hla

Cette jeune génération est bien plus consciente des possibilités qu’ouvre Internet en matière d’inspiration et de promotion artistique. Selon Aung Aung, un jeune prodige de 24 ans qui vend déjà ses toiles pour plus de 4 000 euros pièce, le web est en train de changer la Birmanie :

« En école d’art, nous ne faisions que copier les toiles de maîtres. Puis Internet est arrivé... Sur le web, j’ai pu découvrir et analyser le travail d’artistes étrangers contemporains, et j’ai réalisé qu’il existait beaucoup de styles différents. Je m’en suis inspiré pour développer mon propre style. Internet a aussi changé la manière dont les gens perçoivent l’art en Birmanie. Avant, les gens ne faisaient qu’admirer passivement la peinture. Maintenant, ils posent des questions, comparent, demandent ce qu’il y a de nouveau. C’est très positif. On voit moins d’art réaliste et de plus en plus d’art conceptuel. »

La Birmanie, l’art et Internet Aung

Aung Aung

Le phénomène Internet est encore à ses débuts, mais peu à peu les villes se connectent. Les cybercafés se trouvent assez aisément à Rangoun et Mandalay. Le coût de la connexion (0.5 euro) a beau être élevé, la connexion peu fiable et le web étroitement surveillé par la junte, la Birmanie compte aujourd’hui près de 50 000 utilisateurs réguliers : une petite fenêtre vers l’extérieur vient de s’ouvrir. L’accès aux nouveaux médias transforme la façon dont la nouvelle génération s’informe, consomme et apprend.

Pour la jeune artiste et mère de famille Na Wuh : « Aujourd’hui encore, les artistes sont perçus de manière négative : être artiste, c’est ne pas travailler et être pauvre ! Ma mère voulait que je sois une femme d’affaire pour l’argent et le prestige. Pour moi, la manière de changer ces perceptions, c’est de réussir à vendre mes œuvres à l’étranger, parce qu’il y a des musées qui organisent de grandes expositions, des collections privées… Ici, en Birmanie, c’est plus difficile, mais Internet contribue à transformer les perceptions. »

La Birmanie, l’art et Internet Na

Artiste : Na Wuh


Texto: Anne Murat http://www.annemurat.net
Crédits photographiques : Brice Richard www.bricerichard.com
Plus d’informations sur le site : www.rangooncocoon.com

Source http://azulbleu.blogspot.com/
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