Thailande - Sauvons les derniers buffles d'eau
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Thailande - Sauvons les derniers buffles d'eau
Traditionnellement utilisé comme animal de bât dans les rizières, Le buffle d'eau est en voie de disparition, remplacé par des engins mécaniques. En dépit des efforts réalisés pour préserver ces animaux, c'est un symbole de l'identité paysanne en Thaïlande qui s'efface.
Nartwanee Chantharojwong avait 12 ans quand sa mère a acheté une maison à Nonthaburi, près de Bangkok. C'était il y a trente-huit ans.
A l'époque, les rizières s'étendaient à perte de vue et près de ces nouvelles maisons, il y avait un grand étang où Nartwanee plongeait et se livrait
à de joyeuses batailles de boue avec les autres enfants. Les villageois arrivaient pesamment en tirant leur buffle derrière eux et les enfants sautaient sur le dos de ces créatures massives et les emmenaient dans l'eau. "Ce sont de merveilleux souvenirs", confie Mme Nartwanee.
Des souvenirs seulement, car aujourd'hui, Nonthaburi et Bangkok forment une étendue ininterrompue de béton traversée par d'énormes voies express et les buffles ont disparu. A mesure que la Thaïlande s'industrialisait et que les enfants comme Nartwanee grandissaient – elle a aujourd'hui 50 ans et est directrice pour la Thaïlande du groupe de médias CNBC – le pays a relégué à l'arrière plan l'un des symboles de son idendité : le buffle d'eau. Au début des années 1970, on en comptait entre 6 et 6,8 millions de têtes. Mais au cours des années 1990, le cheptel a connu une baisse de près de 14%, et il ne restait en 2000 que 1,7 millions de buffles.
Pour Kitti Koobkaew, un spécialiste de l'élevage, le buffle d'eau, qui a longtemps été le "tracteur" des rizières verdoyantes de l'Asie du Sud-Est, est victime de la progression des tracteurs mécaniques bon marché. "Une autre explication est que les jeunes ruraux travaillent de plus en plus dans les villes et les usines. Il y a moins de gens dans les fermes pour s'occuper du bétail", ajoute-t-il. Le gouvernement s'est efforcé de lutter contre le déclin du buffle et différents projets d'élevage menés par les associations caritatives du Roi se sont succédés depuis 1997. Cependant, la population de buffles baisse toujours au rythme de 3% par an. Elle était estimée à 1,23 million de têtes seulement l'année dernière. A ce rythme, le buffle d'eau risque de devenir extrêmement rare en Thaïlande d'ici dix à vingt ans – il a déjà presque disparu des zones irriguées comme les plaines centrales.
D'après une étude réalisée par le département vétérinaire du ministère de l'Agriculture, 88% des communautés agricoles comptant encore des buffles se trouvent dans le nord-est, en particulier dans les provinces irriguées par la pluie et sur les rives des cours d'eau. Mais le buffle se fait rare même dans ces régions. Il faut aller loin de la civilisation pour voir des enfants en chevaucher, déplore M. Kitti. Le déclin de cet animal peut aussi être attribué en partie à l'abandon partiel de la riziculture au profit du manioc, de la canne à sucre et du caoutchouc, des cultures qui ne nécessitent pas un labourage régulier du sol.
Le plus dérangeant, c'est que les buffles sont abattus pour leur viande, moins chère que celle du boeuf, ajoute M. Kitti. Désormais, 90% des boulettes de viande que l'on déguste en brochettes ou en soupes sont cuisinées avec de la viande de buffle. Le Vietnam voisin en est également très friand et en importe, de façon plus ou moins légale. Pour freiner la raréfaction de l'animal dans les campagnes, les autorités font la promotion de la course annuelle de buffles de la province de Chonburi [dans l'est de la Thaïlande], des festivités qui remonteraient à un siècle. De même que l'éléphant doit aujourd'hui transporter des touristes et jouer au polo, le majestueux buffle, qui était jadis au cœur de l'agriculture, doit lui aussi parader devant les touristes pour justifier son existence.
Toutes ces évolutions tendent à effacer le lien ancien entre le paysan et le buffle. La Thaïlande s'écarte de ses racines rurales et ses anciennes traditions sont reléguées à des images de carte postale. Pour M. Kitty et ses collègues du ministère, le déclin du buffle est une véritable tragédie.
"Les buffles sont plus intelligents que les gens. Quand on dresse un buffle, il travaillera de la même façon pendant très longtemps alors que les êtres humains doivent sans cesse être formés", assure-t-il
"Tracteur vivant"
A l'état sauvage, le buffle d'eau ou buffle asiatique passe la plupart de ses journées dans les eaux des forêts tropicales et subtropicales d'Asie.
Il a été domestiqué il y a 5000 ans, principalement en Asie du Sud-Est et en Chine. Avec une taille de 1,50 à 1,90 m au garrot, c'est un mammifère impressionnant au pelage gris noir. Il est appelé "tracteur vivant" en Asie du Sud-Est, car les paysans s'en servaient pour le labour et le transport. En ville, les habitants utilisent le mot khwai, qui signifie buffle, comme une insulte désignant un paysan stupide. A l'inverse, le paysan estime, lui, que le buffle est un ami, quand la vache est une nourriture...
http://www.courrierinternational.com/article/2012/05/11/sauvons-les-derniers-buffles-d-eau
Nartwanee Chantharojwong avait 12 ans quand sa mère a acheté une maison à Nonthaburi, près de Bangkok. C'était il y a trente-huit ans.
A l'époque, les rizières s'étendaient à perte de vue et près de ces nouvelles maisons, il y avait un grand étang où Nartwanee plongeait et se livrait
à de joyeuses batailles de boue avec les autres enfants. Les villageois arrivaient pesamment en tirant leur buffle derrière eux et les enfants sautaient sur le dos de ces créatures massives et les emmenaient dans l'eau. "Ce sont de merveilleux souvenirs", confie Mme Nartwanee.
Des souvenirs seulement, car aujourd'hui, Nonthaburi et Bangkok forment une étendue ininterrompue de béton traversée par d'énormes voies express et les buffles ont disparu. A mesure que la Thaïlande s'industrialisait et que les enfants comme Nartwanee grandissaient – elle a aujourd'hui 50 ans et est directrice pour la Thaïlande du groupe de médias CNBC – le pays a relégué à l'arrière plan l'un des symboles de son idendité : le buffle d'eau. Au début des années 1970, on en comptait entre 6 et 6,8 millions de têtes. Mais au cours des années 1990, le cheptel a connu une baisse de près de 14%, et il ne restait en 2000 que 1,7 millions de buffles.
Pour Kitti Koobkaew, un spécialiste de l'élevage, le buffle d'eau, qui a longtemps été le "tracteur" des rizières verdoyantes de l'Asie du Sud-Est, est victime de la progression des tracteurs mécaniques bon marché. "Une autre explication est que les jeunes ruraux travaillent de plus en plus dans les villes et les usines. Il y a moins de gens dans les fermes pour s'occuper du bétail", ajoute-t-il. Le gouvernement s'est efforcé de lutter contre le déclin du buffle et différents projets d'élevage menés par les associations caritatives du Roi se sont succédés depuis 1997. Cependant, la population de buffles baisse toujours au rythme de 3% par an. Elle était estimée à 1,23 million de têtes seulement l'année dernière. A ce rythme, le buffle d'eau risque de devenir extrêmement rare en Thaïlande d'ici dix à vingt ans – il a déjà presque disparu des zones irriguées comme les plaines centrales.
D'après une étude réalisée par le département vétérinaire du ministère de l'Agriculture, 88% des communautés agricoles comptant encore des buffles se trouvent dans le nord-est, en particulier dans les provinces irriguées par la pluie et sur les rives des cours d'eau. Mais le buffle se fait rare même dans ces régions. Il faut aller loin de la civilisation pour voir des enfants en chevaucher, déplore M. Kitti. Le déclin de cet animal peut aussi être attribué en partie à l'abandon partiel de la riziculture au profit du manioc, de la canne à sucre et du caoutchouc, des cultures qui ne nécessitent pas un labourage régulier du sol.
Le plus dérangeant, c'est que les buffles sont abattus pour leur viande, moins chère que celle du boeuf, ajoute M. Kitti. Désormais, 90% des boulettes de viande que l'on déguste en brochettes ou en soupes sont cuisinées avec de la viande de buffle. Le Vietnam voisin en est également très friand et en importe, de façon plus ou moins légale. Pour freiner la raréfaction de l'animal dans les campagnes, les autorités font la promotion de la course annuelle de buffles de la province de Chonburi [dans l'est de la Thaïlande], des festivités qui remonteraient à un siècle. De même que l'éléphant doit aujourd'hui transporter des touristes et jouer au polo, le majestueux buffle, qui était jadis au cœur de l'agriculture, doit lui aussi parader devant les touristes pour justifier son existence.
Toutes ces évolutions tendent à effacer le lien ancien entre le paysan et le buffle. La Thaïlande s'écarte de ses racines rurales et ses anciennes traditions sont reléguées à des images de carte postale. Pour M. Kitty et ses collègues du ministère, le déclin du buffle est une véritable tragédie.
"Les buffles sont plus intelligents que les gens. Quand on dresse un buffle, il travaillera de la même façon pendant très longtemps alors que les êtres humains doivent sans cesse être formés", assure-t-il
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http://www.courrierinternational.com/article/2012/05/11/sauvons-les-derniers-buffles-d-eau
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