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Zarganar, c'est l'aurore birmane

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Zarganar, c'est l'aurore birmane Empty Zarganar, c'est l'aurore birmane

Message  Admin Jeu 14 Juin 2012 - 20:42

Zarganar, c'est l'aurore birmane Zarganar-a-Paris_articlephoto
Zarganar à Paris. | Photo Amnesty International

Zarganar, qui est sans doute le comédien birman le plus connu du monde, manie depuis près de trois décennies l’humour, la satire et la poésie pour dénoncer la dictature birmane. Ce qui lui a valu de passer 11 ans en prison. Libéré en octobre dernier, il s’est rendu pour la première fois en France jeudi. Nous l’avons rencontré.

Interview Marie Desnos - Parismatch.com

ParisMatch.com. Pourquoi avez-vous été arrêté la première fois, en 1988?
Zarganar. J’étais un comédien célèbre, et j’invitais tous les acteurs, actrices, scénaristes, réalisateurs et producteurs à s’impliquer dans la révolution de 1988 [contre la junte militaire birmane, et qui avait conduit à la démission de l’homme fort du régime, le Général Ne Win, Ndlr]. Donc le gouvernement ne m’aimait pas. Il me considérait comme l’instigateur des troubles, et m’a fait écrouer à la Prison d'Insein [dans la Région de Yangon, au nord-ouest de Rangoon, Ndlr] pendant sept mois, en vertu de l’article 10-a de la loi instaurant l’état d’urgence [sur la détention préventive, Ndlr].

De quoi parlait votre film "Lun", sorti en 1997, et comment vous a-t-on signifié votre interdiction de filmer?
Quand j’ai été libéré de prison en avril 2009, les autorités ne m’ont pas autorisé à faire cette performance sur scène, alors j’en ai fait un court-métrage, dans lequel je critiquais le système corrompu du gouvernement, les détentions arbitraires... Il y avait notamment une blague que les autorités n’aimaient pas du tout, elle s’appelle «Pity Full» (cf encadré) et est très répandue en Birmanie. A partir de ce moment-là, ils m’ont banni! Ils ne m’ont plus autorisé à diffuser quoique ce soit.

Mais on ne peut pas vous faire taire...
A cette époque-là, j’ai eu l’opportunité de participer à une performance à Bago, à environ 10 kilomètres de Rangoun. J’ai accepté. C’était un petit rôle, mais j’ai dû dissimuler mon visage au maximum, en changeant mes cheveux et ma barbe, pour ne pas être reconnu. La pièce est très connue en Birmanie, elle s’appelle «Bago's meeting». J’ai été arrêté et condamné à 5 ans de prison.

«J'AI ÉTÉ MALTRAITÉ»

Vous avez de nouveau été arrêté en 2007 pour avoir soutenu les manifestants. Avez-vous été jugé pour cela?
Non, à cette époque la junte ne prenait pas la peine d’organiser des procès. Ils m’ont détenu pendant un mois et demi dans une «war dog cell», une cellule gardée par des chiens de guerre qui était prêts à me sauter dessus si j’approchais.

Durant vos autres séjours en prison, comment avez-vous été traité?
La première fois, j’ai subi de graves tortures. Notamment dans le camp militaire d’interrogatoire –répandus dans notre pays, et la pratique de la torture et de l’humiliation y sont courantes. Ils m’ont frappé, m’ont menotté pour me donner des coups d’électricité... tout ceci est fréquent. Mais le pire de tout, c’est qu’ils ont enterré mon corps, sur un terrain; seule ma tête dépassait du sol. Alors, ils ont conduit un véhicule, qui passait juste au-dessus de ma tête. Ils me demandaient de lister des noms [il tape du poing sur la table, Ndlr]. Ils voulaient savoir qui avait organisé les manifestations de 1988. C’était terrible.

Puis vous avez encore une fois été écroué pour avoir critiqué l'inaction du gouvernement après le cyclone Nargis...
Oui, c’était en 2008 [le cyclone a fait plus de 140 000 morts, Ndlr]. J’ai été condamné à 59 ans d’emprisonnement [pour «troubles à l’ordre public», Ndlr] une peine ensuite réduite à 35 ans. J’ai alors passé trois ans et huit mois en prison. Puis j’ai été libéré.

«JE PEUX RETOURNER EN
PRISON À TOUT MOMENT»

Pourquoi avez-vous été libéré?
Je pense que c’est, d’une part, grâce à la pression internationale, et d’autre part, à la pression populaire. Le gouvernement a peur du pouvoir du peuple, qui se bat pour faire libérer tous les prisonniers politiques –à ce moment-là, il y en avait encore plus d’un millier, et les familles étaient déçues de cela. Aujourd’hui il y en a encore 335. Mais je tiens à souligner quelque chose: j’ai juste été remis en liberté conditionnelle. Pas libéré au sens propre du terme. S’ils le décident, le président ou le gouvernement peuvent me renvoyer derrière les barreaux, même sans motif. Et alors j’aurais encore 31 ans et quelques à passer en prison...

Depuis quand êtes-vous autorisé à voyager?
J’ai reçu mon passeport le 21 novembre dernier. C’est la première fois que j’ai un passeport! J’en ai fait plusieurs fois la demande, mais le gouvernement les avait toujours rejetées jusque-là. C’est mon premier voyage en France, c’est mon premier voyage en Europe! [grand sourire, Ndlr]

Quels sont vos prochains voyages?
A la fin du mois, je dois rentrer à Rangoun. Ensuite, je dois aller en Malaisie pour des formalités administratives, et après, j’irai aux Etats-Unis, pour rencontrer des professeurs d'éducation civique. Et enfin, je reviendrai en Europe, en Norvège, dans le cadre des discussions sur les candidats au prix Nobel de la Paix.

Depuis votre libération, pensez-vous être toujours surveillé?
Non. Parce que tout ce que je fais, je le fais en transparence. Mon bureau est fermé par des portes vitrées, tout le monde peut y entrer, la police peut venir écouter. Et j’alerte les autorités de chaque meeting que j’organise, de chaque déplacement. Du coup, ils me font confiance et je n’ai pas de problème.

Avez-vous peur de retourner en prison?
Nooon... La première fois, j’ai eu très peur, et j’étais déprimé. Mais maintenant, j’ai l’habitude! [rires, Ndlr]

Alors vous comptez continuer de militer, quitte à risquer d’être enfermé de nouveau?
Notre pays est dans une période de grands changements. Nous avons sacrifié ces vingt dernières années, et aujourd’hui, nous voyons la lumière. C’est l’aurore. Nous commençons à voir le lever du jour. Nous devons aller jusqu’au jour. Nous devons encourager notre pays à aller de l’avant, à continuer dans la bonne voie. C’est très important pour nous.

«JE PEUX PARDONNER MAIS JE
NE POURRAI JAMAIS OUBLIER»

Avez-vous pardonné à ceux qui vous ont enlevé 11 ans de votre vie?
J’essaye d’oublier, mais je n’oublierai jamais ce qu’ils ont fait ou ce qu’ils font. En revanche, je n’ai jamais voulu et ne voudrai jamais me venger. Je suis prêt à rencontrer n’importe quel responsable, quiconque est vraiment prêt à faire évoluer notre pays. Pour l’avenir de notre Nation, je suis capable de leur pardonner. Mais je n’oublierai jamais.
J’ai trois principes: la reconnaissance des bonnes choses qu’a fait le gouvernement, où qu’il a l’intention de faire; l’encouragement –il faut encourager le président et le gouvernement à poursuivre dans cette voie-; et la mémoire –pas dans le sens négatif du terme, mais pour que les autorités ne reviennent pas en arrière. C’est l’aurore, nous ne voulons pas revenir à la nuit. Ce sont les trois «D»: Dark, Dawn, Day. [La nuit, l’aurore et le jour, Ndlr].

Faites-vous confiance aux autorités pour aller «au jour»?
Il y a des «réformistes» au gouvernement, et il y en a d’autres qui ne sont pas prêts à faire évoluer le pays. Nous devons encourager les réformistes et négocier avec les autres. C’est la démocratie! Et c’est un long combat.

Que faites-vous pour soutenir les prisonniers politiques toujours écroués?
Tous les acteurs, chanteurs, tous les artistes sont mobilisés pour obtenir leur libération. Nous faisons des campagnes, avec leurs photos de familles, et avons envoyé une pétition au président. Nous avons d’ailleurs une réponse très encourageante la semaine dernière, quand j’étais à Londres. Le ministère m’a répondu: «Vous serez tous très heureux dans un mois. Nous allons annoncer de très bonnes nouvelles.» Nous espérons que nos amis vont être libérés.

http://www.parismatch.com/

"PITY FULL", UNE DES BLAGUES SATIRIQUES DE ZARGANAR
que Sylvie Le Lan, coordinatrice Birmanie d'Amnesty International, nous a racontée:

3 groupes de 10 hommes. 1 genre de concours.
Les 10 Américains font le concours "auto'", avec handicap: certaines voitures n'ont pas de freins. Ils acceptent le challenge. Résultat: 1 s'en sort, et 9 se retrouvent à l'hôpital.
Les 10 Français font le concours "amour", avec handicap: certaines femmes ont le virus sida. Ils acceptent le challenge. Résultat: 1 s'en sort, et 9 se retrouvent à l'hôpital.
Les 10 Birmans font le concours "politique", avec handicap. Ils acceptent le challenge. Résultat: 1 s'en sort, et 9 se retrouvent en prison.
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