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Des passerelles entre Rousseau et la quête démocratique birmane

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Des passerelles entre Rousseau et la quête démocratique birmane Empty Des passerelles entre Rousseau et la quête démocratique birmane

Message  Admin Mer 4 Avr 2012 - 15:51

Au moment où la junte militaire birmane fait des gestes d’ouverture, l’ambassade de Suisse au Myanmar et l’Institut français de Yangon ont cherché à faire connaître l’œuvre de Rousseau comme une source d’inspiration pour s’ouvrir à la démocratie. Par François Jacob

Il pouvait être intéressant, au moment où la junte militaire au pouvoir en Birmanie depuis 1962 laissait la place à un gouvernement civil et où, en moins d’un an, le président U Thein Sein (certes un ancien général) multipliait les signes d’ouverture, d’examiner avec des intellectuels birmans ce que pouvaient signifier, dans le contexte particulier de l’actuelle «République du Myanmar», certaines notions clés de l’œuvre politique de Rousseau. C’est pourquoi deux rencontres intitulées «Rousseau, une quête philosophique» et «Comment lire Rousseau au XXIe siècle?» ont été, dans le cadre de la Semaine de la francophonie, organisées les 19 et 20 mars derniers par l’ambassade de Suisse au Myanmar et l’Institut français de Yangon.

Une première constatation (évidente lorsqu’on se penche sur une œuvre aussi complexe que celle de Rousseau mais qui, on s’en doute, ne répond guère à l’impatience légitime des acteurs du changement, elle-même amplifiée en cette période électorale) est le danger de vouloir trouver, dans les écrits du citoyen de Genève, une recette «démocratique» immédiatement applicable à la réalité birmane. Le huitième chapitre du livre II de Du Contrat social s’ouvre d’ailleurs sur un avertissement des plus clairs: «Comme avant d’élever un grand édifice l’architecte observe et sonde le sol, pour voir s’il en peut soutenir le poids, le sage instituteur ne commence pas par rédiger de bonnes lois en elles-mêmes, mais il examine auparavant si le peuple auquel il les destine est propre à les supporter.» Or que pourraient bien signifier les concepts de pacte social ou de volonté générale dans une société modelée, depuis près de mille ans, par le bouddhisme Theravāda, morcelée, depuis la nuit des temps, en de nombreuses ethnies et enfin muselée, depuis bientôt cinquante ans, par un pouvoir dictatorial? La rencontre d’une œuvre politique fondatrice des systèmes démocratiques dans lesquels nous évoluons et des contingences de la société birmane ne pourrait se faire qu’au prix d’une lente approche, elle-même marquée par ces étapes nécessaires que sont les traductions conjointes des œuvres de Rousseau en langue birmane et des écrivains birmans en français, ou la tenue de rencontres à vocation interculturelle. Tout cela demande du temps, beaucoup de temps. L’écriture d’une Constitution est d’abord (c’est à la fois sa force et sa faiblesse) affaire de maturation.

Or les Birmans, sur certains points, sont pressés. Ceux, notamment, de l’inégalité des chances, de la pauvreté endémique qui touche une grande partie de la population et de la corruption présente, pour le malheur de tous, à chaque échelon décisionnel. Est-ce un hasard si l’œuvre de Rousseau la plus connue, compte une fois tenu des difficultés d’accès aux textes originaux, est le Discours sur l’origine de l’inégalité? La projection du court métrage du réalisateur tessinois Erik Bernasconi, Questo è mio, précisément basée sur l’ouverture de la seconde partie de ce même Discours («Le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire, ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile») a ainsi donné lieu, en mars dernier, à des échanges multiples. Le rejet par le citoyen de Genève de toute compromission avec ceux dont il se faisait fort de critiquer le pouvoir abusif n’a pas été non plus, on le comprend aisément, sans susciter quelque mouvement de sympathie: le symbole ne pouvait, au moment même où l’on envoyait une vieille dame dans certain parlement, que stimuler la pensée en cours.

Quid, dès lors, des aventures de Rousseau en Birmanie? Une première traduction de ses œuvres en birman sera prochainement proposée à l’équipe mise en place par l’Institut français de Yangon; une réflexion sera instaurée, grâce à des professeurs birmans, sur les passerelles possibles entre la philosophie occidentale et certains aspects du bouddhisme Theravāda; plusieurs articles destinés à des revues birmanes, actuellement en pleine expansion, permettront d’initier un cycle d’échanges entre Yangon, la Suisse et Paris. Gageons que ces quelques initiatives, certes encore limitées, soient le point de départ de manifestations toujours plus nombreuses: une étude de réception permettra alors d’évaluer ce qu’est devenu, depuis l’année de son tricentenaire, ce Rousseau birman.

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