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Birmanie - Les damnés de la junte

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Message  Admin Mer 29 Juin 2011 - 4:44

Birmanie - Les damnés de la junte Birmanie_articlephoto

Sur la côte ouest, dans l’Etat d’Arakan, la ­population birmane muselée assiste au hold-up de ses réserves naturelles. Sans aucun profit pour elle et avec de lourdes conséquences pour l’environnement. Ici, l’Inde et la Chine se font une guerre féroce pour ­décrocher des marchés énormes : gaz, ­pétrole, infrastructures... Et les militaires au pouvoir récoltent sans scrupules leurs parts de bénéfice.

La plage est saccagée, et avec la prochaine mousson nous allons subir un désastre. » Malgré le verrouillage de la parole en Birmanie, le jeune étudiant Phru Gri laisse exploser sa colère. La douce Sittwe, capitale de l’Arakan (l’un des sept Etats de l’Union du Myanmar), est devenue Sittwe la mutilée. Jusqu’à ce jour, depuis View Point, extrémité d’une langue de terre, on découvrait l’un des plus beaux paysages maritimes du Sud-Est asiatique. Là où les eaux douces de l’ample Kaladan se jettent dans les profondeurs salées des fonds marins du golfe du Bengale, une plage de sable fin et gris s’étendait à perte de vue. Aujourd’hui, sur fond de deux îles se découpant sur un horizon légèrement embrumé, une noria de camions et de tracteurs creuse et emporte le sable. Les bennes ne vont pas loin. Juste à quelques kilomètres. Sur un énorme chantier : la construction par l’Inde d’un port en eaux profondes.

Mais pourquoi détruire cette plage, jusque-là préservée, plutôt que d’aller chercher ailleurs les matériaux ? Le Pr Mya Min, pull marine sur longyi à fins carreaux, le même que portent presque tous les hommes du pays, explique à voix basse : « Pots-de-vin, bien sûr ! Un Rakhaing* comme nous, mais de mèche avec les autorités, a obtenu ce marché contre 4 000 kyats (quelques euros). Somme dérisoire, mais compensée par les 500 kyats qu’il perçoit pour le moindre chargement de sable et 1 000 par gros camion. Vu le va-et-vient jour et nuit, c’est une bonne affaire ! »
Les dégâts à View Point ne sont pourtant qu’un faible avant-goût de ce qui attend les territoires de deux Etats de l’Ouest birman, l’Arakan et l’Etat Chin. Un Arakan devenu l’enjeu de convoitises internationales depuis qu’une série de forages offshore a révélé, en 2004, la présence d’énormes réserves de gaz au large de la ville de Sittwe. Gaz et pétrole constituent, après l’opium et les pierres précieuses, la principale source de revenus pour la junte au pouvoir.

19 compagnies étrangères... et en guerre

Selon le Réseau d’information et de documentation pour le développement durable et la solidarité internationale (Ritimo), les exportations de gaz birman ont augmenté de près de 30 % entre 2007 et 2008, représentant 43 % des exportations totales durant l’année. Explosion similaire dans le secteur des hydrocarbures puisque, selon le ministère birman de la Planification nationale et du Développement économique, l’investissement étranger dans le secteur pétrolier a, pour la même période, triplé. Toujours selon des sources officielles, 13 compagnies étrangères, dont Total, étaient impliquées en 2008 dans des projets pétroliers ou gaziers en Birmanie. Elles sont 19 aujourd’hui. Entre ces multinationales planétaires, c’est une guerre féroce. Quand le principal champ gazier est mis au jour à Shwe, au large de Sittwe, les compagnies indiennes, chinoises et coréennes se précipitent pour en décrocher la concession. Prêtes à investir des sommes colossales.

C’est finalement le groupe coréen Daewoo qui décroche l’exploitation de 100 milliards de mètres cubes de gaz. La Corée du Sud revendra le gaz de Daewoo à la Chine et l’acheminera par gazoduc vers le Yunnan. Pour rejoindre cette province du Sud-Ouest chinois, le gazoduc traversera tout le nord de la Birmanie. Il sera doublé d’un oléoduc qui transportera le pétrole que la Chine importe d’Afrique et du Moyen-Orient, évitant ainsi le détroit de Malacca** situé entre la Malaisie et l’île de Sumatra. Shwe Gas, ce sera ces deux pipelines construits côte à côte sur près de 1 200 kilomètres, au nez de la population birmane qui, elle, subit les restrictions. « Quand je pense que nous ne disposons d’électricité – pour les rares habitants qui y ont accès – que quelques heures par jour », s’insurge Aung Aung, un habitant de Mrauk U, la deuxième ville de l’Etat arakanais. « Comment nos dirigeants peuvent-ils ­exporter de l’énergie alors que notre pays en a tant besoin… »

Expropriations, confiscations, exactions

La construction de ces deux pipelines génère beaucoup d’inquiétude. Caritas (réseau international du Secours catholique) et Shwe Gas Movement, deux organisations non gouvernementales, avertissent : « Déjà 13 200 soldats de l’armée birmane auraient pris position aux abords de cette route large de 50 mètres, faisant craindre aux autochtones, comme par le passé, la confiscation de leurs terres, les déplacements forcés ou les travaux forcés ; sans compter les abus provoqués par les soldats. » Selon l’ONG EarthRights International (ERI), ce projet Shwe — le plus important jamais réalisé en Birmanie — va rapporter à la junte au pouvoir près de 48 milliards de dollars (32 milliards d’euros) sur trente ans.

Quant à l’Inde, en avril 2009 elle emporte le marché de la construction d’un port en eaux profondes à Sittwe (livraison prévue en 2013). Les raisons sont géopolitiques : concurrence avec la Chine, défense de ses intérêts commerciaux, accroissement spectaculaire de ses besoins énergétiques, ­développement de mouvements armés dans ses provinces frontalières avec la Birmanie, autant de facteurs qui la portent vers cet Etat en bordure du golfe du Bengale, stratégique pour elle. Ce port va en effet permettre aussi à l’Inde de ­relier les ports de sa côte orientale – Chennai (Madras) et surtout Calcutta – au marché asiatique. Et aussi de désenclaver ses Etats du Nord-Est, car ce projet – Kaladan Multi-Modal Transport (KMMT) – prévoit aussi la domestication de la rivière Kaladan jusqu’au port fluvial de Paletwa, puis la construction d’une autoroute jusqu’à l’Inde du Nord-Est.

Une nouvelle source de revenus pour la junte

Les bureaux du groupe indien Essar se sont installés à Sittwe, sur Strand Road, à proximité du futur port, où chaque jour les habitants se pressent au cœur du marché central qui regorge de produits manufacturés made in China (que Delhi rêve de transformer en made in India grâce à ses futurs cargos). Leurs portes sont grandes ouvertes mais impossible d’engager une conversation avec les employés. Un « nous n’avons rien à dire » stoppe tout échange, avec des visages aussi verrouillés que ceux des soldats de Tatmadaw, l’armée birmane. « Composante majeure du contrat, a déclaré le porte-­parole d’Essar au quotidien indien “The Telegraph”, la construction du port de Sittwe aidera au développement des infrastructures en Birmanie, ce qui représente une chance pour ce pays et permettra de créer des emplois. » Ajoutant, comme s’il ne s’agissait pas d’une évidence : « Elle aidera aussi le gouvernement birman à gagner beaucoup d’argent. » Le contrat est évalué à 3,42 milliards de roupies (51 millions d’euros), selon Mizzima News, une agence de presse de New Delhi fondée par des Birmans en exil. L’Arakan Rivers Network s’indigne : « L’Inde apporte une nouvelle source de revenus à la junte birmane, semblant ignorer le discrédit jeté sur ce gouvernement pour son absence de démocratie. »

Pollution des mers et déforestation

Pour l’heure, le port de Sittwe ne peut accueillir que des bateaux de petit tonnage (2 000 à 3 000 tonnes) et conserve son activité traditionnelle dans un décor resté intact. Le matin, de longues barques déchargent leur cargaison à dos d’hommes, assaillies par une foule venue s’approvisionner et par des courtiers faisant monter les enchères du poisson étalé par terre. Une vision venue du fond des âges, bientôt anéantie par les nouvelles infrastructures et les bateaux à très lourd tonnage. Un homme d’affaires rakhaing qui – comme souvent les décideurs – a troqué le longyi traditionnel pour le pantalon à l’occidentale confie : « J’approuve ce chantier qui démarre, car nous avons besoin d’un grand port pour nous ouvrir au commerce international. Mais, poursuit-il en baissant la voix, je déplore que le gouvernement de notre pays se désintéresse des conséquences environnementales et écologiques de cet énorme chantier. » Et il ajoute, amer : « Nos dirigeants laissent faire parce qu’on leur graisse largement la patte ! »

Comme lui et le jeune Phru Gri, ou le Pr Mya Min, ils sont nombreux à s’inquiéter des conséquences de cet énorme projet KMMT sur l’environnement et les populations déjà fragiles de ces Etats d’Arakan et de Chin, dont beaucoup ne vivent que des ressources de la rivière. Arakan Oil Watch (AOW), organisation non gouvernementale indépendante basée en Thaïlande, dénonce « les milliers d’acres de terre d’ores et déjà confisquées, les bas salaires irréguliers pour les travailleurs locaux, le manque de participation à la prise de décisions, le déploiement des troupes et l’absence de bénéfice pour les populations locales ». A quoi s’ajoutent, selon plusieurs associations, pollution des espaces marins, accélération de la déforestation et de l’exploitation du bois de teck.

Exploités sur leur propre terre

Pendant ce temps, une bonne partie des habitants vit avec un revenu journalier de moins de 2 euros. Et, pauvres parmi les pauvres, des musulmans venus du Bangladesh à l’époque de la colonisation anglaise y exercent les tâches les plus rudes. On les retrouve donc, tout naturellement, sur ce chantier, à pelleter en équipes de jour ou de nuit, à transporter sur le dos les matériaux de base du futur port, tandis que, dans une autre partie de la ville, mais pour le même projet, leurs mères ou leurs sœurs déblaient les moellons apportés de la rivière Lemro dans de lourdes et vétustes embarcations. Toute la journée, coiffées d’un pesant panier-chargement, elles vont et viennent du bateau jusqu’au carré grossièrement constitué de quatre planches de bois, qui « étalonne » leur paie : 2 500 kyats (2,20 euros) quand elles en ont rempli quatre. Un salaire groupé, et non individuel. L’équipe peut varier de 6 à 8 ou 10 femmes. Le montant, lui, reste inchangé.

* Nom des habitants de l’Arakan. ** Etroit passage maritime fréquenté par plus de 50 000 navires par an, transportant un quart des biens échangés dans le monde et actuellement 80 % du 1,5 milliard de barils de pétrole importé chaque année par la Chine.

http://www.parismatch.com/Actu-Match/Monde/Actu/Birmanie-les-damnes-de-la-junte-307137/

Un peuple sous surveillanceAccès à Internet incertains, contrôles de papiers fréquents, les Birmans survivent entre restrictions et interdictions.

« Il est interdit d’aller sur les sites qui traitent de politique. » Ce message punaisé sur les murs d’un cyberespace de Mawlamyine, capitale de l’Etat Môn au sud-est de Rangoon, ne semble pas perturber la jeunesse qui raffole des chats et de Facebook. Même si le réseau Internet couvre aujourd’hui la plus grande partie du pays, l’accès est loin d’y être garanti ! Et il n’est pas rare de se cogner au « no connection today » d’un patron de cyberespace.
Rien de tel à Rangoon ou dans les lieux les plus touristiques du pays. Pourtant, cette année, la deuxième ville du pays, Mandalay, apparaît « touchée »
par ces ratés. Difficultés techniques ? Verrouillage arbitraire ? Personne ne sait, mais le même scénario se répète au fil des jours : à peine le temps de saisir un message, et l’écran vire au noir profond. Les Birmans restent sereins, en apparence du moins. Ils ont l’habitude. Adolescents en jeans et baskets ou clients en longyi, pas un seul ne réagit quand l’ordinateur plante. Impassibles, ils se lèvent et paient ce qu’ils doivent.

Dans ce magnifique pays ponctué de stupas dorés et de pagodes multicentenaires, si on ne « navigue » pas comme on veut, pas question non plus de se déplacer où l’on veut. Quelques régions sont formellement interdites, d’autres accessibles seulement avec des autorisations. Dans certaines zones, les check points peuvent frôler l’overdose. Autour de Myitkyina, par exemple, ville du Nord où vivent côte à côte des Kachines (l’ethnie majoritaire sur place), ouvertement catholiques (de grandes croix sont peintes sur leurs maisons), des bouddhistes, des musulmans venus du Cachemire, des sikhs, et des Chinois, l’accueil à l’aéroport se fait sous l’œil de miradors armés. Une simple escapade aux sources de l’Irrawaddy (long fleuve qui zèbre la Birmanie du nord au sud et dont le delta fut ­ravagé par le cyclone Nargis en 2008) sera prétexte, en pleine nature, à plusieurs contrôles de papiers tatillons sous un feu de questions.

Rien, cependant, comparé à la surveillance du bus qui transporte des passagers vers la ville située à 180 kilomètres de là, Bhamo. Après vérification des bagages, un militaire en civil, courtois mais autoritaire, réclame pas moins de six photocopies de passeport avant de m’autoriser l’accès au car. Sans ces papiers, pas de route possible. Après une vingtaine de kilomètres de route, le bus s’arrête. Tout le monde doit descendre (à l’exception de l’étrangère) et la petite troupe est sommée de marcher une centaine de mètres, sous le regard inquisiteur de militaires qui en fouilleront certains. Enfants avec leur mère, jeunes et vieux, tous doivent se soumettre. Puis ils recommenceront quelques kilomètres plus loin. Et enfin une troisième fois à l’approche de la ville.
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