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Western Union, l’ami intéressé des sans-papiers

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Western Union, l’ami intéressé des sans-papiers Empty Western Union, l’ami intéressé des sans-papiers

Message  Admin Dim 21 Fév 2010 - 7:28

Western Union illustre parfaitement la façon dont les flux migratoires changent le monde. La société, qui fait quasiment partie du patrimoine historique américain, engrange près de 1 milliard de dollars [670 millions d’euros] par an en aidant les émigrés pauvres du monde entier à envoyer de l’argent dans leur pays d’origine. Les mouvements transfrontaliers influent sur le cours de son action, et ses chercheurs mettent moins de temps que le Bureau du recensement à localiser les mouvements migratoires. Avec cinq fois plus de sites dans le monde que McDonald’s, Starbucks, Burger King et Wal-Mart réunis, Western Union fait figure de mastodonte au milieu de centaines de sociétés de transfert de fonds. Mal connues du grand public et peu étudiées par les universitaires, ces entreprises forment l’infrastructure des migrations internationales, une force qui refaçonne l’économie, la politique et les cultures dans le monde.
En 2006, les migrants des pays pauvres ont expédié chez eux quelque 300 milliards de dollars [200 milliards d’euros, estimation qui comprend les fonds non déclarés], une somme près de trois fois supérieure à l’ensemble des budgets publics d’aide internationale. L’étendue inégalée du réseau de Western Union leur procure un moyen sûr de transférer des fonds. Mais d’aucuns dénoncent depuis longtemps le montant des frais prélevés, qui peuvent dépasser 20 % de la somme envoyée. Après un procès dans lequel elle avait été accusée de dissimuler d’importantes commissions, et qui s’est soldé par un accord à l’amiable, la société a entrepris, il y a quelques années, de redorer son blason en se posant comme l’ami digne de confiance des migrants. Elle a dépensé plus de 1 milliard de dollars en publicité depuis quatre ans, réduit certains de ses tarifs et fait une intrusion dans la vie politique américaine, en finançant des organisations de défense des immigrés et en militant pour la régularisation des sans-papiers. Si certaines associations l’accusent toujours de pratiquer des tarifs prohibitifs, l’entreprise a aussi reçu des louanges inattendues. “Western Union est devenu une entreprise qui respecte ses clients et les défend”, estime Matthew Piers, l’avocat de Chicago qui l’avait naguère poursuivie en justice. “J’ai été le premier surpris par cette mutation, car j’étais auparavant le détracteur le plus virulent de cette société.”
A Manille, la cour assidue que fait Western Union aux migrants saute aux yeux. Un bureau officiel reçoit chaque année 500 000 Philippins qui viennent chercher les papiers indispensables pour partir travailler à l’étranger. Dans la salle d’attente, tout porte la marque de Western Union, des dossiers des chaises aux plateaux des bureaux, en passant par le menu affiché dans la cafétéria adjacente. Même les murs sont peints en jaune, la couleur de l’entreprise. Tous les candidats à l’émigration doivent participer à un séminaire avant leur départ. Western Union a payé pour avoir le droit de leur parler, dans ce cadre, des transferts de fonds. “Nous leur présentons nos services”, indique Steve Peregrino, le directeur commercial aux Philippines, “pour qu’ils aient le réflexe de faire appel à nous une fois qu’ils seront à l’étranger.” Dans la salle d’attente, les impressions recueillies sont plutôt positives. Ernald Vincent Mendoza, directeur d’un restaurant en Arabie Saoudite, rejette l’argument de son épouse, pour qui les tarifs de la société font du tort aux pauvres. Les banques sont certes moins chères, mais les fonds mettent une semaine à parvenir au destinataire, alors qu’avec Western Union, souligne-t-il, c’est immédiat. “Un service de qualité, ça se paie”, conclut-il.

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L’histoire de Western Union remonte à 1851, lorsque ses fondateurs entreprennent de bâtir le premier géant américain du télégraphe. Dix ans plus tard, ils reliaient l’Atlantique au Pacifique. Mais, avec le courrier aérien et la télécopie, les télégrammes deviennent obsolètes et la société fait faillite en 1992. Elle renaît deux ans plus tard, recentrée sur le service de transfert de fonds, et se fait racheter en 1995 par First Data [dont elle est devenue indépendante en 2006]. S’ensuit alors une période de prospérité. Dopés par l’explosion des migrations, les transferts d’argent internationaux augmentent de 20 % par an.
C’est à ce moment que, en 1998, Matthew Piers poursuit la société et sa concurrente MoneyGram, au motif qu’elles trompent les clients avec des slogans tels que “Envoyez 300 dollars au Mexique pour 15 dollars”, alors qu’elles gagnent en général bien plus (en l’occurrence 25 dollars de plus), en fixant les taux de change à leur avantage. Tout en rejetant les accusations, les deux sociétés déboursent plusieurs millions de dollars pour mettre fin à la procédure. Dans cette affaire, Western Union est apparu comme une entreprise “cupide” et “froide”, estime une étude interne, qui préconise de projeter une image plus compatissante. Le but étant de conquérir une “partie de l’esprit” et une “partie du cœur” de l’opinion afin de s’assurer une “partie de son portefeuille”. Auparavant la société vantait son efficacité (“le moyen le plus rapide d’envoyer de l’argent”), désormais, elle met l’accent sur le dévouement que représente tout envoi de fonds. “Vous envoyez bien plus que de l’argent”, serinent ses publicités.
La firme parraine aussi des centaines de manifestations à caractère ethnique (festivals, concerts et événements sportifs, matchs de cricket pour les Indiens de Dubaï ou courses en sac pour les Jamaïquains du Queens, à New York). En 2006, elle a engagé une vedette de la pop philippine, Jim Paredes, pour qu’il enregistre une chanson en tagalog exhortant les émigrés à envoyer de l’argent au pays. Elle a aussi payé les producteurs d’un film de Bollywood, Namastey London, pour qu’ils tournent une scène dans laquelle un virement effectué via Western Union permet de sauver l’héroïne. L’agent de Western Union au Panamá, Jaime Lacayo, a lui-même joué le rôle du sauveur. Nombre de ses clients étant des sans-papiers – la plupart originaires de Colombie –, il a par ailleurs lancé une émission de radio et fait appel à trois avocats. Pendant deux ans, les juristes ont répondu aux questions des auditeurs et les ont reçus gratuitement pour les aider à régulariser leur situation. “Chaque fois qu’un immigré est expulsé, nous perdons un client potentiel”, explique Jaime Lacayo. “Nous avons participé à de nombreux mariages entre étrangers et Panaméennes, parce que c’est le meilleur moyen pour eux d’être régularisés.”
Western Union se targue de posséder 320 000 agences dans le monde entier. Nombre de ses agents sont de grandes organisations, comme la poste chinoise ou des chaînes de supermarchés. Mais l’entreprise recrute aussi, sur le terrain, des personnalités locales estimées. Parmi elles figure Michael Lee, un ancien clandestin qui possède un magasin d’électronique dans le Chinatown new-yorkais. Western Union lui avait laissé envisager une centaine de transactions par mois. Il en effectue en réalité 100 000 par an, et empoche 2,50 dollars par opération. Une grande partie de sa clientèle se trouve en situation irrégulière, et son activité a diminué de 40 % au printemps 2007 après une série de descentes des services de l’immigration. “Beaucoup d’immigrés ne possèdent pas de carte de séjour, et ils ont peur”, constate-t-il.
En 2004, Charles Fote, alors président de First Data, a prononcé un discours appelant à une réforme “globale” de l’immigration, reprenant le terme employé par les partisans de la régularisation des sans-papiers. Depuis, la société a parrainé des forums publics afin de donner un écho à cette revendication, et elle a offert 100 000 dollars à une association qui a tenté – en vain – de s’opposer à la Proposition 200 en Arizona, un texte obligeant à prouver sa nationalité américaine pour pouvoir voter ou toucher certaines prestations de l’Etat.
Lorsque le débat s’est déplacé à Washington, Western Union a soutenu de nombreuses organisations qui militent en faveur de la régularisation. La Chambre de commerce des Etats-Unis a ainsi reçu un chèque “à six gros chiffres”, confie l’un de ses responsables, tandis qu’une association de l’Illinois a pu, grâce à l’argent de Western Union, emmener des immigrés par autocars entiers à Capitol Hill, le siège du Congrès à Washington. Lorsqu’un projet de loi soutenu par les démocrates et les républicains a été présenté au Sénat au printemps 2007, des cadres de l’entreprise se sont rendus dans la capitale fédérale pour se charger eux-mêmes du lobbying, notamment auprès du sénateur démocrate du Colorado Ken Salazar. L’élu a soutenu le texte, qui n’a cependant pas été adopté.
Le dernier combat en date de Western Union est celui engagé contre le ministre de la Justice de l’Arizona, le démocrate Terry Goddard. En 2004, ce dernier a commencé à saisir les fonds transférés vers son Etat, qui, soupçonnait-il, servaient à payer des passeurs de clandestins. Ses efforts ont conduit à des centaines d’arrestations, mais ils ont également gelé des transferts légaux et fait fuir des clients, faisant perdre des millions de dollars à Western Union. Après deux ans de coopération, la firme a contre-attaqué devant la justice, lorsque Terry Goddard a voulu étendre la mesure aux transferts depuis tous les Etats-Unis vers l’Etat du Sonora, au Mexique. En septembre 2007, un tribunal de l’Arizona a donné raison à Western Union. Si la résistance de la société lui a valu les éloges des organisations d’immigrés, elle a provoqué la colère du ministre. Cette entreprise “défend une activité illégale de trafic d’êtres humains, c’est scandaleux”, s’est-il indigné.


source www.courrierinternational.com
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