Derrière la pêche industrielle thaïlandaise, les récits d'esclavage
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Derrière la pêche industrielle thaïlandaise, les récits d'esclavage
RAYONG (Thaïlande) - Des milliers de Birmans et de Cambodgiens travaillent sur les riches bateaux de pêche thaïlandais, mais à bord se côtoient parfois ouvriers en règle et esclaves des temps modernes. Avec des récits de meurtres, de violence, de terreur.
Le jour où Hla Myint a vu la mer la première fois, c'est après un trek d'une semaine à travers la jungle pour rejoindre la côte thaïlandaise depuis la Birmanie. Le début de sept mois "en enfer", marqués par des violences "chaque jour, chaque heure".
Son témoignage en rejoint bien d'autres dans un secteur qui, selon plusieurs rapports, s'appuie sur le travail forcé.
Hla Myint a décidé de plonger du bateau où il était retenu après avoir assisté à l'exécution d'un compagnon d'infortune.
L'homme, qui avait tenté de s'évader, a été torturé devant l'équipage. "Puis ils l'ont emmené à l'arrière du bateau, l'ont fait monter sur le bord et lui ont tiré une balle dans la tête", ajoute celui qui aide désormais une association à recueillir les fuyards.
Son histoire, il l'a racontée à l'AFP lors d'une opération pour récupérer quatre Birmans près de la ville de Rayong, à une heure et demie de Bangkok. "Ils m'ont dit que si j'essayais de me sauver, une balle ne coûterait que 25 bahts" (83 cents), a raconté Myo Oo, 20 ans.
Mana Sripitak, de l'Association nationale de la pêche, affirme qu'il est "impossible" que le travail forcé soit utilisé. Mais le gouvernement lui-même reconnaît un flou propice aux malversations et promet l'enregistrement futur de tous les bateaux.
"On ne peut pas savoir ce qui se passe quand les bateaux quittent la côte. Les ouvriers peuvent être torturés ou détenus. Les capitaines exercent un contrôle absolu et ils peuvent maltraiter les gens", admet sans détour Sirirat Ayuwathana, du ministère du Développement social, en charge du trafic des êtres humains.
Impunité et collusion
Les Nations unies, tout en évoquant des efforts du pouvoir, ont récemment dénoncé un phénomène "qui augmente en proportion".
A bord, les hommes travaillent 20 heures par jour, sept jours sur sept. Certains bateaux-mères se déplacent pour faire le plein des navires, en fuel et en personnel. Certains sont ainsi piégés des mois, voire des années, jusqu'au large de la Somalie, selon l'Office international des migrations (OIM).
Selon Phil Robertson, auteur du rapport de l'OIM et directeur adjoint en Asie de l'organisation Human Rights Watch, la police avoue retrouver jusqu'à dix corps par mois rapportés par le courant.
Et en 2009, la moitié d'un groupe de Cambodgiens victimes de ce trafic et interrogés dans le cadre d'un programme des Nations unies ont affirmé avoir vu leur capitaine exécuter un homme.
"Ils sont perdus dans la machine de la globalisation, de l'industrialisation. C'est vraiment effrayant", relève Andy Hall, expert en migrations de l'université Mahidol de Bangkok.
En 2010, la pêche thaïlandaise a engrangé un chiffre d'affaires de 16,95 milliards de bahts (565 millions de dollars). Quelque 35.000 immigrés sont dûment enregistrés, principalement des Cambodgiens et Birmans. Mais Phil Robertson affirme que des milliers d'autres ont été réduits au travail forcés depuis dix ans.
"C'est une industrie sans foi ni loi depuis des années. Le trafic s'est développé comme un modèle de fait pour un capitaine de bateau, qui veut quitter le port sous 24 ou 48 heures, et qui manque d'hommes. Il sait qui appeler", affirme-t-il, demandant un boycott général de la Thaïlande en attendant une véritable réglementation.
Bangkok figure sur une liste dressée par le Département d'Etat américain des pays à surveiller en matière de trafic d'être humains. Et la rapporteuse spéciale de l'ONU sur cette question, Joy Ngozi Ezeilo, confirme sa préoccupation.
"L'impunité des trafiquants, et la collusion avec les officiels et les instances d'application de la loi, annihilent vraiment les efforts du gouvernement et l'efficacité de sa lutte contre le trafic des êtres humains", a-t-elle expliqué à l'AFP.
Myo Oo, dont la véritable identité a été dissimulée, a payé 1.000 bahts (33 dollars) pour arriver jusqu'à Bangkok, avec son frère de 16 ans.
Après cinq jours dans la jungle, ils ont été hissés dans un camion, puis séparés à Rayong. Aujourd'hui, il craint pour la survie de son petit frère. "Je ne m'attendais pas à avoir aussi peur pour ma vie".
Il craint aussi que les autorités thaïlandaises l'identifient et l'expulsent. Rescapé de l'esclavage, il ne lui reste que quelques vêtements loqueteux sur le dos. Et l'espoir d'une vie meilleure.
AFP
Le jour où Hla Myint a vu la mer la première fois, c'est après un trek d'une semaine à travers la jungle pour rejoindre la côte thaïlandaise depuis la Birmanie. Le début de sept mois "en enfer", marqués par des violences "chaque jour, chaque heure".
Son témoignage en rejoint bien d'autres dans un secteur qui, selon plusieurs rapports, s'appuie sur le travail forcé.
Hla Myint a décidé de plonger du bateau où il était retenu après avoir assisté à l'exécution d'un compagnon d'infortune.
L'homme, qui avait tenté de s'évader, a été torturé devant l'équipage. "Puis ils l'ont emmené à l'arrière du bateau, l'ont fait monter sur le bord et lui ont tiré une balle dans la tête", ajoute celui qui aide désormais une association à recueillir les fuyards.
Son histoire, il l'a racontée à l'AFP lors d'une opération pour récupérer quatre Birmans près de la ville de Rayong, à une heure et demie de Bangkok. "Ils m'ont dit que si j'essayais de me sauver, une balle ne coûterait que 25 bahts" (83 cents), a raconté Myo Oo, 20 ans.
Mana Sripitak, de l'Association nationale de la pêche, affirme qu'il est "impossible" que le travail forcé soit utilisé. Mais le gouvernement lui-même reconnaît un flou propice aux malversations et promet l'enregistrement futur de tous les bateaux.
"On ne peut pas savoir ce qui se passe quand les bateaux quittent la côte. Les ouvriers peuvent être torturés ou détenus. Les capitaines exercent un contrôle absolu et ils peuvent maltraiter les gens", admet sans détour Sirirat Ayuwathana, du ministère du Développement social, en charge du trafic des êtres humains.
Impunité et collusion
Les Nations unies, tout en évoquant des efforts du pouvoir, ont récemment dénoncé un phénomène "qui augmente en proportion".
A bord, les hommes travaillent 20 heures par jour, sept jours sur sept. Certains bateaux-mères se déplacent pour faire le plein des navires, en fuel et en personnel. Certains sont ainsi piégés des mois, voire des années, jusqu'au large de la Somalie, selon l'Office international des migrations (OIM).
Selon Phil Robertson, auteur du rapport de l'OIM et directeur adjoint en Asie de l'organisation Human Rights Watch, la police avoue retrouver jusqu'à dix corps par mois rapportés par le courant.
Et en 2009, la moitié d'un groupe de Cambodgiens victimes de ce trafic et interrogés dans le cadre d'un programme des Nations unies ont affirmé avoir vu leur capitaine exécuter un homme.
"Ils sont perdus dans la machine de la globalisation, de l'industrialisation. C'est vraiment effrayant", relève Andy Hall, expert en migrations de l'université Mahidol de Bangkok.
En 2010, la pêche thaïlandaise a engrangé un chiffre d'affaires de 16,95 milliards de bahts (565 millions de dollars). Quelque 35.000 immigrés sont dûment enregistrés, principalement des Cambodgiens et Birmans. Mais Phil Robertson affirme que des milliers d'autres ont été réduits au travail forcés depuis dix ans.
"C'est une industrie sans foi ni loi depuis des années. Le trafic s'est développé comme un modèle de fait pour un capitaine de bateau, qui veut quitter le port sous 24 ou 48 heures, et qui manque d'hommes. Il sait qui appeler", affirme-t-il, demandant un boycott général de la Thaïlande en attendant une véritable réglementation.
Bangkok figure sur une liste dressée par le Département d'Etat américain des pays à surveiller en matière de trafic d'être humains. Et la rapporteuse spéciale de l'ONU sur cette question, Joy Ngozi Ezeilo, confirme sa préoccupation.
"L'impunité des trafiquants, et la collusion avec les officiels et les instances d'application de la loi, annihilent vraiment les efforts du gouvernement et l'efficacité de sa lutte contre le trafic des êtres humains", a-t-elle expliqué à l'AFP.
Myo Oo, dont la véritable identité a été dissimulée, a payé 1.000 bahts (33 dollars) pour arriver jusqu'à Bangkok, avec son frère de 16 ans.
Après cinq jours dans la jungle, ils ont été hissés dans un camion, puis séparés à Rayong. Aujourd'hui, il craint pour la survie de son petit frère. "Je ne m'attendais pas à avoir aussi peur pour ma vie".
Il craint aussi que les autorités thaïlandaises l'identifient et l'expulsent. Rescapé de l'esclavage, il ne lui reste que quelques vêtements loqueteux sur le dos. Et l'espoir d'une vie meilleure.
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