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Siam :un peu d 'air, de mystère et de beauté dans ce monde de brute

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Siam :un peu d 'air, de mystère et de beauté dans ce monde de brute Empty Siam :un peu d 'air, de mystère et de beauté dans ce monde de brute

Message  Admin Mer 4 Jan 2012 - 6:59

Les Wats ou vats, temples, pagodes sont nombreux en Thaïlande. Aussi nombreux que les églises en France. Soit environ 28.000. Certains fort anciens mais, le plus souvent reconstruits, ils sont, dans leur grande majorité, des 19 et 20 ème siècle. Le Wat est un ensemble religieux qui comprend quelques habitations pour les moines – talapoins-, le Stupa ou chedi , reliquaire, qui est une haute tour et l ubosot grande salle nue, lieu de prières et d ordination, de recueillement, de vœux et de remerciements

On y vient quand on veut, selon l envie ou le besoin, on s ‘y assoit, y discute, boit , mange et se prosterne, allume force bâtonnets d encens, regarde longuement les fresques murales, le quitte à convenance, le coeur soulagé et content : l’ ubosot est toujours là sous son triple toit surmonté de chofas .Y trônent beaucoup de statues de Bouddha plus ou moins identiques. Il n y a pas de sièges. On se déchausse pour entrer. La plupart des murs sont quasi intégralement peints. Ce qui fait de la fresque murale, vu la quantité de pagodes, l art majeur de la Thaïlande
Les thèmes peints sont extrêmement limités. Il s agit quasi toujours des jatakas*, récits des vies antérieures de Bouddha ou plus exactement de Bodhisatta*, (1) très rarement des vies de Bouddha lui même. Et parmi ces plus de 500 vies antérieures, seules les dix dernières font l objet de plus de 90 % des illustrations, et sur ces dix dernières, deux se retrouvent dans la plupart des murales peints. Par ailleurs dans toute l’Asie du Sud-Est bouddhisme et hindouisme ont été mélangés depuis le début de l’indianisation de la région et le Ramayana hindou, sa mythologie pour ne pas dire ses légendes ou histoires ou épopées, imprègne la culture bouddhiste thaïe sous la forme du Ramakien, version thaïe du Ramayana qui finit par constituer un fond merveilleux aux enseignements bouddhistes de la même façon que la Bible constitue pour l’Occident un arrière plan d’images fortes et d’histoires édifiantes pour l’enseignement christique.
Les formes, quant à elles, peuvent varier. Souvent l histoire est racontée comme une bande dessinée, en images fermées sur elles-mêmes . Mais il arrive aussi qu il n y ait pas de cadres .La fresque devient un enchevêtrement d histoires de personnages et de symboles où chacun sait et doit y suivre et trouver sa propre voie Parfois aussi l artiste ne se contente pas de répéter des formules graphiques codifiées, immuables, et restitue les événements dans un décor et un environnement qui lui sont contemporains
quand il ne donne pas libre court à une imagination qui lui permet ,comme dans certains murales contemporains, d’évoquer des personnages qui doivent plus à la BD qu’a l’imagerie traditionnelle ( voir Bangkok et Phayao )
Ainsi, à Nan au Nord Est de la Thaïlande dans le Wat Phoumin, entre 1880 et 1895 un anonyme, que nous appellerons le Maitre de Nan, peignait il des jakatas dont le jakata dit de Kattha Kumara (que nous appellerons KK) qui tiennent à la fois des évangiles, des fables de La Fontaine, des “Mille et une nuits” et surtout de l’émerveillable histoire du Ramayana * (2)-qui est à l’Inde et à l’Asie ce que serait l’enfant bâtard de la Bible, de l’Odyssée et des contes de Perrault- un murale étonnant de fraîcheur et de spontanéité où figurent en bonne place des détails savoureux sur la vie quotidienne des habitants, habits et parures, tatouages, bijoux, gestuelles et une ribambelles de jolies femmes et de galants qui leur content fleurette mais aussi l arrivée d'un bateau, apparemment français mouillé dans une rade, un trois-mâts, pavillon dressé, un capitaine, une troupe en shako en train de défiler derrière un capitaine à cheval , ainsi qu’ un bateau à roue, une bombarde,

Mais de quels événements s agit il? Les quelques phylactères semés ça et là, écrits en “dhama”, scripture bouddhiste particulière( qui ressemble au laotien à tel point qu’elle fut nommé aussi lettres du Lanna) , redondants souvent quant aux images*, en fait nous renseignent très peu.
Nan ne fut, quoique voisine, jamais rattachée au Laos mais au Royaume du Lanna qui comprenait alors Chiang Mai, Chiang Rai, Phayao et Luang Prabang, toutes les provinces du Nord Siam et du Nord Laos, qui restèrent sous contrôle birman pendant deux siècle avant que le Roi Kavida ne rétablisse le Lanna dans sa splendeur- a partir de 1786. Le Lanna ne passa sous la coupe de Bangkok -et des Rama- qu’en 1935, quand Rama abandonna le nom de Siam pour celui de Thaïlande.
De la même façon la réponse française aux demandes du souverain laotien de protéger son territoire des “pavillons noirs” chinois et des visées siamoises, l expédition de Francis Garnier, ne devait jamais aboutir à un envahissement de la région de Nan, ni à l ‘usage de la bombarde. De même que vient faire ce trois-mats dans une région située à quasi mille kilomètres de la mer et à quelques kilomètres seulement d un Mekong qui a pu voir effectivement passer des bateaux à roues, la France entreprenant, avant la fin du siècle, la navigabilité du fleuve* ? Quelques années plus tard, la France inquiétée par les « compléments » Siamois, qui occupaient lentement, mais méthodiquement, toute la haute vallée du Mékong où ils imposaient leur protectorat aux rois de Bassak. Luang-pra-bang et Muhon-sin, décidait de mettre un terme à leurs empiétement. Une flottille commandée par l’amiral Humann pénétrait dans le Ménam, s’embossait devant Bangkok qu’elle canonnait, tandis que les troupes remontant le Mékong occupaient toutes les principautés laotiennes qui en bordent le cours. Le 3 octobre 1893, le Siam reconnaissait par traité l’indépendance du Laos, qui était placé sous le protectorat français. Un traité du 15 janvier 1896 avec l’Angleterre complétait la conquête en délimitant la frontière entre le Laos français et la Birmanie anglaise. Le 13 février 1904 était signé un nouveau traité de délimitation entre la France et le Siam. Enfin, ce pays, déférant à la demande française au nom du Gouvernement cambodgien, restituait par le traité du 23 mars 1907 les provinces de Battamban et d’Angkor enlevées au Cambodge depuis 1795 et que la France avait inconsidérément abandonnées en juillet 1867.

Les peintres de murale étaient-ils des « talapouins » ? L’ état religieux dans la Thaïlande d’ aujourd’hui comme dans le Siam d’hier est facultatif – on entre et on sort de moinerie comme d’ un moulin, on se fait moine pour un mois, six mois, un an, dix ans ou la vie, on quitte l état pour le reprendre, que l on soit roi ou miséreux et surtout le moine ne fait rien et ne doit rien faire. Il n a pas de fonction civile, à peine quelques prières aux enterrements. Il ne doit pas travailler mais quêter sa pitance et s instruire surtout, en apprenant le pali* entre autre.
Aussi serait-il peu probable que l artiste fut un moine. Mais où a-t-il appris la technique picturale?*(3) Si beaucoup de murales demeurent maladroits, conventionnels et présentent d'un point de vue strictement esthétique peu d intérêt, le murale du Wat Phoumin à Nan, au contraire, est le fait d un artiste accompli, à la technique sure, au style personnel et frais loin de tout académisme.
Réaliste, il s’attache aux détails, plis et ourlets, drapé et broderies, coiffes et mantilles, robes et surcots de femmes descendant d’un bateau, apparemment européennes, apporte une attention soutenue aux tatouages des hommes, à leurs regards , leurs objets, la cigarette qu’il fume, le fusil qu’il porte, restitue dans les scènes de marché des attitudes précises, amusantes, pleine de saveurs, de couleurs, d’humour, de charme, de poésie et de vie, chignons, sacs, sarong, coiffures, gestes et attitudes, détail des maisons et même humour des phylactères *(4), loin des images et illustrations courantes qui s’attachent plus au sens général, à la signification codée, au souci de reconnaissance et d’édification, plus aux personnages figés dans le marbre des codes (qui permettent de reconnaître et de donner nom ) *(3) qu’aux individus pétris de chairs et de sentiments, créant ainsi de toute pièce une rupture importante, opérant une vraie révolution esthétique et philosophique dont on est loin, m’est avis, d’avoir saisi et senti tout l’importance le suc et le miel.

Bien qu’elles aient fait l’objet d’une recension exhaustive et de publications les fresques murales du wat Phumin à Nan sont loin d’avoir livrées tous leurs mystères et d’avoir suscité l’admiration et les soins qui leur sont dus. Je les tiens quant à moi pour les plus surprenantes et les plus achevées, les plus libres et les plus inventives de tous les nombreux murales siamois.
D’un autre coté quelle était la mobilité des artistes? Existait-il des centres publics ou religieux de formation, des “ Ecoles des Beaux-Arts” où les techniques de la fresque et du murale aient été enseignées? Ces centres, pour autant qu'ils aient existé, étaient ils régionaux ? qui les gérait? Comment s effectuait la circulation intellectuelle à la fin du XIX ème siècle? Vers Chiang Mai, d’une certaine façon capitale du Lanna? Vers Luang-Prabang ? Vers Bangkok où il est tentant de faire voyager notre héros suffisamment au fait des modes parisiennes, des grands bateaux à voiles mais aussi des travaux de Thonburi (3) des codes qu’ils fixent qu’il utilise et récuse ? Mais pourquoi ne retrouve-t-on dans les pagodes de cette ère culturelle donnée, celle du Lanna, qui est architecturalement et sculpturalement très affirmée et aisément identifiable, jamais l oeuvre peinte d un même artiste, si ce n’est, de ce même Maître de Nan un autre murale splendide à Nong Bua?
Il convient d’ajouter que notre connaissance d’un champ si vaste est encore fort fragmentaire et que la disparition des fresques anciennes due aux pillages et aux saccages birmans-du16 ème à la fin du 18eme siècle -ainsi qu'au peu d intérêt qu'elles suscitaient auprès de gens qui les jugeaient vieillotes n aident en rien notre connaissance
Cependant depuis quelques années une recension, bien partielle mais essentielle a été entreprise par la Fondation Muang Boran (MB) que finance un mécène fort généreux. Elle a jusqu'à ce jour édité une trentaine de livres illustrés de quelques 4 à 10 photos, entoilés, commentés en Thai -résumé en anglais- malheureusement fort difficilement trouvables

Au Wat Phumin le murale semble raconter le jataka dit de Khatta Kumara(kk) et à Nong Bua le jataka dit de Chanthakhat ----------------


La légende de Chanthakhat

“Chanthakhat” qui appartient aux “ Panyasa jataka” est une histoire pleine de bruits et de fureur, mélange détonnant de Perceval et d’Ulysse où le héros, jouet docile des Dieux, erre d’aventures en batailles, de femmes en femmes, de désastres en actions d’éclat, de Charibe en Scylla, aidé par des talismans fétiches et gris-gris que lui remettent démon, serpents –nagas- et autres, sous des formes diverses.-----------------------.
Il était une fois dans le royaume de Champaka-Nakkon un Roi fort vertueux mais dont la sagesse ne suffisait pas à empêcher que son royaume ne fut l’objet de mille calamités dues à l’inconduite de ses sujets. Il y avait aussi dans ce royaume une famille de pauvres paysans qui avaient deux fils Suryyakhat et Chanthakhat à nourrir. Ils y parvenaient si mal que ces derniers sans cesse réprimandés décidèrent de fuir. Ils se retrouvèrent bientôt dans une foret où ils assistèrent, médusés, au combat féroce que se livraient un serpent –qui n’était autre qu’Indra, Dieu des dieux- et une mangouste, combat qui se termina par la victoire du serpent et la mort de son ennemi qu Indra ressuscita aussitôt à l’aide d’une potion magique. Ils disparurent laissant les enfants transis et la fiole à portée de main dont Surijakhat aussitôt s’empara avant de reprendre la route----------------------------.
Dans la ville voisine de Champaka-Nakkhon vivait le roi Tham et la reine Suwanna. Ils avaient une fille, Soucha, qu’ils chérissaient beaucoup. Or un jour un serpent mordit la jeune fille qui mourut au grand désespoir de ses parents. Mais Surijakhat qui venait d ‘arriver dans la ville et habitait avec son frère chez un riche marchand nommé Sethi, mis au courant de la tragédie, courut au palais, fit boire à la jeune morte son remède miracle. Elle se réveilla de sa mort à la grande joie des parents qui derechef la lui offrir en mariage.
Son jeune frère Chanthakhat partit sur les routes et devint célèbre en guérissant de nombreux malades et en ressuscitant les morts jusqu’à ce qu’il arriva près d’Inthapa où la fille du Roi venait de mourir. Appelé à son chevet, il la soigna, lui redonna vie, la maria et devint, lui aussi Roi à la mort du Roi d’Inthapat.
Mais un jour- cinquième chant- il décida d’aller revoir ses pauvres parents à Kasi avec son épouse Thewatisangka. Ils prirent un bateau qui fut pris dans une si forte tempête qu’il sombra. La reine échouée sur le rivage ne put retrouver son mari et s’aventurant à l’intérieur des terres, rencontra une vieille et sage femme ermite, Parisuthi, qui l’invita à séjourner dans son humble demeure. Thewatsangka se consacra alors, avec Parisuthi, à une vie ascétique et peu de temps après déclina l’offre du Prince Suthasanachak de la prendre pour épouse.


Quant à Chantakhat échoué lui aussi sur le rivage il chercha des jours et des nuits durant sa femme sans la trouver mais rencontra un Roi-serpent malade, qu’il guérit. En récompense celui-ci lui remit une boule de cristal magique qui lui permettrait de connaître tout ce qui se passait dans le monde en la tenant dans sa bouche. Puis il rencontra un saint homme Vidhyadara qui lui remit une épée de cristal capable de tuer les mauvais esprits et des escarpins également de cristal qui lui permettaient de marcher sur les eaux et de voler dans les airs. Mais le sage lui fit savoir que ces talismans ne seraient actifs que s’il menait une existence d’ascète-septième chant.
Or dans la ville de Sangkatsa vivaient trois sœurs (5) d’une extrême beauté qui s’étant un jour égarées dans la foret furent menacées de mille tourments et démons que Chantakhat combattit et vainquit. Il les ramena saines et sauves à la demeure de leur père qui fut si heureux qu’il les lui offrit derechef en mariage, pour le remercier, toutes les trois, et promit de construire pour chacune un palais où résider. (*) Chantakhat passa sept jours avec chacune avant de repartir à la recherche de Thewathisanga, sa reine, qu’il ne pouvait oublier et de son frère Suryyakhat, demandant à ses beaux parents de mettre en son absence ses trois épouses sous la protection bienveillante du Roi.
Il erra ainsi des jours et des jours, des semaines et des mois, de monts en vallées, de plaines en forêts jusqu’à ce qu’il rencontra Prohmatchari, jeune princesse que le mari Suhatsanachak avait répudié, puis abandonnée sur un radeau-dixième chant- .Il la conduisit jusqu’a Suriyatha qui apprit à la jeune fille les trois vertus et l’art de la guerre. Puis avec elle il alla jusqu’a la cour du Roi Thamakhnati, père de Prohmatchari et beau-père de Suhasanachak pour lui conter l’inconduite de celui-ci. En colère et pour se venger le roi alors maria Chantakhat et Prohmatchari et le fit Prince de Anuratha-Nakhon
Il advint alors que le roi Kawintha de Wesali ouit parler de l’extraordinaire beauté de Prohmatchari à tel point qu’il en devint amoureux fou et envoya un messager pour faire à la reine une déclaration qui la fâcha si fort qu’elle lui fit dire qu’il était un vaurien et obligea Kawintha ulcéré et malheureux à prendre les armes et envahir Anuratha-Nakhon. Mais Promatchari et Chantakhat défirent l’armée de Kawintha et firent de très nombreux prisonniers qui aidèrent Promatchari à marcher à la tête d’une armée d’amazones contre Nanthakitti père de Suthatsamachak cet ex-mari qui l’avait si mal traitée. Capturé et vaincu Suthasamachak mourut d’humiliation dans sa prison.
Mais Chanthakhat qui n’avait pas oublié la reine Thewathisangka partit à nouveau à sa recherche. Enfin il la retrouva et se fut d’émerveillables retrouvailles( douzième chant) . Ils échangèrent larmes, soupirs et confidences. La reine décida de rompre ses voeux monastiques. C’est alors qu’arriva au palais Uttamathari une princesse envoyée par son père pour épouser le jeune roi qui venait de mourir. Elle épousa Chantakhat et trois ans aprés fut enceinte

L a lé g e n d e d e K h a t t h a K u m a r a

Bien avant que Bouddha n’apparaisse le Bodhisatta naquit comme Kattha Kumara. C était une jeune homme plein de vigueur et d’entrain. Partout ou il allait il répandait bonheur et paix. Un jour il arriva avec deux de ses amis a Khwangtha Buri et trouva la ville déserte. Les dieux venaient de punir son Roi et ses sujets de leurs nombreux péchés en envoyant des serpents venimeux qui avaient tué tout le monde.
Aussi quand KK arriva avec ses deux amis dans la ville, la trouvant déserte et ne sachant pourquoi ils décidèrent de battre le grand tambour du Hawklong espérant ainsi ameuter quelques personnes qui leur expliqueraient les raisons de cette désertion. Mais à peine avaient –ils commencé à battre qu’ils se rendirent compte que le tambour émettait un son curieux. Aussitôt pour en avoir le cœur net KK tirant son épée fendit le tambour d’où sortit une belle jeune fille à qui KK demanda la raison pour laquelle cette ville était vide. Elle lui dit qu’elle était la princesse Nang Kong Sing et lui conta l’histoire de la malédiction selon laquelle toute fumée qui touchait le ciel provoquait la chute de milliers de serpents venimeux.
Aussitôt avec ses compagnons KK entreprit de faire un énorme boucher et d’y mettre le feu. Dés que la fumée toucha le ciel des milliers de serpents en tombèrent. Mais KK les tua tous et la ville étant libérée ,il décida de la reconstruire ressuscitant le Roi, sa femme et tous les habitants. La ville retrouva sa gloire d’antan et fut re-baptisée Muang Nakhonrat. Il en offrit la direction à l’un de ses amis qui épousa la fille de l’ancien roi et devint roi son tour.
Puis il continua son voyage avec son deuxième ami jusqu’à ce qu’il arriva à Chawathawadi . La ville était desserte. A l’aide d’un bâton KK frappa toute chose, meubles, murs, fontaines et sol jusqu’à ce qu’arrivé à un piler il entendit des pleurs. Il ouvrit le pilier qui livra passage à une belle jeune fille qui n’était autre que la fille du Roi. Elle raconta l’histoire de la ville qui était prospère jusqu’à ce que son père aille à la chasse dans la foret. Se reposant sous un arbre il reçut sur la tête quelque’excrément d’oiseau qui le rendit si furieux qu’il ordonna de tuer tous les oiseaux de la ville. Les Dieux se mirent à leur tout en colère et décidèrent d’envoyer sur la ville de féroces oiseaux qui tuèrent toute la population sauf la fille du Roi qui se dissimula dans un pilier . Alors KK décida de faire un énorme bûcher et d’y mettre le feu. Bientôt d’énormes oiseaux fondirent du ciel. Mais KK les tua tous. Puis il reconstruisit la ville comme elle était avant, la donna à son ami pour qu’il la dirigeât après qu’il eut épousé la jolie princesse cachée dans le pilier. Puis KK quitta la ville.


David K.Wyatt publia en 1993 (6) un essai sur le murale de Wat Phumin, essai dans lequel il essaie de “démontrer” que les fresques n’ illustrent pas la légende de KK telle que nous venons de la raconter et telle qu’elle est résumée dans la recension des Editions MB mais d’une variété locale recensée par Peltier* dont le héros Kathana (déformation de Khatta Kumara -KK) est fondamentalement à la recherche du père, comme devait l’être le Roi de Nan, commanditaire vraisemblable de l’œuvre, en 1893, quand son suzerain, le Roi de Siam, signa avec les français un traité qui mettait sous leur protection et leur protectorat ses possessions légitimes, Roi qui dut donc, pense notre auteur, se sentir suffisamment abandonné et dépouillé pour s’assimiler à l’orphelin du jataka dit de Khattana. *(10)

L’idée est plaisante mais sa véracité douteuse. Une oeuvre de cette importance peut–elle être commanditée à tel point que la problématique du commanditaire inspira celle de l’artiste, c ‘est à dire que savons-nous des relations, entre autre, de pouvoir entre la singha et le pouvoir politique, et à l’intérieur de la singha entre les talapoins leur prieur et les artistes?
Mais l’œuvre est-elle vraiment, ainsi que DK la résume, si structurée autour de cette “recherche du père” ?
Il faut reconnaître que beaucoup de scènes du wat Phumin illustre bien le jakata khattana en particulier l’ histoire du pied d’ éléphant empli de l’urine d’Indra mais aussi un commentaire qui dit “ici est la maison de khattana”
Mais il est non moins évident que l’ensemble de la fresque touche majoritairement l’histoire de KK. Il y a trois personnages, clairement définis, amis, compagnons, serviteurs . Or Katthana est seul. KK tue” pour délivrer la ville d’abord des serpents puis des oiseaux” .Ainsi la fresque montre le Roi tirant vers les haut (les oiseaux) puis vers le bas ( les serpents). La scène du marché se passe, dit un écrit, à Chawatawadi, la ville où arrive KK et son deuxième compagnon. On le voit aussi délivrer la princesse de son pilier. Il est enfin dans les phylactères et par trois fois cité : “KK arrête la caravane pour se reposer” Il semble n’y avoir pas de doute possible.
Enfin la datation à laquelle Wyatt apporte une importance capitale et pointilleuse semble passer sous silence le temps de réalisation. Quelle que soit la quantité d’artistes et de petites mains qui ont participé de la réalisation de l’oeuvre il est fort probable qu’il fallut environ dix ans de travail sans compter les temps d’arrêts possibles causés entre mille autres raisons possibles par l’instabilité politique et économique que connaissait la Région dans ces années 1875-85.
Ce temps nous laisse d’ailleurs envisager l’hypothèse –vraiment conforme à ce que nous avons vu-de plusieurs artistes ayant chacun travailler à des époques différentes.
Il n’y a pas d’unité de style. La chute des serpents et des oiseaux, grossière, par exemple, n’a rien à voir avec la précision sourcilleuse et naïve des scènes galantes ou de marché, la procession, les portraits y compris ce portrait qui est considéré dit la légende comme un auto-portrait du Maître de Nan. Il ne fut pas seul par ailleurs certainement à composer ce murale. Si La porte Est semble bien du Maître dont on reconnait l’élégance la finesse des traits, les couleurs, les oiseaux et les serpents semblant tomber du ciel sont d’une autre facture. Ibidem au mur Nord, à gauche de la porte, voire toute la scène dédiée à KK et aux jeux semble d’un artiste différent, un assistant peut-être, mais la représentation de KK lui-même et l’ensemble des personnages comme Mairokha sont bien de sa main.
Plusieurs artistes intervinrent donc , à notre avis, à des époques différentes dans la réalisation mais aussi dans la réparation. La fresque que nous connaissons n’est pas la fresque d’origine. Une étude attentive non seulement des styles mais des pigments et des sous-couches nous permettent d’affirmer que de grandes parties ont été refaites voire repensées d’où l’extraordinaire enchevêtrement des histoires.
D’autant qu’aux différentes légendes viennent se greffer de nombreux aparte écrits ou dessinés qui n’entretiennent avec les légendes aucun lien. Ainsi cette inscription: “ Il faut faire attention à la propreté de la pagode sinon les démons viendront vous tourmenter” ou encore, cette fois accompagné d’un dessin “il conduit la femme au démon assoiffé de chair fraîche” ou, également illustré “ cet homme aimait voler les offrandes faites aux talapoins”. La plus curieuse étant ce dessin représentant une vieille femme que suit un jeune garçon qui s’exclame :” Tu as vraiment de gros tétons”, auquel la femme, dépoitraillée, chignon sur la tête, sarong bien noué, portant palanque, répond “ C’ est pour donner du lait aux enfants bien sur.”
Wyatt semble considérer au contraire le murale comme homogène. Il ne l’est pas.
Cette hétérogénéité se retrouve dans les histoires.
L’explication de Wyatt selon laquelle ces farang seraient le symbole d’une force étrangère, française parce que c ‘est la France qui fit du Roi de Siam une victime, semble bien légère. Comment représenter “réalistiquement” des français “symboliques” surtout quand il s’agit de soldats sanglés dans de vrais uniformes de parade et de femmes paradant dans des robes à la mode de Paris?

Mais l’histoire recencée par Peltier et considérée par DW comme ayant servi de matrice aux illustrations du Wat Phumin est très proche du jataka Chantakha que le même artiste illustra non pour le wat Phumin mais pour….Nong Bua, jataka Chantakhat dont la version Lanna est courante dans le Nord-est du Siam
Mais cela n’explique pas les soldats français, le trois-mats, le petit groupe de jeunes européennes en robe d’apparat descendant d’un navire, les troupes en marche, les scènes de vie, entre femmes, entre hommes et femmes et, en y regardant de prés entre hommes et hommes ( le regard complice que se jettent deux hommes en belle tenue accompagnées de splendides compagnes chignon parfait mantille sur de gracieuses épaules) liées.
En dernière analyse il semble que David Wyatt ait introduit beaucoup de confusions, abusé par la munificence protéiforme de Nan en déclarant que l’histoire racontée n’était pas celle de KK dans sa version “officielle” mais une histoire proche issue et développée en pays Lanna et connue sous le nom de “thao kathanam” dont il donne une version ( pages 14 à 16 ) qui a finalement peu à voir avec le wat Phumin mais beaucoup avec le Chanthaka et Nuong Ba
Contrairement à la majorité des murales où il s’agit de peindre une idée, un concept, une histoire à travers des codes picturaux voire une symbolique partagée par tous ( serpent, diadème, chiroles et castelets…)*(3) le Maître de Nan apporte aux détails et à la réalité une importance qui fait de cet oeuvre – tant à Phumin qu’à Nong Bua- une oeuvre à part, vivante et fraîche, mettant en scène une gestuelle qui est celle du quotidien – femme ajustant son chignon, homme se penchant vers une femme-et non plus celle, familière à la culture bouddhiste, où chaque pose renvoie à un sens précis fixé par le canon et la règle, d’une telle façon qu’il me semble permis de faire l’hypothèse que le Maître de Nan n’appartenait pas à la singha* de Nan, qu’ il y avait peut- être et même certainement vécu, selon la tradition bouddhiste, comme invité ou s’y invitant, mais qu’il venait d’abord d’ailleurs, ( d’où l’importance qu’il accorde à tous ces détails d’ordre ethnologique qu’il n’aurait peut-être pas “vus” si ces “curiosités”avaient été quotidiennes, d’habitude, mais qu’il repère comme “différence” donc comme signature du moment et de l’endroit mais aussi comme signature de son différent, de sa différence ( d’origine, d’habitude, de culture ). De Bangkok peut être où il aurait vu les trois-mats français embossés dans le port, ou de Luang Prabang dont il nous restitue les modes d’habillement, les coutumes libertines. Nous n’en savons rien de façon certaine.
Tout un travail d’explications et de recherches reste à faire. Nous voulions seulement par cette préface entr’ouvrir des pistes et surtout insister sur la qualité étonnante des murales, sur la personnalité de ce Maître de Nan dont on ne sait rien et qui vécut pourtant il y a peu. Si peu qu’il est possible que des gens de Nan encore vivants –mais quasi centenaires- l’aient connu.




N O T E S



(1) Gautama désigne Bouddha –homme, l’historique et siddhartha le jeune prince qu’il fut. Bodhisathva désigne le chemin qui a conduit Gautama à Bouddha c ‘est à dire a celui “qui est éveillé”. La carrière du bodhisathva à Bouddha nous est connu par les textes palis et en particulier par les textes liés à la lignée spirituelle de Gautama le Busshavamsa –les 24 prédécesseurs à l’éveil” –le premier étant Dipankara et les naissances ou vies antérieures –les jakatas

(3)La victoire remportée par le Bodhisattava sur Mara, le Mal, maître du monde des désirs est à la base de la philosophie et de la vision du monde bouddhistes. Le Bodhisattava devient Bouddha, l’éveillé. Plastiquement pour convaincre les fidèles des dangers de Mara, comme dans l’Occident chrétien avec l’enfer, la part belle sera faite à ce qui effraie, tout sera bon pour évoquer les périls les plus effrayants et les plus démoniaques.
(3bis).Au Siam le Roi Rama III –1824-1851 mit en oeuvre un vaste programme de construction et de restauration des pagodes qui permit un essor exceptionnel de la peinture murale. Les peintures de Thonburi prés de Bangkok furent peintes aux alentours de 1850 à partir des travaux de restauration entreprise par le même Roi sur les fresques du Palais Royal dit “pagode du Bouddha d’émeraude”( réalisée sous le premier règne des Chakri, Rama I, aux alentours de 1800). Cette restauration de ce qui est le plus grand ensemble de fresque de Thaïlande voire du monde et la réalisation de Thonburi fixent le genre “thai” et développe des archétypes qui seront repris amplement par la suite dans l’ensemble des pagodes. A Nan on retrouve ces archétypes dans les habits, les coiffes-en pyramides hautes pointues et dorées- les postures ( la gestuelle) . Nous reconnaissons un roi et/ou Boddhisaatva à sa coiffure, à l’épée quelquefois portée au coté .Ainsi quand il tire de sa carabine vers les oiseaux puis vers le sol –les serpents- dans la mise en images du jakata KK . Ainsi quand il joue, dans le même espace, d’un instrument de musique. Il s’agit de “la leçon des trois cordes” au cours de laquelle Indra jouant du luth engage le Boddhisatva à choisir la voie moyenne qui, éloignée de tous les excès,-sous-entendu extrémisme ascétique-lui permettra seule de progresser.
(4) “ KK traverse une foret”-“ ils jouent à des jeux locaux” “les villageois sont venus pour apprendre à tisser” “ cette maison appartient à Khattana” “ son nom est Maroikha” ““Quels gros tétons ! ” – « Mais c ‘est pour donner du lait aux enfants” “ KK arrête la caravane pour se reposer” “KK -Katthana – tue vautours et aigles”- “ Ce moine psalmodie le ye-santa” -“ uniquement pour les moines et les gens éduqués” -“ KK joue du luth et tire à nouveau” - “ cette homme est à la recherche de Bouddha”

(5) Difficile de ne pas penser aux trois soeurs qu’épousa Chulalongkorn . Savang est née en 1862. Elle avait environ 30 ans à l’époque où le Maître de Nan peignait le Wat Phumin;-
(6) Wyatt, David K. “ Temple murals as an historical source” 1993-Chulalongkorn University Press –CUP-
(7) N’oublions pas que l’année bouddhiste commence à la septième lune qui suit le jour le plus court – la lumière la moins forte-en occident liée à St Nicolas- c ‘est à dire à Paques et que ce premier de l’an est lié –comme souvent Paques-à l’eau. C’est la fête de Songkran qui a, surtout dans le Nord, une version hautement festive. Durant une semaine de sept heures du matin à sept heures du soir tout le monde enfants, femmes, vieillards, hommes d’affaires, commerçants et fonctionnaires se lancent dans les rues de plein seaux d’ eau. En Hongrie les hommes arrosent la tête des femmes qui doivent leur offrir un oeuf en échange. Les rameaux sont lié aussi, dans l’orthodoxie catholique, a l’aspersion.

(8) Il est écrit “ ces soldats viennent d’un pays étranger”

(9) La légende de Khattana

Il était une fois dans le royaume de Sisaket une pauvre veuve qui semait et récoltait du riz. Prenant pitié d’elle le Dieu des Dieux Indra descendit sur terre sous la forme d’un éléphant blanc et remplit de son urine l’empreinte de son pas. A quelque temps de là la veuve vint à passer et ayant soudain soif but de ce liquide. 10 mois après elle accouchait d’un garçon qu’elle appela Katthana.
Quand il eut sept ans le garçon lui demanda qui était son père. La veuve lui raconta qu’elle avait bu l’urine déposée dans l’empreinte d’un pied d’éléphant. L’enfant décida alors de partir à sa recherche. Après de nombreuses aventures il arriva dans une foret où il dut combattre et tuer un ogre qui avant de mourir lui donna le secret de l’élixir de jeunesse et beaucoup d’ or qu’il alla aussitôt offrir à sa mère qui recouvrant jeunesse, beauté et richesse épousa bientôt le Roi de Sisaket.
Puis Khattana, poursuivant sa quête, eut à livrer de nombreuses batailles contre monstres et vampires, goules et loups-garous, magiciens et sorciers, sortant toujours vainqueur des combats grâce à ses pouvoirs magiques -et parmi ceux-ci un bâton qui avait le pouvoir de tuer et de redonner vie-, délivrant des princesses emprisonnées, se mariant avec elles, abandonnant le trône pour continuer sa route, cherchant toujours son père.
Indra ayant appris que son fils le cherchait descendit sur terre. Et enfin ils se rencontrèrent. Indra lui remit une défense miraculeuse qui pouvait lui procurer richesses et pouvoirs et lui permettre de marcher sur les eaux et voler dans les airs. Puis Indra regagna le ciel. Khattana conquit Taxila mais son ennemi ayant appris que son bâton magique était source de sa puissance le déroba et le tua. Un de ses deux fils, né à Campa, parti à sa recherche, le trouva expirant. Il tua son ennemi, récupéra le bâton magique et redonna vie à Khattana qui décida de s’installer et de régner à Taxila où il vécut heureux parmi ses enfants. Son fils retourna à Campa où il dut livrer bataille contre son frère et le tuer.


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