Le parlement découvre les joies du débat budgétaire
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Le parlement découvre les joies du débat budgétaire
Le parlement birman se consacre à plein temps au budget du pays, une tâche colossale pour un hémicycle inexpérimenté, dans un pays où les militaires avaient pris l’habitude de puiser à discrétion dans les caisses de l’Etat.
Voilà presque un an que la Birmanie, dirigée par des juntes successives pendant un demi-siècle, s’ouvre aux rudiments de la démocratie. Et pour les parlementaires, dont un quart sont militaires et plus encore des soldats à la retraite, les dossiers hier impénétrables sont devenus des sujets de débats.
« Nous disposons d’un cadre très vaste mais très complexe », explique Aung Tun Thet, conseiller auprès des Nations unies à Rangoun, évoquant le projet préparé par le gouvernement Thein Sein en décembre.
Depuis des décennies, le budget était préparé par le seul gouvernement militaire.
« Il n’y avait ni évaluation, ni discussion, ni dialogue. Maintenant, pour la première fois depuis de très nombreuses années, nous pouvons discuter du budget et de ses priorités », se réjouit-il.
Pour lui « c’est la démonstration de l’équilibre des pouvoirs entre le législatif et l’exécutif ».
Dans l’hémicycle, les lois sont désormais débattues, discutées, amendées même si le parti majoritaire dispose d’une majorité écrasante.
Certains objectifs budgétaires semblent taillés sur mesure pour les Occidentaux: le ministère du Plan et du Développement dit vouloir doubler l’enveloppe de l’éducation et multiplier par quatre celle de la santé.
Un choix salutaire: la Birmanie dépensait jusqu’à présent sept dollars par an et par personne pour la santé, soit 1,8% de son budget, l’un des taux les plus faibles du monde selon un rapport de l’ONU en 2009.
Mais le gouvernement Thein Sein réclame aussi 15,33 % du budget pour l’armée.
« On ne peut pas accepter », explique un député de l’opposition. Mais il refuse d’être cité sur un tel dossier. « On ne peut pas en parler ouvertement. C’est un sujet sensible ».
Aye Maung, parlementaire de la chambre haute pour le Parti du développement des nationalités rakhines (RNDP), juge au contraire la proposition acceptable.
« Mais nous ne savons pas si ce chiffre est réaliste ou non, car on ne connaît pas le budget précédent ».
S’il est adopté en l’état, le portefeuille de l’armée serait en hausse de 50% par rapport à l’année précédente, à 2,35 milliards de dollars, selon des chiffres officiels. Mais ces informations sont impossibles à confirmer: jusqu’à présent, le budget était de facto classé secret d’Etat et les parlementaires n’ont aucun moyen de comparaison.
En 2009, Jane’s Sentinel, société spécialisée dans l’information militaire, estimait le budget des armées birmanes à 1,5 milliard de dollars.
« Il est improbable que le gouvernement militaire de Birmanie puisse calculer de façon précise le coût total des forces armées », relevait-elle dans son rapport annuel.
Les experts sont pour autant unanimes pour dire que l’armée s’est servie dans les caisses du pays, détournant notamment à son profit une partie des revenus des hydrocarbures.
Les avoirs de certains des plus hauts officiers de l’ancienne junte, qui s’est autodissoute en mars 2011, sont d’ailleurs gelés au titre des sanctions occidentales.
Mais les réformateurs birmans promettent que l’armée ne sera pas épargnée par les réformes.
Le général Min Aung Hlain, chef de l’armée depuis un an, « ne veut pas s’impliquer en politique », assure ainsi Toe Naing Mann, fils de Shwe Mann, ex-numéro trois de la junte devenu le très réformateur président de la chambre basse.
« Nous pouvons faire la révolution des affaires militaires », relève-t-il. « Nous devons réduire les forces armées, passer de la quantité à la qualité ».
Le processus prendra encore des semaines. Le budget sera le premier débattu dans une enceinte parlementaire depuis le coup d’Etat militaire de 1962.
Le débat « donne une occasion historique de redéfinir les priorités de dépenses nationales et installer la transparence fiscale », s’est réjoui Meral Karasulu, qui a présidé en janvier une mission du Fonds monétaire international.
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