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Birmanie - Une conscience politique emmurée

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Birmanie - Une conscience politique emmurée Empty Birmanie - Une conscience politique emmurée

Message  thanaka Dim 14 Fév 2010 - 15:47

Nay Tin Myint a payé son engagement contre la junte de quinze ans d’emprisonnement, dont sept en cellule d’isolement. Réfugié depuis 2008 aux Etats-Unis, il raconte ces années de tortures et d’humiliations.

Tout a commencé par une belle journée de printemps, le 13 mars 1988. J’avais alors 21 ans. J’étais inscrit en dernière année de zoologie à l’université de Rangoon. Des soldats du Parti du programme socialiste de Birmanie (BSPP), le parti au pouvoir, ont abattu un élève ingénieur sur le campus. L’armée a nié et est restée sourde aux demandes d’enquête des étudiants, qui, alors, ont déclenché une grève. Le 8 août, le mouvement étudiant se transforma en soulèvement national. J’ai prononcé un discours condamnant la gestion déplorable du BSPP et demandant justice pour les violences commises par l’armée. J’ai été interpellé sur-le-champ.

Tout de suite après mon arrestation, les agents du gouvernement ont commencé à me torturer. Ils m’ont forcé à m’agenouiller et à ramper sur des pierres pointues, les mains menottées derrière le dos. Puis ils m’ont suspendu par les mains, les pieds touchant à peine le sol, et m’ont laissé saigner toute la nuit. Mes bourreaux m’ont posé un seau en fer-blanc sur la tête et ont tapé dessus à coups de marteau jusqu’à ce que le sang me coule des oreilles.

Condamné à quatre ans de prison, j’ai été, à l’instar des autres détenus politiques d’importance, maintenu à l’isolement dans une cellule de 2,4 m sur 3,6 m du célèbre centre pénitentiaire d’Insein, près de Rangoon. Bien que, d’après le règlement intérieur, les prisonniers aient droit à deux promenades par jour et à quinze bols d’eau pour se laver, les autorités m’ont gardé enfermé dans ma cellule. Aucune prison de Birmanie ne respecte les dispositions légales. Quand, à la fin de l’année 1989, j’ai exigé de bénéficier des droits prévus par le règlement carcéral, j’ai été transféré dans une autre prison tout aussi réputée : Tharawaddy, à Pegu [ou Bago, au nord de Rangoon].

La direction m’a fait travailler aux champs. Quand on m’a affecté à la collecte des pots de chambre, une tâche réservée aux détenus de droit commun, j’ai refusé car je n’étais pas un criminel. Pour me faire craquer, on m’a mis des chaînes aux chevilles et une barre de fer entre les jambes. Les coups continuaient de pleuvoir. Pendant l’isolement, mon pot de chambre n’a pas été changé pendant un mois. Je n’avais ni matelas ni couverture et dormais à même le sol de ciment. Tout autre vêtement que ceux que je portais m’a été refusé. Au bout d’un mois, une infection cutanée s’est développée. Je souffrais de troubles gastriques, mais les gardiens ont refusé de me faire soigner. Quand j’ai voulu signaler cette violation, j’ai été à nouveau transféré, cette fois à Myingyan, dans le centre du pays, au début de 1991. J’ai immédiatement été placé en isolement. On ne me donnait que très peu à manger et je ne pouvais me laver qu’une fois toutes les trois semaines. Il m’était impossible de nettoyer mes vêtements, l’eau m’étant fournie en quantité insuffisante. Je me lavais donc tout habillé, puis j’essorais mes vêtements et me relavais. Pour me punir de cette astuce, ils ont ajouté une deuxième barre métallique à mes chaînes. Je l’ai gardée pendant un an et, quand on me l’a retirée, je souffrais de paralysie partielle. En 1992, après avoir purgé mes quatre ans, j’ai été libéré, mais uniquement en raison de mon infirmité. J’ai passé les six mois suivants hospitalisé. Puis, reprenant du service aux côtés des militants pour la démocratie, j’ai été à nouveau arrêté par les sbires du gouvernement. En octobre 1993, j’ai été condamné à vingt ans de travaux forcés.

Une machine à briser toute Volonté politique

Après avoir passé quelques mois à Insein, j’ai été à nouveau transféré à Myingyan. J’ai peu à peu compris qu’en envoyant les prisonniers politiques comme moi à Myingyan la junte entendait non seulement les torturer et briser leur volonté politique, mais également éliminer systématiquement toute opposition. On m’a enchaîné les jambes et j’ai été condamné à l’isolement pour sept ans supplémentaires. Selon le règlement, les visites de la famille peuvent durer jusqu’à quinze minutes. Les prisonniers politiques n’ont cependant droit qu’à trois minutes avec leurs proches, qui viennent souvent de loin.

Début 2005, j’ai été envoyé à la prison de Mandalay, dans le nord de la Birmanie, où on m’a remis à l’isolement pendant six mois. Quand les autorités ont voulu me renvoyer à Myingyan, j’ai décidé d’entamer une grève de la faim. Au sixième jour, on m’a apporté de l’eau, mais les gardes ont brisé la cruche. Après quatre jours supplémentaires sans eau, j’ai perdu conscience. Le directeur général de l’administration pénitentiaire de Rangoon a eu vent de mon cas et m’a rendu visite. J’ai fini par être libéré le 6 juillet 2005. Je suis resté quinze ans dans leurs geôles, mais les généraux ne sont pas parvenus à me faire plier. Un grand nombre de gens ont sacrifié leur vie et tout ce à quoi ils tenaient au nom de la liberté pour leurs enfants. Les généraux de Naypyidaw doivent comprendre que nos dirigeants, Aung San Suu Kyi et les autres, qui sont toujours emprisonnés, ne renonceront jamais à leur rêve de démocratie et n’échangeront en aucun cas leur conscience politique contre une vie luxueuse sous le joug des militaires.

source www.courrierinternational.com

Nay Tin Myint a 21 ans lorsqu’il prend part, en 1988, à un mouvement de protestation. Il passera quinze ans en prison, sans jamais renoncer à son combat. Un an après avoir fui le Myanmar, il obtient l’asile aux Etats-Unis, où il est aujourd’hui le secrétaire de la Ligue nationale pour la démocratie (LND).
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