5 ans depuis le tsunami
Page 1 sur 1
5 ans depuis le tsunami
la suite du reportage photo http://www.boston.com/bigpicture/2009/12/five_years_since_the_tsunami.html
Admin- Admin
- Messages : 4881
Date d'inscription : 31/05/2009
Quelles leçons tirer du tsunami de 2004 ?
Modestie, transparence et dialogue sont les mots d’ordre.
Il y a un peu plus de 5 ans, plusieurs pays d’Asie du Sud-Est étaient ravagés par un tsunami dévastateur, en pleine période de Noël. Des dizaines de milliers de morts et disparus. Des villes et des villages rayés de la carte. Le drame vécu quasiment en direct allait provoquer une mobilisation internationale sans précédent, suivie rapidement, en France, par une polémique sur l’usage des dons reçus par les associations caritatives dans des volumes jamais observés, au total 330 millions d’euros.
La gestion de cette catastrophe par tous les acteurs (ONG, pouvoirs publics, entreprises, média…) a été critiquée. Des articles et des livres polémiques ont été publiés. La Cour des comptes a de son coté conduit un audit financier de l’ensemble des associations (en pdf) ayant bénéficié de la générosité du public et rappelé la nécessité de renforcer la transparence financière. L’ensemble du secteur a dû revoir ou préciser ses pratiques. Quelles leçons peut-on retenir pour l’avenir?
Le rôle crucial des secours locaux
Si on parle d’abord de la réponse à ce type de catastrophe, force est de constater que tout le monde a occulté le fait que les secours les plus efficaces dans les heures suivant la catastrophe avaient été locaux. Les vies sauvées l’ont été par les voisins et les proches, par les médecins et les secouristes des régions et des pays frappés par la tragédie. Si, dans les premières heures, les autorités nationales ont certes été désorganisées et confrontées à des difficultés logistiques pour atteindre les zones affectées, leur mobilisation a été réelle pour faire face à l’urgence de la situation. Certains pays, comme l’Inde, ont refusé le déploiement des secouristes internationaux, appelant les ONG à un peu de modestie devant ses propres capacités de réponse à la tragédie.
Le tsunami a permis ainsi de rappeler une autre évidence: les humanitaires, pris ici dans un sens large, n’interviennent jamais sur des territoires vierges. Le premier niveau de dialogue et de négociation dans ce type de catastrophe doit donc avoir lieu au plus près de la tragédie, sur le terrain, en lien avec les autorités publiques et les communautés concernées. Au lieu de seulement penser à mobiliser mécaniquement les secours étrangers et à les projeter vers les zones de la tragédie, il est tout aussi efficace de s’appuyer sur les capacités de réponse locales et régionales aux catastrophes, quand elles existent.
Et si ce n’est pas le cas, il serait judicieux de les renforcer ou de les développer avant de nouvelles tragédies. A côté d’initiatives multiples déjà lancées dans ce sens par les ONG, c’est l’objectif que se sont assignées depuis 2005 les Nations Unies au travers notamment de la Stratégie Internationale de Prévention des Désastres (ISDR), un sous-secrétariat des Nations Unies basé à Genève. Il reste à voir si ce dispositif sera efficace, mais l’initiative mérite d’être suivie.
Résister aux sirènes de l’émotion
Autre enseignement important: l’émotion publique ne peut à elle seule justifier le lancement de programmes d’assistance. La tragédie a démontré que ce n’est pas parce que le public se mobilise (ce qui est positif) et que des sommes d’argent faramineuses ont été collectées que l’argent est automatiquement bien utilisé ou qu’il doit être absolument dépensé. Les responsabilités existantes entre ONG et acteurs étatiques ou entreprises, et les moyens dont ils disposent durant la phase d’urgence et la phase de reconstruction, dite post-crise, sont bien différentes.
Laisser croire que les ONG, se substituant à l’Etat, ont les compétences requises une fois la phase d'urgence passée pour reconstruire une ville de plusieurs milliers d’habitants est mensonger. L’analyse des besoins à couvrir n’implique donc pas automatiquement la même réponse selon les acteurs concernés et aussi selon ce que souhaitent les autorités politiques nationales, qui peuvent avoir un avis différent sur ce qui est prioritaire et ce qui ne l’est pas.
Malgré un élan de solidarité sans précédent, le tsunami a été marqué par des dérives et du gaspillage. Il ne s'agit pas de le nier. Juste d'être conscient de certains effets pervers attachés à ce que l’on appelle des urgences dites CNN, ces catastrophes largement médiatisées.
Gare au cirque humanitaire
Tout le monde se souvient des embouteillages sur les aéroports d’Aceh en Indonésie ou Colombo au Sri Lanka, qui retardaient le déploiement de l’assistance. Sans parler des logos des volontaires des Nations Unies, côtoyant ceux de la Croix-Rouge, de centaines d’ONG plus ou moins connues, ou encore de ceux de représentants d’entreprises internationales accompagnant des soldats d’armées occidentales déployées avec leurs moyens logistiques impressionnants.
Face à l’absence de coordination entre tous ces acteurs pendant les premiers jours suivant la catastrophe, le cirque humanitaire a été dénoncé. Bien heureusement, cela n'a pas duré, et avec la reconstruction effective des zones affectées, les témoignages positifs sur les actions entreprises sont désormais nombreux. Mais, progressivement, le sentiment s’est aussi renforcé dans les pays ravagés par le tsunami qu’"une partie de l’argent collecté n’a pas été distribuée" et "a simplement permis aux ONG de s’enrichir".
La perception des humanitaires s’est dégradée au sein même des populations bénéficiaires de l’assistance, comme au Sri Lanka, où les autorités ont beau jeu depuis d’accuser la communauté humanitaire de tous les maux pour mieux la contrôler et discréditer ceux qui dénonceraient aujourd'hui les massacres qui ont accompagné la fin du conflit contre la rébellion tamoule dans le nord du pays.
Renforcer la transparence sur les actions entreprises
Le milieu humanitaire au sens large n’a pas de fierté à tirer de l’épisode du tsunami et doit faire preuve d'humilité sur les actions qu'il a entreprises depuis 2005. Il y a eu beaucoup de morts et de destructions, des opérations d’assistance et de reconstruction importantes et nécessaires ont été réalisées, mais ses "propres" représentations de ce qui se passait sur le terrain et du rôle des ONG ont parfois conduit à des erreurs dans la délivrance des secours, et entretenu une confusion sur les responsabilités pourtant différentes de tous ceux y ayant participé (Etats, protection civiles et forces armées, Nations Unies, Croix Rouge, ONG, entreprises…). Au risque de renforcer leur discrédit.
Que dire quand au final on se dispute les victimes pour justifier une présence sur le terrain et la dépense des sommes collectées auprès du public? Que penser également quand le porte-avion d’une armée occidentale envoyé sur la zone arrive plus de 2 semaines après la catastrophe et qu’un hôpital de campagne sophistiqué est construit par les militaires, alors que tout le monde sait que cette intervention ne correspond plus aux besoins?
Une meilleure articulation entre acteurs est nécessaire, durant la phase dite d’urgence en particulier, sans parler du minimum de règles éthiques qui doivent guider tous les acteurs de secours dans la réalisation de leur mission et la prise en compte des intérêts des populations. Il ne suffit pas de vouloir poser sur la photo. Renforcer la revue critique des actions lancées une fois qu’elles sont terminées est sans aucun doute la meilleure façon de renforcer la transparence sur les résultats obtenus. C’est un moyen de rendre des comptes aux donateurs privés et publics et de développer à leur égard une communication transparente et responsable en reconnaissant les succès, les erreurs ou les limites des actions entreprises.
Malgré l'affluence des dons qui a suivi le tsunami en Asie du Sud Est, l’acceptation générale par une majorité des donateurs privés de la réorientation de leurs dons vers d’autres théâtre de crises a démontré, si cela était nécessaire, qu’en expliquant les choses honnêtement, et malgré parfois la complexité des enjeux humanitaires, il était possible de maintenir et renforcer leur engagement vis-à-vis des associations qu’ils soutiennent souvent depuis longtemps.
source http://www.youphil.com/fr/article/01417-quelles-lecons-tirer-du-tsunami-de-2004?ypcli=ano
Il y a un peu plus de 5 ans, plusieurs pays d’Asie du Sud-Est étaient ravagés par un tsunami dévastateur, en pleine période de Noël. Des dizaines de milliers de morts et disparus. Des villes et des villages rayés de la carte. Le drame vécu quasiment en direct allait provoquer une mobilisation internationale sans précédent, suivie rapidement, en France, par une polémique sur l’usage des dons reçus par les associations caritatives dans des volumes jamais observés, au total 330 millions d’euros.
La gestion de cette catastrophe par tous les acteurs (ONG, pouvoirs publics, entreprises, média…) a été critiquée. Des articles et des livres polémiques ont été publiés. La Cour des comptes a de son coté conduit un audit financier de l’ensemble des associations (en pdf) ayant bénéficié de la générosité du public et rappelé la nécessité de renforcer la transparence financière. L’ensemble du secteur a dû revoir ou préciser ses pratiques. Quelles leçons peut-on retenir pour l’avenir?
Le rôle crucial des secours locaux
Si on parle d’abord de la réponse à ce type de catastrophe, force est de constater que tout le monde a occulté le fait que les secours les plus efficaces dans les heures suivant la catastrophe avaient été locaux. Les vies sauvées l’ont été par les voisins et les proches, par les médecins et les secouristes des régions et des pays frappés par la tragédie. Si, dans les premières heures, les autorités nationales ont certes été désorganisées et confrontées à des difficultés logistiques pour atteindre les zones affectées, leur mobilisation a été réelle pour faire face à l’urgence de la situation. Certains pays, comme l’Inde, ont refusé le déploiement des secouristes internationaux, appelant les ONG à un peu de modestie devant ses propres capacités de réponse à la tragédie.
Le tsunami a permis ainsi de rappeler une autre évidence: les humanitaires, pris ici dans un sens large, n’interviennent jamais sur des territoires vierges. Le premier niveau de dialogue et de négociation dans ce type de catastrophe doit donc avoir lieu au plus près de la tragédie, sur le terrain, en lien avec les autorités publiques et les communautés concernées. Au lieu de seulement penser à mobiliser mécaniquement les secours étrangers et à les projeter vers les zones de la tragédie, il est tout aussi efficace de s’appuyer sur les capacités de réponse locales et régionales aux catastrophes, quand elles existent.
Et si ce n’est pas le cas, il serait judicieux de les renforcer ou de les développer avant de nouvelles tragédies. A côté d’initiatives multiples déjà lancées dans ce sens par les ONG, c’est l’objectif que se sont assignées depuis 2005 les Nations Unies au travers notamment de la Stratégie Internationale de Prévention des Désastres (ISDR), un sous-secrétariat des Nations Unies basé à Genève. Il reste à voir si ce dispositif sera efficace, mais l’initiative mérite d’être suivie.
Résister aux sirènes de l’émotion
Autre enseignement important: l’émotion publique ne peut à elle seule justifier le lancement de programmes d’assistance. La tragédie a démontré que ce n’est pas parce que le public se mobilise (ce qui est positif) et que des sommes d’argent faramineuses ont été collectées que l’argent est automatiquement bien utilisé ou qu’il doit être absolument dépensé. Les responsabilités existantes entre ONG et acteurs étatiques ou entreprises, et les moyens dont ils disposent durant la phase d’urgence et la phase de reconstruction, dite post-crise, sont bien différentes.
Laisser croire que les ONG, se substituant à l’Etat, ont les compétences requises une fois la phase d'urgence passée pour reconstruire une ville de plusieurs milliers d’habitants est mensonger. L’analyse des besoins à couvrir n’implique donc pas automatiquement la même réponse selon les acteurs concernés et aussi selon ce que souhaitent les autorités politiques nationales, qui peuvent avoir un avis différent sur ce qui est prioritaire et ce qui ne l’est pas.
Malgré un élan de solidarité sans précédent, le tsunami a été marqué par des dérives et du gaspillage. Il ne s'agit pas de le nier. Juste d'être conscient de certains effets pervers attachés à ce que l’on appelle des urgences dites CNN, ces catastrophes largement médiatisées.
Gare au cirque humanitaire
Tout le monde se souvient des embouteillages sur les aéroports d’Aceh en Indonésie ou Colombo au Sri Lanka, qui retardaient le déploiement de l’assistance. Sans parler des logos des volontaires des Nations Unies, côtoyant ceux de la Croix-Rouge, de centaines d’ONG plus ou moins connues, ou encore de ceux de représentants d’entreprises internationales accompagnant des soldats d’armées occidentales déployées avec leurs moyens logistiques impressionnants.
Face à l’absence de coordination entre tous ces acteurs pendant les premiers jours suivant la catastrophe, le cirque humanitaire a été dénoncé. Bien heureusement, cela n'a pas duré, et avec la reconstruction effective des zones affectées, les témoignages positifs sur les actions entreprises sont désormais nombreux. Mais, progressivement, le sentiment s’est aussi renforcé dans les pays ravagés par le tsunami qu’"une partie de l’argent collecté n’a pas été distribuée" et "a simplement permis aux ONG de s’enrichir".
La perception des humanitaires s’est dégradée au sein même des populations bénéficiaires de l’assistance, comme au Sri Lanka, où les autorités ont beau jeu depuis d’accuser la communauté humanitaire de tous les maux pour mieux la contrôler et discréditer ceux qui dénonceraient aujourd'hui les massacres qui ont accompagné la fin du conflit contre la rébellion tamoule dans le nord du pays.
Renforcer la transparence sur les actions entreprises
Le milieu humanitaire au sens large n’a pas de fierté à tirer de l’épisode du tsunami et doit faire preuve d'humilité sur les actions qu'il a entreprises depuis 2005. Il y a eu beaucoup de morts et de destructions, des opérations d’assistance et de reconstruction importantes et nécessaires ont été réalisées, mais ses "propres" représentations de ce qui se passait sur le terrain et du rôle des ONG ont parfois conduit à des erreurs dans la délivrance des secours, et entretenu une confusion sur les responsabilités pourtant différentes de tous ceux y ayant participé (Etats, protection civiles et forces armées, Nations Unies, Croix Rouge, ONG, entreprises…). Au risque de renforcer leur discrédit.
Que dire quand au final on se dispute les victimes pour justifier une présence sur le terrain et la dépense des sommes collectées auprès du public? Que penser également quand le porte-avion d’une armée occidentale envoyé sur la zone arrive plus de 2 semaines après la catastrophe et qu’un hôpital de campagne sophistiqué est construit par les militaires, alors que tout le monde sait que cette intervention ne correspond plus aux besoins?
Une meilleure articulation entre acteurs est nécessaire, durant la phase dite d’urgence en particulier, sans parler du minimum de règles éthiques qui doivent guider tous les acteurs de secours dans la réalisation de leur mission et la prise en compte des intérêts des populations. Il ne suffit pas de vouloir poser sur la photo. Renforcer la revue critique des actions lancées une fois qu’elles sont terminées est sans aucun doute la meilleure façon de renforcer la transparence sur les résultats obtenus. C’est un moyen de rendre des comptes aux donateurs privés et publics et de développer à leur égard une communication transparente et responsable en reconnaissant les succès, les erreurs ou les limites des actions entreprises.
Malgré l'affluence des dons qui a suivi le tsunami en Asie du Sud Est, l’acceptation générale par une majorité des donateurs privés de la réorientation de leurs dons vers d’autres théâtre de crises a démontré, si cela était nécessaire, qu’en expliquant les choses honnêtement, et malgré parfois la complexité des enjeux humanitaires, il était possible de maintenir et renforcer leur engagement vis-à-vis des associations qu’ils soutiennent souvent depuis longtemps.
source http://www.youphil.com/fr/article/01417-quelles-lecons-tirer-du-tsunami-de-2004?ypcli=ano
Admin- Admin
- Messages : 4881
Date d'inscription : 31/05/2009
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
|
|